Critique | Musique

Sofie Royer, une pop model entre ironie et doutes existentiels

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Sofie Royer nous offre une pop léchée, remplie d’esprit et de traits d’humour grinçants. © DR
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Album - Young-Girl Forever

Artiste - Sofie Royer

Genre - Pop

Label - Stones Throw

Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Sur son troisième album, Sofie Royer délivre une synth-pop aussi fun que grinçante, décapant joyeusement la société de consommation

Aussi étonnant que cela puisse paraître dans une époque aussi décadente que la nôtre, le dandysme est un art qui se perd. Fini le Negroni siroté au bord de la Méditerranée, au soleil couchant: vous aurez toujours un influenceur qui viendra vous instagrammer le décor, avec sa perche à selfie. Heureusement, il y a Sofie Royer. Sourcil relevé, visage flegmatique. Un vrai clown triste, à la fois élégante et décalée.

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Sa musique ressemble à son parcours: un vrai jeu de piste. Née en Californie, mélangeant des origines autrichiennes et iraniennes, Sofie Royer a étudié la philosophie et la psychologie à Vienne, ainsi que la peinture. Musicienne de formation classique -elle pratique le violon-, elle s’est également retrouvée à organiser les fameuses sessions électroniques Boiler Room, officiant même comme DJ résidente sur la radio NTS. Le fil rouge? Un certain regard distancié, joliment désabusé.  

On avait déjà pu s’en apercevoir sur ses deux premiers albums –Cult Survivor (2020) et Harlequin (2022). Avec son nouveau Young-Girl Forever, la trentenaire confirme son don pour une pop léchée, remplie d’esprit et de traits d’humour grinçants. Avec son approche plus frontale, le disque pourrait même faire sortir de la case underground celle qui a déjà joué en premières parties de Lana Del Rey, et à qui Clara Luciani a récemment déclaré sa flamme.     

Sage comme Lio

Le titre Young-Girl Forever est inspiré du livre Premiers matériaux pour une théorie de la jeune-fille, publié par le collectif situationniste Tiqqun, en 1999. Où la jeune-fille en question représente « le citoyen-modèle tel que la société marchande le redéfinit (…) Au début des années 20, le capitalisme se rend en effet compte qu’il ne peut se maintenir comme exploitation du travail humain s’il ne colonise pas aussi tout ce qui se trouve au-delà de la sphère stricte de la production. Face au défi socialiste, il lui faut aussi se socialiser. » Carrément. L’album de Sophie Royer ne tient pas pour autant du manifeste. Fun de bout en bout, il est même le plus accessible de sa discographie.

Cela ne l’empêche pas de questionner ce qu’implique aujourd’hui d’être une jeune femme au sein de l’industrie musicale, et du capitalisme digital en général. Cela n’est sans doute pas un hasard si Young-Girl Forever comprend par exemple une reprise de Sage comme une image, chanté à l’origine par Lio -qui, pour rappel, avait entamé sa collection de tubes en chantant Banana split, âgée alors d’à peine 16 ans. La version qu’en donne Sofie Royer reste assez proche de la production disco de Marc Moulin. Pour cause, alors que les orchestrations de l’album précédent avaient pu virer vers la pop de chambre, Young-Girl Forever creuse davantage la veine eighties. Polyglotte (anglais, français, allemand), Sofie Royer pioche dans le yacht rock (Lights Out Baby, Entropy!) ou la synth-pop (Babydoll), pousse la mélodie déviante (Nichts Neues im Westen) ou fraie avec le cabaret (Fassbinder). Avec toujours sous le glacis pop, une ambiguïté intrigante.

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