Sur SABLE, fABLE, Bon Iver trouve la lumière et renoue avec une certaine forme de simplicité, rangeant son costume de superstar indie-folk torturée.
C’est l’une de ses marques de fabrique: dans chacun de ses titres d’albums, Bon Iver glisse une virgule. Une simple coquetterie graphique? Justin Vernon –l’unique cerveau derrière le projet musical– a déjà souvent expliqué qu’il fallait plutôt y voir une manière de relier deux idées. Chez Bon Iver, chaque disque vogue ainsi entre chacune, sans jamais se laisser enfermer. Comme les deux faces d’une même pièce qui ne cesserait jamais vraiment de tourner.
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De la même manière, Vernon a passé une bonne partie de son temps à défier les catégories. Ou en tout cas à tout faire pour ne pas se retrouver coincé dans un personnage. De l’indie-folk de For Emma, Forever Ago (2007), chef-d’œuvre dépouillé des années 2000, aux collages électroniques de 22, A Million (2016) et i,i (2019); en passant par les sophistications de Bon Iver, Bon Iver (2011), Vernon a toujours zigzagué. Au point de devenir à la fois l’une des derniers héros du rock US indépendant, tout en collaborant avec des superstars pop comme Kanye West, Taylor Swift ou, plus récemment, Charli XCX. Toujours le même –éternels barbe et bonnet de hipster–, toujours un peu différent.
Bon Iver de changement
En octobre dernier, cependant, l’EP SABLE renvoyait Bon Iver à ses premières amours acoustiques, renouant avec la simplicité de ses débuts. Manière de boucler élégamment la boucle. Pour mieux lancer la suivante et inaugurer une nouvelle ère? «Why do things got to change?», se demande ainsi Vernon sur la ballade Awards Season… Peut-être parce que, justement, les choses ne changent jamais vraiment?
Six ans après i, i, un nouvel album –son cinquième– tente de répondre. SABLE, fABLE commence par reprendre les trois morceaux de l’EP précité. Dans un récent entretien au New York Times, l’intéressé explique comment il a composé les titres en question presque comme une «autoparodie» du Bon Iver triste et accablé: «J’aime beaucoup ces chansons, mais elles représentent un peu le dernier souffle de l’ancien moi, celui qui s’apitoyait beaucoup sur son sort.»
Sad and sexy
De fait, dès Short Story, et surtout Everything Is Peaceful Love –et sa steel guitar glissant sur une boîte à rythmes vintage–, Bon Iver s’éloigne de ses humeurs les plus bileuses. Sa musique y gagne en clarté et en simplicité. Fini les expérimentations électroniques et le travail complexe sur les textures. Sur SABLE, fABLE, le falsetto reconnaissable entre mille de Justin Vernon cherche davantage l’apaisement, sonnant plus sexy que tourmenté. Un morceau comme I’ll Be There, par exemple, renvoie moins à une complainte à la Nick Drake qu’à un titre soul/jazzy de Prince période New Power Generation. Juste avant, From est lui ce qui se rapproche sans doute le plus du son rock FM, avec sa mélodie prête pour prendre l’autoroute.
Pas question de se renier complètement. De la musique de Bon Iver transpire toujours une humanité touchante qui l’empêche de tomber dans la posture triomphale. Tenant à distance le personnage de songwriter torturé qui a fini par lui peser, il réussit cependant à lâcher du lest, se rapprochant toujours plus de ce qui ressemble bien à une certaine forme de sérénité. ●
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