Squid, Oklou, Pale Grey et Ditz: tous les goûts sont dans les albums de la semaine

La Française Oklou sort son premier album officiel, Choke Enough
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Du trip en bus de Pale Grey au premier album cotonneux d’Oklou, en passant par les explorations de Squid ou la rage de Ditz : voici les recos musicales de la semaine

1. Squid – Cowards

Distribué par Warp/V2. Le 16 avril au Trix (Anvers).
La cote de Focus : 3,5/5

Quand il présente Cowards, le troisième album de Squid, étrange et fascinante bestiole de la scène rock britannique, son batteur-chanteur Ollie Judge évoque le Nebraska de Bruce Springsteen. Les Anglais n’ont pas viré acoustique, mais les personnages de leur nouveau disque, dit-il, sont similaires à ceux qui habitent l’album solo du Boss «peuplé de gens méchants mais pimenté par des moments fugaces de rédemption». Cowards est une baignade dans le sombre océan qui sépare le bien du mal. Une promenade référencée et somnambule dans un monde de complaisance.

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Enregistré par Marta Salogni (Björk, English Teacher) et Grace Banks (Porridge Radio, Black Midi), mixé par John McEntire de Tortoise, le tout avec un petit coup de main de monsieur Dan Carey, Cowards se veut plus direct que son prédécesseur (O Monolith) mais Squid reste un groupe adepte du tricotage. Une bande de mecs audacieux et curieux qui aiment autant les vrais instruments que le bricolage et la production.

Il y a du Battles dans l’ouverture de l’album. Du Sonic Youth dans Building 650… Du Crack Cloud et plein d’autres choses excitantes dans ces neuf titres savamment emboîtés. Crispy Skin a été inspiré par le roman Cadavre exquis d’Agustina Bazterrica, dans lequel le cannibalisme devient la norme. Les humains se retrouvant manufacturés et vendus au supermarché. Building 650 évoque l’amitié avec quelqu’un de malsain et n’est pas sans lien avec le roman Miso Soup de Ryu Murakami. Cowards, la chanson, parle de beauté dans l’aliénation (rêves et peurs de liberté) et a été nourri par le film Canine de Yórgos Lánthimos. Là où Showtime!, qui traite d’exploitation, d’ego et d’abus, renvoie à un certain Andy Warhol… Squid confirme son goût de l’exploration, de la réflexion et de l’aventure. ● J.B.

2. Oklou – Choke Enough

Distribué par Because Music. Le 2 mars au Botanique.
La cote de Focus : 4/5

De Poitiers à L.A., il n’y a parfois qu’un pas. Oklou a grandi dans la première, vit aujourd’hui dans la seconde. C’est la musique qui l’a emmenée là. Marylou Mayniel est née en 1993. Ce qui n’est pas qu’un détail biographique, mais aussi un indice de son orientation musicale. Ou en tout cas de celle à laquelle on la rattache le plus souvent : l’hyperpop, courant post-Internet dont on a déjà expliqué plusieurs fois ici les ressorts. Une niche qui n’en est plus une –voir le carton du Brat de Charli XCX. Mais qui sert toujours de refuge à une pop mutante.

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Après des collaborations (Flavien Berger), des remix (Pomme, Caroline Polachek), et une mixtape (Galore), Oklou sort aujourd’hui son premier album. Nourrie au Web, la musique de la Française reflète moins l’hystérie de l’ère numérique que sa façon de flouter les limites entre réel et virtuel. En ouverture, par exemple, Endless avance dans un brouillard ambient –donnant l’impression d’avoir emprunté sa boucle aux Disintegration Loops de William Basinski. Plus loin, sur Ict, la voix sous autotune plane dans l’espace, tandis qu’une trompette résonne en fond. Entre riffs trance et vapeurs lynchiennes (RIP), Oklou réussit ainsi à troubler, tissant le fil de mélodies à la fois directes et nébuleuses, comme suspendues. ● L.H.

3. Pale Grey – It feels like I always knew you

Distr. Odessa. Le 21/03 au Reflektor (Liège) , le 19/04 à La Scène (Malmedy)

La cote de Focus : 3,5/5

On ne peut pas dire que Pale Grey soit particulièrement prolixe : deux albums à peine en une quinzaine d’années d’activité – l’inaugural Best Friends en 2013 et Waves en 2017. Les Liégeois aiment prendre leur temps. Emmené par Gilles Delwaque et Maxime Lhuissier, le quatuor n’est pas du genre à voyager pressé. Plus omnibus que liaison directe. D’ailleurs, pour leur nouvel album, ils n’ont pas hésité à imaginer une trame dont chaque morceau représenterait le passager d’un bus. Chaque personnage amenant avec lui son histoire et une thématique précise.

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C’est ce qu’on appelle un album-concept, pari toujours audacieux. Voire carrément casse-gueule : comment tenir la promesse sans devenir pompeux ou, à l’inverse, anecdotique ? Avec leur mélange de rock indie et de dream pop, Pale Grey évite heureusement l’un et l’autre. Produit par Ash Workman (Christine and the Queens, Baxter Dury, Metronomy), It feels like I always knew you regorge de mélodies élégantes. Les guitares mélancoliques d’Amin évoquent la fatigue du voyage et de l’exil, le mal du pays et des êtres qui vous manquent. Plus loin, Alba a le cœur battant, noyant son chagrin amoureux dans une pluie de chœurs élégiaques, quelque part entre Radiohead et Fleet Foxes. Felix, lui, se lamente dans un magnifique velours jazzy, là où les ruptures ludiques de Jo tentent de « repousser la vie d’adulte au plus loin ». Du bel ouvrage.   

4. Ditz – Never Exhale

Autodistribution. Le 2/3 au Botanique (Rotonde) et le 8/3 à l’Aéronef (Lille). 

La cote de Focus : 4/5

«Never Exhale.» N’expire jamais. On ne va pas se mentir. Le titre du deuxième album de Ditz annonçait clairement la couleur. Never Exhale sera son disque bleu. Et ce bleu n’est pas celui du ciel, de la mer et de la route des vacances, c’est celui de l’étouffement. D’un monde qui suffoque. D’une société qui s’époumone. D’une démocratie qui (s’)étrangle. Never Exhale ne respire pas la joie de vivre. Il inspire les esprits inquiets.

Ditz est le groupe préféré de Joe Talbot. «Le meilleur de Brighton (tant pis s’il vexe les Lambrini Girls) sinon du monde», dixit le chanteur d’Idles. Trois ans après The Great Regression, Cal Francis et ses potes s’imposent comme les plus dignes héritiers du Gilla Band avec un disque industriel, dissonant, bruitiste, durci par la pression de sa propre fabrication. Un album claustrophobe, à bout de souffle qui a l’univers radical, sinistre et lugubre. La bande son décapante et énervée d’un début d’année plombé aux perspectives tout aussi déprimantes. ● J.B.

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