The Bony King of Nowhere, sève folk

The Bony King of Nowhere (Bram Vanparys) © Noah Dodson
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Alors que vient de sortir son premier album solo, le Bony King of Nowhere, perché dans les arbres ardennais, raconte ses relations étroites avec la nature, son éducation campagnarde, son job à la ferme et son amour soudain pour la poésie. Petit tour en cabane…

  • UPDATE: Double concert de clôture de la tournée ce 11 décembre à l’Atelier 210, Etterbeek. Infos: www.atelier210.be

Lignières. Un petit bled rural sans même un troquet perdu entre Marche et La Roche-en-Ardenne. La nuit tombe. Les bisons sont rentrés. C’est dans un endroit magique, une cabane sur deux étages avec salon, cuisine, chambre et feu au bois juchée dans les arbres à une dizaine de mètres du sol, qu’on a fixé rendez-vous au Bony King of Nowhere pour parler de son nouveau disque.

Ce n’est pas bien loin de là, à Mirwart, près de Saint-Hubert, dans une toute petite maison, au milieu des bois, que le singer songwriter s’en est allé enregistrer son troisième album. Le plus dépouillé. Le plus beau peut-être aussi. « Tout a probablement commencé quand Bouli Lanners m’a invité sur le tournage de son film Les Géants , m’a demandé d’en composer la bande originale et m’a installé pendant deux semaines dans une chambre d’hôtel de village, raconte le jeune homme à la voix d’ange. J’y ai écrit énormément et réalisé que la campagne et la nature m’inspiraient bien plus que la ville. »

En sept jours, é(mer)veillé par tout ce qui l’entoure du côté de la pittoresque Esch-sur-Sûre, au Luxembourg, où Les Géants a en bonne partie été tourné –« Je n’y avais jamais mis les pieds. Pour moi, ces rivières et ces paysages évoquaient le Canada »-, le Gantois écrit trois des chansons qui figurent sur l’album. Faux départ. De retour dans un environnement urbain, le Flandrien ne se sent pas bien. « J’ai mis six mois avant de pondre un nouveau bon morceau. Je passais mes journées assis à la maison. Même quand je sortais, je n’avais pas le sentiment d’être dehors. Je me sentais emprisonné dans ma propre ville. »

Bram essaye bien d’y mettre en boîte son disque sur lequel il a décidé de bosser tout seul. Quelque chose coince. Il part en retraite à Mirwart où il retrouve l’inspiration. Enregistre un morceau par jour et termine son album en une semaine. Trop facile…

« Je me suis levé un matin, j’ai tout réécouté, je me sentais frustré, mal, triste. L’album ne me parlait pas. Il avait du mal à respirer. Sur le plan des émotions, il ne ressemblait pas à un disque. J’ai donc décidé de tout effacer et d’aller me promener. Ce que j’ai fait pendant deux jours. » Alors qu’il rentre, que le soleil se couche, qu’il se sert un verre de vin et qu’il se met à pleuvoir, Bram s’enferme et réenregistre tout en une nuit. « Ça sonne trop romantique pour être vrai mais c’est exactement comme cela que ça s’est passé. Je me sentais inspiré. J’avais nettoyé mon esprit. Mes balades m’avaient apaisé. Quand j’ai commencé à enregistrer, j’ai ressenti l’urgence de terminer ce disque. Le lendemain, c’était fait. J’étais heureux. »

La cabane des bisons perchés
La cabane des bisons perchés© Noah Dodson

Enjoy the silence

Le trip campagnard du folkeux qui part enregistrer dans les champs ou les bois, rêve de grands espaces et d’une existence recluse, n’a rien de bien original. Bram Vanparys n’est pourtant pas dans le cliché et la pose. Il est né et a grandi à la campagne. Il vient d’Oosterzele. A une petite vingtaine de kilomètres de Gand. « Mes parents avaient une ferme. Et donc pas vraiment de voisins. Il n’y avait pas de télévision, de jeux ou d’ordinateur à la maison. J’étais toujours dehors. Même quand il pleuvait. C’est sans doute ce qui explique que j’aime tant la nature. Je m’y sens à l’aise. Dans cette cabane, au milieu des arbres, j’ai l’impression d’être chez moi. Les vaches, les moutons… C’est là où je suis né. »

Cette enfance, le Bony King en est convaincu, n’est pas étrangère à ce qu’il fait en musique aujourd’hui. « J’ai été amené à me montrer créatif avec rien du tout. A être imaginatif avec une branche. Je devais utiliser ma fantaisie pour m’amuser. Je suis reconnaissant envers mes parents pour cette éducation. »

Une éducation passée par un établissement scolaire assez spécial. « On ne devait pas s’asseoir. On pouvait faire ce qu’on voulait. Aller aux toilettes quand on le désirait. Amener une pelle et creuser des trous dans le jardin. On a appris des choses, beaucoup de choses, mais pas le genre de trucs qu’on t’enseigne dans les écoles traditionnelles. J’ai en fait énormément appris sur moi. Ce qui me semble fondamental. »

Par contre, à 12 ans, en arrivant à Gand, Bram est un peu le campagnard qui débarque à la ville. Une ville, l’une des plus agréables du pays, avec laquelle il avoue entretenir encore aujourd’hui une étrange relation d’amour-haine. « J’ai besoin de silence. J’habite à Gand un quartier plutôt calme. Un cul-de-sac d’ailleurs. Avec peu de bruit et de voitures. Mais ce n’est pas le même silence qu’ici. C’est dur de rester seul en ville. Pour moi, c’est plus dur qu’à la campagne. »

Au point qu’à ses heures perdues, Bram travaille dans une ferme. « Au moment où plus rien ne m’inspirait, je me suis dit qu’il fallait que je fasse quelque chose. Quand tu ne bouges pas ton corps, tu as parfois l’impression que ton esprit, ton âme, aussi, restent immobiles. Je suis donc parti frapper aux portes. Je me sens bien et heureux quand j’y bosse. Je ne dois pas regarder ma montre en permanence. Checker mes mails ou mon téléphone. »

Poudre d’escampette

A la sortie d’Eleonore, le Bony King parlait déjà de partir s’installer dans un royaume plus verdoyant et apaisant. Ce n’est pas un hasard s’il est fan de Neil Young qui a fui la ville pour s’installer dans un grand ranch. « Je ne lui ai jamais parlé mais j’ai lu beaucoup de choses à son sujet. Il voulait de l’espace, de la liberté. Et c’était aussi davantage une source d’inspiration pour lui que, je ne sais pas, le Chelsea Hotel à New York par exemple. »

Bram a toujours, dans un coin de la tête, l’idée de prendre la poudre d’escampette. « Je viens de lire l’article d’un journaliste qui a pris des photos de gens vivant comme les Amish mais sans en être. Des familles qui habitent dans des fermes. Sans rien. Sans électricité. Juste avec les choses basiques dont ils ont besoin pour vivre. Ce genre d’existence me tente de plus en plus. Je peux très bien me passer de courant. Je ne joue pas de guitare électrique… »

Bram part dans un petit éclat de rire. Ce retour aux choses fondamentales, à la vie simple, il y réfléchissait encore la veille en aidant son père à déménager. « J’ai embarqué plein de trucs chez moi dont il n’avait plus besoin. Ça m’a pris toute la journée. Dans ce genre de situation, on se sent un peu comme l’esclave de tout ce qu’on possède. Des esclaves de nous-mêmes, de tout ce qu’on a pu acheter. Les gens pensent qu’ils sont libres de se payer tout ce qu’ils veulent. Ils sont heureux d’avoir accès à Internet partout. Mais plus tu possèdes, moins tu as de temps pour toi et les choses vraiment importantes de la vie. J’essaie donc de vivre aussi sobrement que possible et de n’acheter que le nécessaire. »

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L’ombre de Rimbaud

Le seul petit péché mignon du Bony King of Nowhere, ce sont les vinyles. Le jeune homme ne se considère pas comme un collectionneur mais achète beaucoup de disques. Peu de nouveautés. « Je découvre ou redécouvre plutôt des choses dans des albums que je connais depuis longtemps. En écoutant The Carter Family, je réalise par exemple comment Maybelle Carter chante vraiment ses chansons. Sur ce nouveau disque, j’ai davantage été influencé par la manière qu’ont les gens de chanter et de dire que par des progressions de cordes. »

Bram Vanparys s’intéresse de plus en plus aux mots… « Si quelqu’un m’a influencé, ce n’est pas un musicien. Ou peut-être qu’il l’était. Je n’en sais rien. Je parle d’Arthur Rimbaud. Je suis sûr que si tu lui avais donné une guitare, il en aurait sorti quelque chose. Il aurait écrit de grandes chansons. J’ai été vraiment inspiré par sa poésie. Je ne suis pas le premier évidemment. C’est l’un des meilleurs, des plus grands. J’ai du mal à expliquer ce qui me touche. Ses images. Il peut juste te décrire le fait de manger un repas, de boire un café dans les Ardennes et te faire voir, sentir et entendre la scène comme si tu y étais. » Pour l’instant, le singer songwriter en est à la traduction anglaise. La version néerlandophone est moins réussie et son français, dit-il, est encore médiocre.

Les paroles sont pour le Bony King plus importantes qu’elles l’ont jamais été. Et ce grâce à un Bob Dylan, à un Leonard Cohen… Mais le garçon est aussi fan de Robert Frost. « Stopping by Woods on a Snowy Evening est l’un de mes poèmes préférés. C’est l’un des textes qui m’a amené à la poésie. Quand tu rentres là-dedans, que tu prends vraiment goût à la langue, à ce que tu peux en faire, c’est assez addictif. » Bram s’y est d’ailleurs mis et a écrit cette année plus de poèmes que de chansons. « Je ne sais pas ce que j’en ferai. J’écris pour le plaisir. Quand j’attends le bus ou un truc du genre, je commence à essayer de décrire les choses d’une aussi belle manière que je le peux. C’est comme un jeu. » Un jeu solitaire dont le Bony King of Nowhere sortira toujours gagnant.

La Cabane des bisons perchés, Rue de Crombin à Lignières. A partir de 30 euros la nuit. Renseignements: 0486/80.41.82.

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