Sly Stone, la mort d’un pionnier funk (et d’un symbole)

Sly Stone, pionnier funk, est mort ce lundi 9 juin
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Sly Stone est décédé ce lundi 9 juin. Avec son groupe racialement mixte The Family Stone, il avait créé une marmite musicale unique, plongeant le funk et la soul dans le psychédélisme rock, incarnant les utopies sixties. Retour sur le parcours d’un pionnier unique

Sly Stone est mort, ce lundi 9 juin, à Los Angeles, ont annoncé ses représentants. Le musicien est décédé après une « longue bataille » contre une maladie des poumons. Leader de la Family Stone, il a révolutionné la musiques des années  60-70 avec un son funk psychédélique, bande-son de la révolution sixties. Avec des tubes intemporels comme Everyday People, Dance to the Music, I Want to Take You Higher ou encore Family Affair, il a incarné une utopie, celle d’une Amérique réconciliée, où les tensions raciales auraient été définitivement apaisées.

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Né le 15 mars 1943, à Denton, au Texas, Sylvester Stewart grandit dans une fratrie de cinq enfants. Elevé dans une famille croyante, se rendant régulièrement à la messe à l’église Pentecôtiste, il formera un premier groupe de gospel, avec trois de ses frères – the Stewart Family Four. Après avoir déménagé en Californie, l’ado s’immerge dans la scène de San Francisco. Dès la moitié des années 60, il commence à produire ses premiers groupes et officie également à la radio. Déjà en tant que DJ, il refuse de se cantonner à un genre ou aux étiquettes raciales, jouant aussi bien Otis Redding que Bob Dylan ou les Beatles.

Utopie sixties

En 1966, il forme Sly and the Stoners. Quand son frère Freddie, leader de Freddie & the Stone Souls, le rejoint, les deux groupes fusionnent pour devenir Sly and the Family Stone. Un an plus tard, un premier album voit le jour, A Whole New Thing. S’il a du mal trouver tout de suite son public, il détonne d’emblée. Avec The Family Stone, Sly introduit en effet un groupe rassemblant à la fois des musiciens et des musiciennes, mais aussi des Noirs et des Blancs. Ce n’est certes pas le premier groupe interracial – le groupe « maison » du label soul Stax, pour ne citer qu’un exemple, était déjà mélangé. Mais à une époque où les Etats-Unis restent secoués par la bataille pour les droits civiques, le symbole frappe les imaginations.

Ce mix n’est pas qu’un gimmick. Il se retrouve aussi dans la musique proposée par Sly & The Family Stone. Arrimé, au moins symboliquement, à la scène hippie de San Francisco, il va mettre au point une recette musicale inédite. Une marmite dans laquelle il fait mijoter funk, soul, R&B, mais aussi rock, psychédélisme. Dès l’album suivant, Dance To The Music, et son tube éponyme, Sly & The Family Stone, lance ainsi une véritable révolution musicale. Elle va influencer les parcours de musiciens aussi emblématiques que Michael Jackson, Prince ou encore George Clinton. « Sly était comme les Beatles et Motown réunis », affirmera ainsi ce dernier.  

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Avec le succès, la formation va aussi cependant glisser de plus en plus dans les drogues. En 1971, Sly Stone enregistre quasi seul There’s A Riot Goin’ On. Régulièrement classé parmi les albums les plus importants du XXe siècle, il symbolise bien la fin des utopies sixties. Disque ombrageux, il est notamment marqué par l’utilisation intensive de la drum machine par Sly Stone.

Un fantôme

Par la suite, le musicien va cependant perdre petit à petit le fil de sa musique. Rongé par son addiction à la cocaïne, il va disparaître des radars. En 93, il réapparaît brièvement lors de la cérémonie d’introduction de son groupe au Rock & Roll Hall of Fame, pour s’évanouir directement après à nouveau dans la nature. On le dit ruiné – il lancera une action en justice contre son ancien manager, l’accusant de l’avoir escroqué. Sans domicile fixe, il vit alors seul, dans un van aménagé. Un choix, selon la version de l’intéressé, dans son autobiographie parue en 2023 – Thank You (Falettinme Be Mice Elf Agin).

Sly Stone tentera encore un come-back dans le courant des années 2000, reprenant la route. En 2007, sa tournée était notamment passée par le Blue Note festival, à Gand. Ceux qui y étaient se souviennent d’avoir aperçu une sorte de fantôme. La légende soul n’était restée que quelques minutes sur scène, avant de s’éclipser « le temps de reprendre son souffle ». Les spectateurs ne l’ont plus jamais revu.    

En janvier dernier, le batteur des Roots, Questlove, présentait son documentaire Sly Lives! (aka The Burden of Black Genius) au festival Sundance. Dans un post Instagram, publié mardi matin, c’est encore lui qui résume le mieux l’apport de Sly Stone, et ce que son décès peut signifier au moment où l’Amérique semble plus divisée que jamais : « Sly était un géant – non seulement pour son travail novateur avec The Family Stone, mais pour son inclusivité raciale et les vérités profondément humaines qu’il glissait dans chacune de ses notes (…) ‘We got to live together ! ’ Cette phrase à l’époque idéaliste, je l’entends aujourd’hui comme une obligation. La musique de Sly nous parle encore plus aujourd’hui qu’elle ne le faisait à l’époque. »  

 

 

 

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