Sages Comme Des Sauvages: « On est comme Bonnie et Clyde, mais sans les risques »
Arrivé un peu par hasard au-devant de la scène musicale, le groupe Sages Comme Des Sauvages a su conquérir le public grâce à une musique joyeuse et métissée. Rencontre.
Ils sont présents dans le paysage musical depuis de nombreuses années, mais c’est grâce à leur dernier projet qu’ils récoltent enfin les fruits de leur travail. Ava Carrère et Ismaël Colombani se sont retrouvés là un peu par hasard et se sont parfois sentis dépassés par ce groupe, mais ils ne regrettent aucun moment de cette belle histoire. Leur album Largue la peau sorti en 2015 a connu un large succès populaire qui surprend autant que leur style.
Comment vous êtes-vous rencontrés?
Ismaël Colombani: On s’est rencontrés à travers la musique. J’ai aussi un groupe de rock alternatif qui s’appelle Vitas Guerulaitis et un jour j’ai reçu un message qui disait « j’adore, vous, bordel » et je me suis dit que ça méritait une réponse correcte. Je suis allé regarder et j’ai vu que c’était Ava Carrère qui avait déjà sorti un premier album et je lui ai répondu: « je croyais que tous les bons chanteurs français étaient morts ». Donc on s’est rencontrés et on est partis en vacail (mélange de travail et de vacances). On jouait une ou deux fois par semaine et on vivait comme ça.
Ava Carrère: On est comme Bonnie et Clyde, mais sans les risques!
I.C.: Au début, on faisait des doubles solos avec quelques chansons à deux à la fin. On n’avait pas vraiment prévu de faire un groupe. Petit à petit les gens nous ont demandé d’en faire plus. On a posté un clip qu’on avait fait à La Réunion qui s’est pas mal répandu et du coup on nous a demandé de faire des concerts comme si on était un groupe.
A.C.: Ça s’est un peu fait malgré nous. Au départ on ne voulait pas faire un groupe. Mais tout paraissait tellement facile qu’on n’a pas eu le choix.
I.C.: À l’inverse de tous les groupes qu’on a eu avant, on n’a jamais eu besoin de chercher des concerts.
Vous utilisez beaucoup d’instruments différents dans vos morceaux. Comment sont-ils arrivés à vous?
A.C.: J’ai vécu en Grèce quand j’étais petite et mes parents y vivent encore. Quand on est allés leur rendre visite, je suis tombé sur un grand tambourin qui s’appelle un defi. Je ne savais pas du tout en jouer, mais je me le suis approprié, j’ai tapé dessus avec une baguette chinoise. C’est un instrument traditionnel joué d’une façon non traditionnelle.
I.C.: Les instruments c’est un peu comme les gens. Il y en a que tu trouves sympas, mais avec qui tu ne pourrais pas partir en vacances et il y en a que tu n’imaginais pas sympas, mais par après tu pars en vacances avec. Pendant notre séjour en Grèce, j’ai acheté un bouzouki en me disant qu’on verrait plus tard ce que j’allais en faire. De base, je joue du violon, puis je me suis mis à la guitare parce que tout le monde en fait et enfin j’ai découvert le cavaquinho qui est un instrument à cordes brésilien.
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Quelles sont vos inspirations?
A.C.: C’est surtout les gens qui nous inspirent, car leur situation nous importe.
On sent tout de même une forte influence de La Réunion dans vos morceaux. D’où vient votre attrait pour cette culture?
A.C.: On est allés plusieurs fois là-bas donc ça nous a rapprochés du pays. Il y a aussi la langue créole qui est magnifique. C’est une langue très vivante et elle est très belle pour écrire des paroles parce que ce n’est pas aussi difficile que le français académique.
En plus du créole, vous chantez aussi en français et en anglais, quelles sont les raisons de l’utilisation de toutes ces langues?
I.C.: Le créole à la base ce n’est que des reprises, mais ça a fini par « créoliser » notre façon de chanter en français. On utilise l’anglais parce que Ava parle anglais. Mais on n’a pas l’idée de chanter dans plein de langues. On essaye d’abord d’explorer le français, mais ce qui nous intéresse se trouve dans les « banlieues » du français. On s’intéresse beaucoup aux différentes façons d’explorer le français. D’un côté on a le chanteur réunionnais Danyèl Waro et de l’autre il y a Arno qui est un flamand qui chante en français.
Comment travaillez-vous au niveau de la composition des morceaux?
I.C.: Au début, on travaillait beaucoup chacun de notre côté, mais on travaille de plus en plus ensemble. À chaque fois, on part d’une idée qu’un de nous deux amène. En cas de gros débat, ça permet à celui qui est venu avec l’idée d’avoir le dernier mot. Mais souvent on arrive avec une partie de morceau, sans trouver quoi en faire alors on peut le refiler à l’autre plutôt que de le laisser dans un coin.
Sur vos morceaux, vous n’utilisez aucun artifice alors qu’on se trouve dans une période où beaucoup d’artistes modifient leur voix ou les sonorités de leurs instruments. Quel est votre but à travers cela?
A.C.: On se prépare à la fin de l’électricité. Le jour où il n’y a plus d’électricité, nous on est encore là alors que tous ceux qui font de l’électro ils ne pourront plus rien faire. Du coup ça nous a permis de faire des rencontres avec d’autres groupes qui se situent dans le non électrique.
Vous avez beaucoup tourné ces dernières années. Est-ce qu’il y a un pays où vous aimeriez aller partager vos morceaux?
I.C.: Récemment j’ai rencontré la diaspora Touareg de Bruxelles et j’ai vraiment accroché à leur mentalité et à leur manière de jouer. On a été invités à jouer dans une de leurs soirées et ça a été très bien reçu donc j’irais bien là-bas.
A.C.: Moi aussi, ce serait vers le Niger ou le Mali où on trouve beaucoup de Touaregs.
I.C.: Mais on aimerait bien faire découvrir nos morceaux dans tous les pays où on ne parle pas français. On a déjà joué en Allemagne, en Angleterre et en Grèce et à chaque fois ça s’est bien passé.
A.C.: On essaye de dire plus que des mots grâce à nos arrangements.
Comment expliquez-vous le fait que vous vous produisiez tellement en concert alors que vous êtes assis sur scène et qu’il n’y a aucun artifice mis en place?
A.C.: C’est peut-être justement pour ça qu’on aime faire appel à nous.
I.C.: Le mec qui est chargé de nous trouver des dates, c’est le premier truc qu’il nous a dit. Il n’y a rien sur le papier qui fait que ça devrait fonctionner. Mais justement je pense que c’est ce côté dépouillé qui fait que ça marche et aussi le fait qu’on essaye d’être très proches du public en interagissant avec eux. C’est un peu dans l’air du temps, on fait de la musique écolo avec des instruments en bois et sans amplification.
Vos tenues de scène sont les mêmes depuis le début?
I.C.: Non, ça n’arrête pas de bouger. C’est comme la puberté, ça évolue, on essaye différentes choses sans savoir tout de suite si c’est vraiment bien.
A.C.: En fait, tout ce qui brille, on se l’agglomère.
I.C.: Récemment on a eu un peu d’argent pour faire les costumes qu’on a maintenant, mais c’est constamment en mouvement.
A.C.: Puis en ce moment, on se fait allumer par les Nord-Américains à cause de notre maquillage rouge.
I.C.: Ils nous disent qu’on fait de l’appropriation culturelle.
Et pour terminer, c’est quoi la musique qui passe dans le salon de Sages Comme Des Sauvages?
I.C.: J’ai un petit concept. Pour la bouffe, on dit que c’est mieux de consommer local et moi j’appliquerais ça aussi à la consommation de culture. Je me suis rendu compte que les groupes que j’écoute le plus sont ceux qui viennent de Bruxelles parce que tu vas les voir en concert, tu discutes avec eux, tu bois un coup et ça crée quelque chose. Les groupes qu’on écoute le plus c’est Kel Assouf, des touaregs bruxellois, et Facteur Cheval.
En concert au Botanique le 26 mars
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