Ne quittant jamais longtemps les feux de la rampe, Taylor Swift revient avec The Life of a Showgirl, douzième (!) album post-tournée qui reste un peu trop au milieu de la route.
Le monde se divise en deux: les fans de Taylor Swift et ceux que l’Américaine laisse indifférents –il en reste. A cet égard, le «swiftisme» fonctionne de plus en plus en circuit fermé. Aidé par les algorithmes, il s’autoalimente, maintenant sa prise sur les fans, laissant les autres toujours plus à quai. Bien sûr, il n’est pas né de nulle part –Taylor Swift est une autrice-compositrice surdouée. Pour autant, son triomphe a atteint un niveau qui n’a plus grand-chose à voir avec une quelconque rationalité.
Le mois dernier, l’Américaine est ainsi devenue la seule artiste féminine à avoir dépassé les 100 millions d’albums vendus. Un chiffre qui devrait encore gonfler avec la parution de son nouveau disque. Un douzième album dont l’annonce dans le podcast de (son futur beau-frère) Jason Kelce et de (son fiancé) Travis Kelce a rameuté près d’1,3 million de personnes –un record pour un podcast. The Life of a Showgirl déboule en outre un an après The Tortured Poets Department, et dix mois à peine après la dernière date du Eras Tour –la tournée la plus lucrative de l’histoire.
Précisément, The Life of a Showgirl a été composé entre deux dates de concert. Visuels flamboyants à l’appui, il est censé refléter le tourbillon que peut représenter la vie sur la route. Exit donc Aaron Dessner et Jack Antonoff, coresponsables de la production feutrée de The Tortured Poets Department, voire carrément mélancolique de Folklore et Evermore. Pour The Life of a Showgirl, Taylor Swift retrouve Max Martin et Shellback, les deux «hit machines» suédoises, déjà aux manettes de ses albums les plus pop –en gros, l’ère Red/1989/Reputation.
Court –douze chansons, 41 minutes de musique soit l’équivalent d’un tweet pour Taylor Swift, comparé à la trentaine de morceaux de son album précédent–, The Life of a Showgirl n’est pourtant pas le feu d’artifice pressenti. Pas de grosse cartouche synth-pop à la Shake it Off en vue (à peine une effusion funky façon Jackson 5 sur Wood): la chanteuse préfère nager dans des eaux soft rock un poil tiédasse. Comme toujours, il est évidemment question d’amour. Mais pour une fois, il est moins torturé, plus apaisé –rêvant d’enfant et de maison avec jardin et panier de basket, sur Wit. Cela n’empêche pas Taylor Swift de se laisser aller à l’une ou l’autre pique –évidemment que derrière son riff à la Pixies, Actually Romantic évoque le beef avec Charli XCX. Storyteller aiguisée, Swift est en outre toujours capable d’esquisser en quelques mots les romances les plus troublantes (Ruin The Friendship).
Pour autant, The Life of a Showgirl n’est pas le grand spectacle de pyrotechnie pop annoncé. Sur Instagram, Taylor Swift a d’ailleurs déjà dégoupillé: «Si vous pensiez que les gros shows étaient sauvages, vous devriez peut-être venir jeter un œil derrière le rideau…» De fait, la vie d’une showgirl ressemble plutôt aux docus de tournée, multipliant les plans dans le bus, peinant à refléter l’excitation de la scène. Jamais complètement inintéressant, mais toujours un peu vain.
Taylor SwiftThe Life of a Showgirl
Distribué par Universal. 2,5/5