On a vu Clara Luciani à Forest National: un coeur rock sous la pluie de hits
Jeudi soir, Clara Luciani n’a eu aucun mal à séduire Forest National pour l’une des premières dates de sa nouvelle tournée. Compte-rendu.
On n’est toujours pas tout à fait sûr de savoir comment prononcer correctement son nom. Par contre, une chose est certaine : il n’aura fallu que trois albums à peine pour définitivement installer Clara – Luchiani ou Lussiani ? – au firmament de la chanson française. Elle en est aujourd’hui l’une de ses principales « vedettes », comme diraient vos parents, à propos d’une autrice-compositrice qui connaît ses classiques sans glisser dans le passéisme. Et assume ses références sans se faire dévorer par elles. Clara superstar donc, qui n’aura eu aucun mal à écouler tous les billets de la première de ses deux dates à Forest National – il n’en reste plus beaucoup pour la seconde, le 12 décembre prochain.
La tournée accompagne la sortie de Mon Sang. Après les œillades disco de Cœur, le disque revient aux amours plus pop-rock de l’intéressée. Juste avant que le concert ne démarre, la sono passe d’ailleurs un morceau des Irlandais post-punk de Fontaines D.C. – son titre ? I Love You… Pas question pour autant de faire chauffer tout de suite les guitares.
Sur le coup de 21h, c’est le morceau Cette vie qui ouvre la soirée – comme il démarre d’ailleurs l’album. Un disque non pas centré sur, mais marqué par la naissance de son premier enfant – « c’est d’ailleurs ici, en 2023, lors de mon dernier concert chez vous, que j’ai appris dans les loges que j’étais enceinte », raconte même la néo-maman. D’où des chansons qui célèbrent les liens familiaux autant qu’elles les questionnent – tout ce qu’ils définissent, tout ce qu’ils charrient.
Coeur coulant
Accroché au-dessus de la scène, un bracelet de perles sert ainsi d’écran géant. Le genre de bijoux qui se transmet de mère en fille. Et dont, dans le cas de Clara Luciani, chaque perle serait un tube. On exagère ? A peine. Directement après Cette vie, Clara Luciani glisse par exemple Courage. Le morceau n’est pas encore sorti en single. Mais, avec son gimmick imparable et ses chœurs supplicatoires, il sonne déjà comme l’un des plus gros hits de 2025 (on parie ?). Sur scène, Luciani – veste de corsaire, fleur accrochée à la boutonnière – le porte fièrement, transformant la plainte en hymne galvanisant. Elle enchaîne ensuite avec Nue – même pas issu directement d’un de ses albums, mais de la réédition de Sainte-Victoire, son premier disque. Plus loin, Roule enfonce le clou – essayez de résister à son refrain au cœur coulant. C’est presque trop facile.
D’ailleurs, après un moment, le concert semble déjà tracer sa route, linéaire. Il faut dire que la mise en scène reste particulièrement sobre. Pas de grands effets, ni de décor spectaculaire. Le groupe – basse-batterie-guitare-percussions-clavier-chœur – est juste encadré par deux escaliers courbes, un peu à la manière d’un plateau de variétés seventies à la Maritie et Gilbert Carpentier. Les chansons défilent, sans temps mort. Mais avec une étincelle qui tarde à mettre définitivement le feu à la soirée. C’est peut-être le temps pour chacun de trouver vraiment ses marques dans une tournée qui vient à peine de démarrer. A moins que ce ne soit une tactique délibérée pour amener doucement le public vers le véritable moment-charnière du concert.
Clara passe à l’électrique
A mi-parcours, en effet, le set bascule. Clara Luciani entame le morceau Allez. Avec ses airs presque de Pixies, il allume le nerf rock de la soirée. Dieu sait si le « rock en français » a toujours été une affaire délicate, une équation pas souvent concluante. Mais dans ce cas-ci, et même si elle ne sera jamais PJ Harvey (ce qu’elle n’a d’ailleurs jamais revendiqué), Clara Luciani réussit pourtant à insuffler de l’électricité dans sa musique. Et amène le concert ailleurs. C’est encore plus frappant avec Comme toi, tiré de son premier album, et dédié à Françoise Hardy. Y glissant des paroles de Tous les garçons et les filles de mon âge, Luciani plonge le morceau dans un noir et blanc orageux remuant. Avant d’enchaîner directement avec Mon ombre et son crescendo dark electro. Le morceau boucle en vagues lancinantes, jusqu’à ce que résonnent les paroles : « Et toi, qu’est-ce que tu regardes ? ». C’est la Grenade. Il est 21h50. Et la messe est dite. Ou presque.
Après la communion, Clara Luciani se retrouve solo devant le rideau pour chanter Romance (« On se retrouve comme un con mais serein/Dans une solitude qui nous va trop bien »), puis son adaptation de The Winner Takes It All d’Abba. On ne la remerciera jamais assez de continuer également à ressortir Les Fleurs, pépite enfouie de Sainte-Victoire, et baume idéal pour le spleen de l’époque – « Quand tout fout le camp/quand tout est décevant… », chante Luciani – passerait-elle également trop de temps sur les réseaux sociaux ?
En rappel, Mon sang ouvre la voie pour deux derniers hits : Le Reste et, évidemment, Respire encore. Une dernière charge pour être certain d’avoir emmené tout le monde avec elle. Comme si elle en doutait encore…
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