Oklou remporte le Prix Joséphine 2025: “Je suis choquée!”

Oklou, grande gagnante du Prix Joséphine 2025 © D.R.
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

C’est Oklou qui a remporté mardi soir, à Paris, le 4e Prix Joséphine, récompensant le meilleur album français de l’année. Théodora repart, elle, avec le prix Joséphine des 18/20 ans. Palmarès et explications à propos d’une cérémonie pas comme les autres, avec son co-fondateur Christophe Palatre.

Le Prix Joséphine 2025 a été remporté mardi soir par Oklou (prononcez Okay Lou), pour son premier album Choke Enough. La musicienne ne s’y attendait visiblement pas : « Je suis choquée », a-t-elle avoué en montant chercher son prix sur la scène de l’Olympia. De son vrai nom Marylou Mayniel, Oklou faisait pourtant partie des favoris, avec un album hypnotique, réussissant à dépasser l’étiquette hyperpop qu’on lui associe régulièrement. Autre artiste largement plébiscitée, Théodora a reçu, elle, le prix Joséphine des 18/20 ans. Les disques d’Oklou et Théodora (Bad Boy Lovestory) ont été choisis parmi une short-list d’une dizaine d’albums (lire plus bas).

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Particularité du Prix Joséphine : c’est un jury d’artistes qui a désigné l’album gagnant. Une manière pour la cérémonie d’imposer sa singularité, au milieu des autres récompenses du milieu, type Victoires de la musique. En 4 éditions – et autant de brillants lauréats (November Ultra en 2022, Tuerie en 2023, Bonnie Banane en 2024, et donc Oklou cette année) -, le prix s’est ainsi fait une place précieuse, privilégiant l’audace, la découverte et la qualité musicale.  Explications avec l’un de ses co-fondateurs, Christophe Palatre.

Quel rôle peut encore jouer une remise de prix dans une industrie musicale qui a énormément évolué ces 20, 30 dernières années ?  

Je pense que, dans l’environnement actuel, une récompense comme le Prix Joséphine est d’autant plus pertinente et justifiée. On se rend bien compte qu’il y a de plus en plus de morceaux et d’albums qui sortent. En ce sens, la distribution n’est plus un enjeu : c’est devenu extrêmement simple et beaucoup moins onéreux de publier des disques.  Pareil pour la production : on peut produire des albums chez soi, dans sa chambre, en téléchargeant des logiciels. En revanche, ce qui reste difficile, c’est d’émerger et de faire découvrir sa musique à un public. C’était un peu notre constat de base : dans une production pléthorique, on était parfois frustré que certains albums n’aient pas touché leur public, et n’aient pas eu suffisamment d’exposition. D’où l’idée d’un prix, décerné par un jury composé exclusivement d’artistes, et qui va permettre chaque année de recommander aux fans de musique une dizaine d’albums, tous styles confondus.

Pourquoi avoir choisi justement ce format album, à une époque où la musique est surtout « consommée » sous forme de singles ou de playlist ?

Parce qu’on pense que l’album reste quand même l’objet artistique ultime. Vous pouvez poser la question à tous les artistes. Plus qu’avec une chanson isolée, c’est le moment où il/elle va pouvoir exprimer différents points de vue, réfléchir à une narration qui englobe différentes compositions, imaginer tous les aspects visuels, etc. Aujourd’hui, on célèbre encore des albums qui vont 10, 20, 30, 40 ans d’existence. Effectivement, il y a une « concurrence » des playlists. Mais regardez par exemple dans le rap, qui s’adresse a priori plutôt aux jeunes : même là, les albums cartonnent. Donc oui, on pense que l’album reste quand même un repère, une pierre angulaire dans une carrière.

Il y a trois ans, une cérémonie comme les Flammes se s’est créée en réaction au manque de représentation du rap aux Victoires de la musique. Le Prix Joséphine est-il aussi une manière d’offrir une alternative à des cérémonies plus « convenues » ?

J’ai tendance à dire qu’on est complémentaire. On n’a en tout cas pas la prétention de remplacer l’un ou l’autre. Chacun a sa propre positionnement et sa manière de fonctionner. Au Prix Joséphine, on considère par exemple qu’il ne doit plus y avoir aujourd’hui de catégories musicales. Parce qu’on constate que le public fan de musique, notamment les jeunes, peut autant s’enthousiasmer pour un album de chansons que pour un album de rap ou d’électro. Donc, dans les dix albums qui vont ressortir chaque année, il se peut qu’il y ait trois disque de rap, deux de jazz, un LP d’électro ou un autre de chanson. On est vraiment à fond pour le mélange.

Quels sont les éléments essentiels pour prétendre au Prix Joséphine ?

La seule chose qui est jugée, est la qualité artistique. Cela veut dire qu’aucun critère commercial n’est pris en compte. Dans les dix lauréats de cette année, on a par exemple Arthur Fu Bandini, un artiste plutôt rock, autoproduit, qui fonctionne sans label. Quelqu’un comme lui n’aurait pas pu accéder à d’autres cérémonies que la nôtre. L’année dernière, on avait Sophye Soliveau, une harpiste exceptionnelle qui vient du jazz, mais qui n’est pas signée sur une grosse maison de disques, mais sur une toute petite structure. La critère de réussite commerciale n’est donc pas suffisant pour faire partie des lauréats. Mais il n’est pas non plus excluant ! Théodora, par exemple, est la troisième meilleure vente française depuis plusieurs mois et remplit quatre Zenith de Paris à la suite. Mais elle a aussi une audace artistique qui a plu, avec un album qui mélange différents styles musicaux et avec un propos.

Un nouvel album d’Orelsan, l’un des plus gros vendeurs français de ces dernières années, serait-il par exemple encore éligible ?

Tout à fait. C’est d’autant plus imaginable que quand on a créé le prix, en 2022, parmi les 10 lauréats, se retrouvait son album Civilisation… On peut évidemment se dire qu’Orelsan n’a pas « besoin » du Prix Joséphine. Mais comme on est là pour récompenser la qualité artistique, il est pas question qu’il ne figure pas parmi les dix. En ce sens, le Prix Joséphine ressemble au Mercury Prize (NdlR : imaginé en 92, comme alternative aux Brit awards, il est devenu l’un des prix musicaux les plus prestigieux), dont on est un petit peu le petit frère francophone. Et bien, en 2016, Blackstar, le dernier album de David Bowie, s’était retrouvé dans la shortlist.

Comment fonctionne concrètement le Prix ?

Chaque artiste ou label qui le veut, peut proposer un album. Cette année, on a eu au total un peu plus de 300 inscriptions. A partir de là, un premier comité composé uniquement de journalistes musicaux (presse écrite, radio, télé, sites web, etc) en sélectionnent une quarantaine. C’est dans ce panel que le jury d’artistes va trancher, et en tirer une liste de dix lauréats. Vous constaterez aussi que, comme chaque année, c’est un jury paritaire. On fait très attention à ça. On essaie aussi d’avoir des artistes issus de différents univers musicaux. Cette année, par exemple, Mélissa Laveaux vient plutôt du blues, et du jazz. Votre compatriote Lous & The Yakuza est plutôt dans un créneau pop-R&B-new soul. Oli (NdlR: de Bigflo & Oli) est lui évidemment rappeur, tandis que notre président, Laurent Garnier, est DJ et navigue surtout entre house, techno, etc.

D’où vient le nom du prix ? C’est un hommage au titre d’Alain Bashung ?

Dans le mille. Avec mon associé Frédéric Junqua, on a toujours beaucoup aimé Bashung, Et comme c’est un prix qui récompense l’audace artistique, un titre comme Osez Joséphine nous semblait coller parfaitement.  Mais il y a une autre référence : celle à Josephine Baker, qui est aussi pour nous une personnalité qui a fait beaucoup pour la musique, qui a toujours fait preuve de beaucoup d’audace. Elle a introduit le jazz en France, proposé des spectacles que personne n’osait faire, et permis un certain métissage culturel…

En évitant les catégories, le Prix Joséphine, et son pendant jeune le Prix Joséphine 18/20 ans, doivent trancher entre des propositions forcément disparates, dans des styles extrêmement différents. C’est une vraie gageure, non ?   

Oui, c’est sûr. Mais au-delà du Prix, ce qui nous intéresse, c’est justement de mettre en avant cette diversité, en communiquant surtout autour de la liste de dix. Pourquoi alors quand même désigner un gagnant, me direz-vous ? Et bien, essentiellement pour créer une « dramaturgie », une « narration », faire en sorte que les médias et le public s’intéressent un peu plus à notre prix. Mais, mardi soir, ce sont bien les 10 lauréats que l’on a retrouvés sur la scène de l’Olympia. Chacun a fait également l’objet d’un mini-documentaire. Dans toute notre communication – affichage métro, suppléments presse, etc -, les 10 sont mis en valeur.

Les 10 lauréats du Prix Joséphine 2025

Arthur Fu Bandini – Ça n’a jamais été mieux avant

Blasé – BlaBlaBla

Gabi Hartmann – La femme aux yeux de sel

Ino Casablanca – Tamara

Laura Cahen – De l’autre côté

Marie Davidson – City of Clowns

Miki – Graou

Oklou – Choke Enough

Theodora – Bad Boy Lovestory

Wallace Cleaver – Merci

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