Critique | Musique

Quand soudain Manu Chao fait son retour

3 / 5
© D.R.
3 / 5

Album - Viva Tu

Artiste - Manu Chao

Genre - Global

Label - Because

Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Dix-sept ans après son dernier album, Manu Chao revient avec Viva Tu, fidèle à l’esperanto musical inauguré sur son best-seller Clandestino

C’est assurément l’un des événements musicaux de la rentrée. Alors qu’on le pensait rangé des bagnoles, Manu Chao sort un nouvel album! Certains retours peuvent donner l’impression de simplement refermer une parenthèse, se glissant dans le flot des sorties comme si de rien n’était. Celui du chanteur errant tranche davantage.

Certes, 17 ans se sont écoulés depuis La Radiolina, son dernier album officiel. Dans l’intervalle, Manu Chao n’a cependant jamais complètement disparu -en avril dernier, il était encore à l’affiche du festival Balkan Trafik, à Bruxelles. Il a même continué à publier régulièrement de nouveaux morceaux, offerts sur son site. L’époque, cependant, a changé. A fortiori depuis Clandestino, premier album solo miraculeux, qui transformait le rockeur indie français en star globale engagée, livrant la bande-son du mouvement altermondialiste naissant. C’était à la fin du siècle dernier, quand Internet était encore une promesse. Depuis, pour reprendre la formule de l’écrivain Hervé Le Tellier, la liberté de penser sur la Toile y « est d’autant plus totale qu’on s’est bien assuré que les gens ont cessé de penser ». Et la notion d’engagement est devenue une denrée pop comme une autre, instantanément digérée par les plateformes. En 2024, Manu Chao ne donne donc toujours pas d’interview. Mais il publie lui-même des shorts sur YoutTube et des reels sur Instagram. Au fond, le chanteur est comme tout le monde: il fait comme il peut.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Voyage en terres familières

Et la musique là-dedans? De prime abord, on reste en terrain connu. À l’image de son vestiaire -éternelle casquette vissée sur la tête, bermuda baggy en toutes saisons-, le désormais sexagénaire continue de composer comme il chine. Piochant dans les langues (espagnol, français, anglais, portugais) et dans les styles (cumbia, rumba, chanson, reggae, etc.) pour trousser des miniatures bizarrement fagotées mais toujours accueillantes, ressortant à l’occasion l’un ou l’autre motif familier. Outre la participation de camarades croisés sur la route (Lucky Salvadori, Joan Garriga…), le chanteur anti-impéraliste a invité le héros country Willie Nelson. Réunis (sous la houlette de la fumette?), ils chantent Heaven’s Bad Day (sonnant comme une revisite du Elle a fait un bébé toute seule, de JJG). Plus convaincant, Tu te vas, en duo avec la rappeuse Laeti (vue dans la série Validé) se pose comme la suite du diptyque Bongo Bong/Je ne t’aime plus.

Ici et là, Manu Chao donne tout de même à ses mélodies de nouvelles nuances joliment passées et mélancoliques. En entrée, Vecinos en el mar montre à quoi sa musique pourrait ressembler s’il rangeait deux secondes son ukulele (en réalité, une mini-guitare d’origine argentine), tandis que Cuatro calles assume ses humeurs flamenco tristounes. Pas de quoi révolutionner pour autant la grammaire, mise au point par l’alter-troubadour. À quoi bon d’ailleurs? La semaine dernière, Manu Chao était en concert au festival La poule des champs, à Aubérive, petit village de 250 habitants dans la Marne. Et c’est sans doute la seule chose qui compte vraiment…

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content