Phoenician Drive, horizons lointains
Le groupe bruxellois Phoenician Drive fait valdinguer les frontières et se joue des étiquettes sur un premier album décoiffant. Expédition entre rock et musiques traditionnelles dans la Méditerranée, les Balkans, l’Afrique du Nord et au Moyen-Orient…
C’est au Pantin, un petit café plutôt rock’n’roll, vrai et chaleureux à deux pas de la place Flagey que l’on retrouve deux membres de Phoenician Drive. Joaquin Bermudez, le guitariste, petit Espagnol velu à l’accent du soleil. Et Matthieu Peyraud, le bassiste, grand Français émacié qui a atterri dans la capitale de l’Europe une fois son visa montréalais expiré. C’est un peu ça, Phoenician Drive. Un projet bruxellois, une auberge espagnole… La première rencontre entre ces musiciens aux horizons divers fait autant penser à Petits meurtres entre amis qu’au film de Klapisch… « Diego (Moscoso, NDLR) , notre percussionniste d’origine chilienne,vient de la musique traditionnelle mais voulait monter un groupe de rock, retrace Matthieu. Il a casté des gens qu’il connaissait plus ou moins. Diego est du genre à faire les choses de manière très protocolaire. Perso, je n’avais jamais vu ça. Et pourtant, ça fait quinze ans que je suis dans le milieu. On s’est retrouvés à plusieurs dans un salon, sans les instruments, à se présenter: « Bonjour, je m’appelle Matthieu. Je fais de la basse. Je viens de Montréal. » »
Ce jour-là, il y a aussi Gaspard Vanardois, joueur d’oud, intermittent depuis douze ans. Puis aussi Joaquin donc, guitariste flamenco qui a bourlingué du punk au death metal en passant par le rock psyché, et est arrivé d’Andalousie il y a sept ans… « Il y a une histoire d’amour au milieu mais chez moi, j’avais perdu mon boulot, raconte-t-il. Je bossais comme guide touristique. Je donnais aussi des cours de guitare et de percussions flamenco dans deux écoles municipales de musique. Celle de ma ville et celle d’un petit village voisin. Ça roulait très bien jusqu’à ce que le tourisme s’effondre vers 2009-2010. Puis, dans le patelin où je bossais au coeur des montagnes, a éclaté un gros scandale de corruption. Ils ont foutu le maire et son fils en prison et ils ont coupé toutes les activités culturelles… C’était la galère en Espagne. Après un an sans trouver de boulot, j’ai décidé de bouger. Je viens d’une famille de migrants. Et comme je suis né en Belgique, je me suis dit que j’allais renouer avec une partie totalement oubliée de mon passé. »
Ce fameux jour de casting, Diego explique ce qu’il aime dans le rock, ce qu’il apprécie dans la musique turque et arabisante… Il exprime sa volonté de tout mélanger. Ils se testent sur un morceau roumain… « Au début, il venait avec des trucs turcs connus, explique Matthieu. Mais trop de groupes pour l’instant font du rock oriental et lorsqu’on les écoute, on n’entend que ça. Après six mois, on s’est nettement détachés de ces schémas traditionnels. Un groupe comme Altin Gün se rapproche trop du folklore à mon goût. Ça joue super bien mais derrière il n’y a pas vraiment de magie. »
Pixar, WhatsApp et Wim Vandekeybus…
Avec le reste de la voyageuse et fine équipe, Valerian Meunier, guitariste de feu Moaning Cities, ancien coloc de Diego, et le batteur Martin Rault (« qui joue avec moi dans le projet noise Milk TV« ), Phoenician Drive s’en est allé enregistrer son premier album en compagnie de John Roo à Sprimont, en décembre 2017, dans la foulée d’une tournée de dix jours en France. « Le processus de création est extrêmement long, poursuit Matthieu. En général, on fait un morceau tous les trois ou quatre mois. On a tous beaucoup de caractère, des personnalités fortes. Je suis par exemple un peu dictateur sur les bords… Alors, on parle énormément. C’est très exigeant. Tous les jours, j’ouvre mon WhatsApp. Il est 10 heures. Il y a déjà 39 messages en attente. Et là, je me dis: « Non, je n’ai pas envie de ça aujourd’hui. » C’est lourd et épuisant, le compromis. De ma propre initiative, je n’aurais jamais joué avec un mec comme Gaspard… J’ai appris à le connaître. Mais on a de grosses difficultés en termes de langage. On n’a pas du tout la même manière de voir les choses. Je me suis déjà demandé: « Mais qu’est ce que je fous avec lui? » Et, en fait, c’est ça la richesse de notre groupe. »
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Quatorze ans séparent Joaquin de Martin… Les influences de Phoenician Drive vont des musiques traditionnelles des Balkans, d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient au post-punk. Du rock psychédélique au métal en passant par la noise, le jazz, le kraut, l’exotica et les BO de films. L’arabisant Paradise In My Veins a par exemple été inspiré par la bande originale d’un court métrage de Pixar (La Luna) que Matthieu a maté tous les dimanches pendant six mois quand il bossait à Eurodisney. « Ce disque, c’est un peu le pot-pourri de ces trois dernières années, résument Matthieu et Joaquin d’une voix. C’est le résultat de notre rencontre. Un aperçu de tous les chemins que le groupe peut, veut et va ou pas emprunter. Il permet de visualiser ce qu’on fera dans le futur. »
Pour l’heure, les Phoenician Drive sont déjà, comme Trixie Whitley, du nouveau spectacle (TrapTown) de Wim Vandekeybus. « C’est très dur apparemment de lui faire découvrir des trucs mais son assistant est fan, sourit Matthieu. Il a attendu quatre concerts pour être sûr de son coup et emmener Wim nous voir. Puis on a reçu une proposition par mail. Wim est passé en répétition pour regarder ce qui l’intéressait. On a aussi créé ensemble, en présence des danseurs, avec les idées qui lui trottaient dans la tête. Je connaissais son travail. J’ai notamment bossé à La Maison de la danse. Mais j’ai vraiment été surpris. Le mec a quand même travaillé avec David Byrne…«
Phoenician Drive, distribué par Exag Records. ****
En concert le 08/11 au Café Café (Genk), le 11/11 au Kultura (Liège), le 17/11 à De Roma (Anvers), le 30/11 à l’Eden (Charleroi), le 05/12 au Nosta (Opwijk), le 18/12 au Democrazy (Gand).
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