Album - Ugly
Artiste - Slowthai
Genre - Rap
Label - Top Notch
Critique - L.H.
Toujours aussi remonté, Slowthai injecte une dose supplémentaire d’énergie punk à son rap, grâce à Dan Carey à la production.
Slowthai a toujours aimé ruer dans les brancards. Dès son premier album, Tyron Frampton de son vrai nom endossait le rôle de fou du roi. En 2019, Nothing Great about Britain insultait la Reine, crachait sur les flics racistes et le parti conservateur -nommé au Mercury Prize, Slowthai montera sur scène en tenant en main la tête décapitée de Boris Johnson…
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Certes, ce “panache” lui jouera parfois des tours (le dérapage misogyne des NME Awards en 2020). Mais il faut bien reconnaître que Frampton ne s’épargne pas non plus. Sur la pochette de Nothing Great about Britain, il ricanait la tête coincée dans un pilori médiéval. Tandis que pour celle de Tyron, en 2021, il gisait au pied d’un arbre, une flèche enfoncée dans le front, pour un album qui osait aborder la santé mentale fragile de l’intéressé.
Pour son troisième essai, Slowthai persiste et signe. Cette fois, l’image zoome sur le regard paumé du rappeur, et plus précisément sur sa joue, sur laquelle a été tatoué le titre du disque, Ugly. “Laid” donc, nouvelle preuve d’une (auto)détestation dont il a fait son principal carburant…
Moche et méchant
Ce mélange d’anxiété et d’énergie dévorante, Slowthai l’a souvent extériorisé dans une attitude punk. Avec Ugly, il l’incarne aussi désormais davantage musicalement. Lui, le rappeur prolo que les indie kids snobaient, a décidé de se rapprocher des guitares. Et de confier la production d’Ugly à Dan Carey, homme de l’ombre derrière quelques-uns des projets rock les plus excitants de ces dernières années, de Black Midi à Squid en passant par Wet Leg ou Fontaines DC.
Ces derniers sont d’ailleurs présents sur le morceau-titre, longue rumination tempétueuse. En fait, dès l’entame, avec Yum, l’orage gronde. Sur un groove aux sonorités industrielles, Slowthai annonce: “Excuse-me while I self-desruct…”. Sonnant de plus en plus comme King Krule (Never Again), le lad de Northampton, devenu récemment père, semble souvent au bord du gouffre, éructant et aboyant (Tourniquet).
Au-delà du dénigrement, Ugly est aussi l’acronyme de “U Gotta Love Yourself”, explique Slowthai. Réussir à s’aimer n’est cependant toujours pas évident. Pour le clip de Selfish, l’Anglais a passé 24 heures enfermé dans une pièce recouverte de miroirs. Une manière d’illustrer ses conflits intérieurs. Ceux d’un fils élevé par une mère-ado solo, qui a dû combiner petits boulots et bons alimentaires pour boucler les fins de mois.
Désormais, Slowthai est plus à l’aise, même si les barrières mentales ne sont pas toutes tombées. C’est sans doute là que la musique peut encore servir. Non pas tant comme moyen de divertissement que comme possibilité d’évasion de sa condition. Après la vidéo de Selfish, Slowthai a enchaîné avec celle de Feel Good. Le rappeur y a filmé les réactions d’une dizaine de fans. Cette fois, ce sont eux qui se retrouvent “enfermés”, cloîtrés dans leur chambre pour écouter le morceau. Avant que Slowthai ne les rejoigne par surprise pour danser avec eux. Isolés toujours, mais plus tout à fait seuls…
En concert le 30/09, à l’Ancienne Belgique (Bruxelles).
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