SDM nouveau poids lourd du rap français: “Les efforts ont payé”

Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Présent sur l’un des tubes rap de l’été (Dolce Camara de Booba), parfaitement à l’aise dans son rôle de juré de Nouvelle École, SDM enfonce le clou avec un troisième album maîtrisé de bout en bout.

Une première discussion a lieu en 2021. Covid-19 oblige, l’interview se fait alors par Zoom. Le premier album de SDM, Ocho, est sorti quelques semaines plus tôt. Il fait déjà un carton. Un an à peine plus tard, le virus s’est éloigné. Le rappeur parisien en profite pour enchaîner et enfoncer le clou avec Liens du 100. Sur le titre Mr Ocho, il tique tout de même: « Pour eux, je ne suis qu’un artiste de la pandémie »…

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Sauf que, entre-temps, le succès s’est confirmé. En France, ses deux premiers disques ont atteint chacun le double platine (l’équivalent de 200 000 ventes). Cet été, on a aussi pu le voir aux côtés du boss Booba, sur le tube Dolce Camara. Au même moment, SDM rejoignait le jury de Nouvelle École, pour la troisième saison du télécrochet rap de Netflix. Aux côtés du taulier SCH, présent depuis le début, et de l’hyperstar Aya Nakamura, SDM a su parfaitement tirer son épingle du jeu. Assumant et argumentant ses choix souvent bien arrêtés. Mais toujours drôle et bienveillant – »Il y a trois, quatre ans, j’aurais pu être à leur place« , glissait-il dans le premier épisode. De quoi augmenter encore un peu plus son capital sympathie. Et consolider sa place parmi les têtes d’affiche actuelles du rap français. « Les efforts ont payé. Mais maintenant que j’y suis, il n’est pas question de s’arrêter là. On en veut toujours plus. Il s’agit de battre des records. » C’est le sportif qui parle. « Des gamos, des trophées, comme Zizou », rappe encore celui dont la première passion reste le football –gamin, il a joué et gagné contre les futurs internationaux Rabiot et Coman. « Le rap, c’était le plan B« , se marre-t-il aujourd’hui. Jusqu’ici, il a parfaitement fonctionné.

Sur ALVALM, SDM se donne toujours plus les moyens de ses ambitions. En s’entourant par exemple d’une brochette de producteurs multi-certifiés, de BBP (PNL, Damso, Vald, etc) à Myth Syzer (Hamza, 13 Block, etc), en passant par Dany Synthé ou Skread (Orelsan). Et en distillant les featurings, de l’incontournable Tiakola à Josman, Werenoi ou Hamza. Au menu, un rap street, bourré d’ad lib accrocheurs, avec son quota de bling-bling, de fanfaronnades vénèr et de « sale », plus Serpentard que Gryffondor (Drago Malefoy). De prime abord, l’itinéraire est bien balisé. Voire un poil trop calibré? Pas si vite.

La musique ou les streams?

Car si SDM est là pour performer et empiler les médailles, une partie de lui reste joueur. Musicalement déjà, il multiplie les petites incartades: touche de saxo sur Maintenant ça va, chœurs gospel sur l’outro de Sequoia, synthés brumeux sur Cartier Santos, drache de piano sur Pour elle, et puis surtout une pluie de guitares un peu partout –Plus rien, Metallica, etc. « J’ai l’impression d’être allé plus loin, d’avoir été chercher d’autres sonorités. Même dans la manière dont je me rapproche du chant et de la mélodie sur certains morceaux. »

Au niveau des textes, SDM y met également les formes. Sans jamais oublier la cible, mais en multipliant les marques de respect pour son art: le rap. Une discipline trop souvent dévoyée sur l’autel du succès? Dans Plus rien, il dégaine par exemple: « C’est la musique ou les streams que vous jugez?« . On se rappelle encore de ses partis pris dans Nouvelle École, soutenant dès le départ le rap à l’ancienne de Youssef Swatt’s. « Un morceau comme Générique de fin (qui a permis au Belge de remporter la finale, NDR) est incroyable. C’est super bien écrit, super bien interprété, avec plein d’émotion, etc. J’étais son ‘juge’, mais qu’est-ce que j’allais apprendre à ce mec? On lui a posé des colles, à chaque fois il s’en est sorti. Ça a été comme ça tout du long. Le bon élève est arrivé à la finale, et il a terminé premier de classe. C’était mérité ».

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Dans ALVALM, il y a donc SDM, équipé pour enchaîner les numéros un. Mais aussi, jamais très loin, son double: celui qui se faisait surnommer Saddam dans les rues de sa cité de Clamart, dans le sud-ouest de Paris. C’est là que le rappeur d’origine congolaise a grandi et planté ses premières rimes. Là aussi qu’il a galéré, zigzagant entre les petits trafics, et élevé par une mère seule, en charge de cinq autres enfants. On pourrait croire que le succès a apaisé les plaies, que le « vilain petit canard de la famille » est rentré dans le rang. Mais il suffit de se pencher un peu sur les textes et l’humeur souvent sombre d’ALVALM pour comprendre que ce n’est pas le cas. « Cela tient aussi au moment où j’ai enregistré le disque. Je sortais d’une année où j’avais donné énormément de concerts, le tout enchaîné au tournage de Nouvelle École. J’étais lessivé. Du coup, quand j’ai commencé à écrire, j’étais dans un mood assez sombre. » Dans Plus rien, il avoue ainsi avoir souvent « mal à la vie ». Sur Merci, il grince encore: « Mon cœur est noir, j’suis né un jour où il neigeait/On est noir, donc on les gêne/Un fils de pute de prof’ a voulu me faire croire/que moi, j’avais du gorille dans les gènes ». Il confirme l’anecdote: « Je devais avoir 9, 10 ans. À cet âge-là, tu encaisses ce genre de phrase horrible sans trop les comprendre. Mais cela ne les empêche pas d’avoir un impact. Après, ma mère m’a appris à être fier de moi et de ce que je suis. Elle a forgé mon caractère et à être solide dans ma tête. »

Il y a donc SDM la superstar; Saddam, le rappeur impliqué; et puis, entre les lignes, Beni Mosabu, le gamin turbulent né en 1995. À moins que ce ne soit Léonard Manzambi, autre nom sous lequel ses morceaux sont parfois crédités ? Le flou est maintenu. Comme si, emporté dans le tourbillon du succès qu’il a cherché et connu ces dernières années, il voulait quand même encore se protéger un minimum. « La vie m’a appris à faire attention à mon cerveau. Les gens croient par exemple souvent qu’on est comme des robots. Mais quid de la santé mentale? Quand tu viens d’où je viens, ce n’est pas vraiment un sujet. Le risque de dépression est pourtant là. J’ai parfois cru tomber dedans. Et puis, en me renseignant, j’ai compris que cela n’était pas ça. Mais si cela m’arrivait? Si je ne maîtrisais plus mon esprit? C’est l’une de mes plus grandes peurs. Ne plus contrôler les choses, qu’elles m’échappent. » SDM, rappeur cruise control.

SDM, ALVALM ***(*), distribué par Universal.

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