On a suivi la Belge Reinel Bakole, nouvelle star de la soul, au festival Eurosonic: coulisses
Finaliste du concours de Studio Brussel De Nieuwe Lichting, Reinel Bakole sort ce 2 février son premier album. On l’a suivie avec son groupe à Groningen, au plus grand festival de showcases d’Europe.
« J’ai super mal aux fesses. Et je dois jouer de la batterie ce soir, ça promet”, dit-il alors qu’il fume sa cigarette roulée à l’entrée du Waterpark De Bloemert, tout en piétinant la neige sous ses sneakers. Ces douleurs au postérieur, il les doit aux 5 heures de trajet dans une camionnette Mercedes de location, au départ de Bruxelles et en direction du nord des Pays-Bas, avec pour destination finale la ville de Groningen. Dans quelques heures, un des passagers du van va attirer tous les regards au festival Eurosonic Noorderslag (ESNS): Reinel Bakole, phénomène soul et star en devenir.
“Ah, vous avez déjà rencontré Moene, dit la chanteuse bruxelloise en rigolant, chaudement emmitouflée, quand elle vient nous saluer un peu plus tard. Voici le reste de la bande.” Après celle du batteur Moene Peeters, on sert la main du producteur et bassiste Samuel “Helocim” van Binsbergen, de Chris Ferreira, responsable des bidouillages électroniques, du claviériste Lorenzo Kobina, de l’ingé son Renaud Carton, de la tour manager Alessandra Thuysbaert et enfin de Lindel Bakole, identifiable au premier coup d’œil comme la sœur de Reinel. “Aujourd’hui, je suis surtout sa manager”, précise-t-elle.
Le Waterpark De Bloemert est un village de vacances implanté au bord du vaste Zuidlaardermeer, à une vingtaine de minutes de route du centre-ville de Groningen. En été, l’endroit grouille de familles qui prennent du bon temps, et l’hiver, pendant les quatre jours de l’ESNS, les bungalows sont occupés par les artistes étrangers à l’affiche du festival. Deux bungalows, dans le cas de Reinel Bakole et son équipe. Être entourée de huit personnes, voilà qui est assez exceptionnel pour une artiste débutante. Mais cet investissement semble avoir été mûrement réfléchi. “Je peux aussi me produire toute seule sur scène. C’est ce que j’ai fait ces dernières années, et encore récemment à Milan, où j’ai participé au camp international d’autrices-compositrices She Is The Music. Mais avec tous ces gens autour de moi, la portée et l’ampleur sont bien plus importantes. Les artistes qui débutent sont obligés de jouer sans groupe, parce qu’il faut pouvoir payer les musiciens avec son cachet, évidemment. Mais je veux donner la meilleure performance possible, dans les meilleures conditions, et c’est pour ça que je veux m’entourer de la meilleure façon.”
De son âme
Après les deux EP très appréciés A Gal on the Moon (2020) et Closer to Truth (2021), la Belgo-Congolaise née à Ottignies a déjà notamment joué à Dour, au Paradise City, au Horst et à Couleur Café. Cette semaine sort Healing Exhaustion, son premier album, qui l’imposera définitivement comme voix et personnalité uniques dans le paysage soul et r’n’b belge -et, on l’espère, à l’international. Healing Exhaustion est un disque ambitieux aux multiples facettes.
Ce premier album, c’est celui d’une chanteuse, mais aussi d’une artiste devenue adulte, qui place la barre haut et n’a pas peur de prendre des risques. Swords, le séduisant single qui lui a permis d’être finaliste à De Nieuwe Lichting, pourrait, avec sa trompette jazzy et ses cordes samplées, trouver sa place dans une playlist entre Erykah Badu et Cleo Sol. Mais l’album fourmille aussi d’afrohouse, de dub, de gospel, avec des touches de harpe et de fusion. “Personnellement, j’appelle ça simplement de la soul, dit Reinel Bakole alors qu’elle se réchauffe dans le salon douillet du bungalow. Parce que c’est une musique qui vient directement de mon âme. Tout ce que je fais vient directement de mon âme. Que ce soit quand je chante, quand j’écris des paroles, quand je crée un clip ou quand je danse. Être totalement libre de ce qu’on est, rechercher les extrêmes de son expression: voilà ce que signifie l’âme pour moi.”
La danse, Reinel Bakole la pratique dès l’enfance. Elle suit des cours depuis l’âge de 8 ans. Classique, moderne, contemporaine. En 2018, elle est partie aux Pays-Bas pour étudier la danse à la Hogeschool voor de Kunsten d’Amsterdam et, grâce à un stage, s’est retrouvée à Londres. Elle est revenue à Bruxelles en 2021, avec un premier EP sous le bras. Elle a d’abord rêvé devenir danseuse professionnelle, jusqu’à ce qu’elle réalise, lors d’une performance de l’artiste angolaise Iamddb, qu’elle ne devait pas se limiter à une seule discipline. Le chant a toujours été là et c’est ce qui a permis à ses rêves de scène de se réaliser. “Lorsque je suis rentrée à Bruxelles, j’ai dit à Lindel: “À partir de maintenant, je vais faire de la musique, et tu devrais être ma manager”.”
Femme fatale
17 janvier, 21 heures 30. Alors que son groupe joue une intro rêveuse, Reinel Bakole s’avance sur la scène de De Machinefabriek, l’une des nombreuses salles de concert de l’ESNS. On ne sait pas trop comment vont les fesses du batteur Moene, mais derrière le micro, on assiste à une impressionnante métamorphose. La jeune femme de tout à l’heure, dans sa confortable tenue baggy, qui avançait tant bien que mal sur la glace avec sa valise, a fait place à une femme fatale. Corset blanc, bottes noires montant jusqu’aux genoux, épaules en arrière. Reinel Bakole danse avec sa voix comme elle chante avec tout son corps. Avec ses regards expressifs, ses gammes langoureuses, ses mouvements cadencés de poignets et d’épaules, elle met le public dans sa poche. Toute la nervosité qu’il y avait dans l’air pendant le soundcheck – Reinel est même allée donner des instructions au régisseur lumière de la salle- s’est dissoute dans un nuage hypnotique de musique soul. Détail marquant: juste avant le concert, Lindel Bakole a elle aussi changé de tenue dans les coulisses, troquant ses confortables baskets contre d’élégantes bottines noires, un bandana argenté cernant élégamment sa tête. Après tout, c’est aussi son voyage.
Reinel Bakole Healing Exhaustion. Sortie le 02/02. Autodistribution. le 22/02 à l’AB, Bruxelles, et le 17/03 au Minardschouwburg, Gand. ****
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