Album - The Tortured Poets Department
Artiste - Taylor Swift
Genre - POP
Label - Universal
Critique - L.H.
Deux ans après Midnights, et trois semaines avant d’entamer la partie européenne de son Eras tour, Taylor Swift remet une pièce dans la machine en sortant ce vendredi The Tortured Poets Department,
Et le rouleau compresseur de ne plus s’arrêter… Deux ans après Midnights, et trois semaines avant d’entamer la partie européenne de son Eras tour – tournée déjà considérée comme la plus rentable de l’histoire -, Taylor Swift remet une pièce dans la machine en sortant ce vendredi The Tortured Poets Department, son 11e album officiel. Depuis quelques jours, des rumeurs indiquaient que l’album avait réussi à fuiter sur le Net – comme si on était encore en 2006. Ce n’était que pour mieux balancer un deuxième disque dans la foulée, à la surprise générale (astuce déjà expérimentée pour Midnights). Soit une trentaine de morceaux, pour plus de deux heures de musique en tout…
Ce n’est pourtant pas comme si l’Américaine avait sevré son public. Ces 10 dernières années, depuis le carton de 1989 qui avait permis à la Swiftmania de traverser pour de bon l’Atlantique, la chanteuse a sorti pas moins de 10 albums – en incluant les nouvelles versions de Fearless, Red, Speak Now et 1989. Une omniprésence qui correspond bien à son statut. Celui d’une pop star devenue phénomène. L’influence de Taylor Swift, la première artiste à devenir milliardaire (sur la seule base de sa musique), la plus écoutée de l’histoire de Spotify, dépasse même la pop culture. Elle est également économique – l’impact de ses concerts sur les pays visités. Voire sociopolitique – Taylor Swift va-t-elle apporter son soutien à Joe Biden. « Classé secret défense », rigolait l’intéressé, sur un plateau télé…
Cette omniprésence, l’Américaine la doit à son (réel) talent d’autrice-compositrice, une stratégie marketing parfaitement maîtrisée. Et probablement aussi à un système musical qui a trouvé, dans la combinaison des plateformes et des réseaux, un outil de concentration toujours plus puissant et autoritaire.
L’hyperbole Taylor Swift
Pour tout qui s’intéresse à la pop culture, il est ainsi devenu impossible de passer à côté de Taylor Swift et son nouveau disque. Déjà l’un des plus commentés de l’année, dont la sortie a même fait l’objet de live sur les chaînes d’information… En fait, l’Américaine est arrivée à un tel niveau d’(sur)exposition que la question inévitable finit par se poser : est-il encore possible que la musique soit à la hauteur de l’hyperbole qu’elle semble être devenue ? Bien évidemment que non. Est-ce que cela fait pour autant de The Tortured Poets Departments un mauvais disque ? Il ne manquerait plus que ça.
Il y a deux manières d’aborder TTPD. Soit en le considérant comme un album « de plus » d’une artiste qui se contente d’assurer toujours davantage sa prise et sa domination. Soit comme un aveu de lucidité, voire de modestie, d’une hyperstar qui ne pète pas haut que ses disques d’or, de platine et de diamant : « You’re not Dylan Thomas. I’m not Patti Smith. This ain’t the Chelsea Hotel. We’re modern idiots”, chante notamment l’intéressée, sur le morceau-titre…
Pour TTPD, Swift retrouve donc le fidèle Jack Antonoff à la production. Est également présent Aaron Dessner (The National), qui avait aidé la chanteuse à donner une couleur plus indie-folk à ses albums Folklore et Evermore (2020). Moins franche, cette tonalité reste présente en partie sur TTPD. Mais ce sont surtout les claviers 80’s qui reviennent napper la musique. Quelque part entre une Lana Del Rey pop (So Long, London, Florida !!!) et une version millenial de Stevie Nicks, Taylor Swift s’amuse également à intégrer, ici, des arpeggios électroniques (le Robyn-esque I Can Do It With A Broken Heart) ou, là, une boite à rythme vintage (My Boy Only Breaks His Favorite Toys). Mais c’est toujours son songwriting classique qui fait la circulation des idées.
Coeur brisé
Avec comme souvent un goût pour la ballade qui la maintient au milieu de la route (But Daddy I Love Him). De la même manière, les chansons semblent quasi toutes tourner autour des peines de cœur de la chanteuse. Depuis cette nuit, les swifties du monde entier décryptent ainsi furieusement la moindre allusion à sa (courte) relation avec Matt Healy, le leader de The 1975. Peut-être ces mêmes fans y trouveront-ils d’ailleurs une allusion à… leur propre abus de position. Par exemple quand certains d’entre eux avaient fait pression pour que la chanteuse débarque le chanteur anglais tourmenté. « I’m having his baby / No I’m not!/but you should see your faces…”, ironise ainsi Swift sur But Daddy I Love Him (oui oui, comme la Petite sirène…).
Cet humour, Taylor Swift le pratique plus que jamais sur The Tortured Poets Department. Une manière sans doute d’évacuer la pression pour la plus grande pop star actuelle, dont chaque mouvement est scruté – « You wouldn’t last an hour in the asylum where they raised me », sur Who’s Afraid of Little Old Me ?. Sur I Can Do It With A Broken Heart, elle chante encore : “I cry a lot but I am so productive / It’s an art”. En l’occurrence, à défaut de l’amener plus loin, elle le pratique avec une maîtrise toujours plus de précision
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