Oberbaum: un premier album qui met du baume à l’âme
Le premier album d’Oberbaum baigne dans des sources d’eau tiède musicales. Entre ambient, pop song et néo-classicisme, la Bruxelloise trouve les bonnes caresses.
“Oui, j’ai le désir de prolonger mon projet Oberbaum jusqu’à la fin de ma vie. Parce que cette musique m’a considérablement libérée. Comme jamais auparavant. Il est vrai que j’ai mis un certain temps à trouver cette voie-là, celle du véritable plaisir…” On est dans un appart so Bruxelles. Trois pièces en enfilade plus un dressing où elle accumule un semblant de garde-robe généreuse. Comme le pull rouge du jour qui “se marie bien avec la couleur de mes lèvres”.
Elle s’appelle donc Lucie Rezsöhazy, née à Ottignies en 1984. Nom hérité d’un grand-père hongrois venu étudier au Plat Pays. Lucie ne connaît pas du tout la Hongrie mais a fait un mémoire de traductrice anglais-allemand sur le Magyar Bartók. Peut-être pas un hasard puisque The Absence of Misery n’échappe pas à une forme de mélancolie de la Mitteleuropa. Celle d’un piano rêveur promené dans les brouillards de l’Histoire. Fantasme? Pas forcément puisque Lucie s’est pas mal baladée sur le continent et en dehors. Après des années belges d’académie classique -solfège, piano, harpe-, de chorale, avec aussi des cours de synthé, une fois sa rhéto bouclée, Lucie étudie la musique une année à Guildford, dans le Sussex.
“Depuis toute petite, je voulais faire du rock…Oui, c’est un peu raté (rires). À la base, je ne voulais pas rester en Belgique, j’avais envie de voyager et d’aller étudier au Berklee College of Music de Boston. Mais je n’avais pas les 40 000 dollars nécessairesà l’année. Après l’Angleterre, je n’avais plus le niveau au piano donc, à la place, j’ai étudié les langues.” Lucie réalise son Erasmus à Berlin, en part et y revient. Huit ans passés jusqu’en 201, fréquentant le quartier autour de l’Oberbaumbrücke, le pont qui enjambe la Spree et qui donne son nom au projet musical de Lucie. “J’ai arpenté la ville dans tous les sens, autant les concerts rock que la Philharmonie de Berlin, où c’était la grande période des chefs Simon Rattle et Daniel Barenboim. Berlin a été synonyme d’émancipation pour moi: j’ai pu m’y réinventer à 100%. Tout y a été possible et accessible.”
Lâcher la grappe
Dans la capitale allemande, Lucie se remet au piano. Pour elle surtout, bourlinguant sur le clavier façon jazz ou dans des reprises éclectiques. Accomplissant également deux années de chorale à l’Université Humboldt. “Je jouais aussi du synthé dans un petit groupe de rock qui n’a jamais vraiment quitté son garage. J’ai sans cesse remis l’idée de faire le conservatoire à Bruxelles, je me cherchais continuellement.” Entre des boulots dans l’édition de partitions pour orchestre, la com’ et la traduction, le besoin de Belgique se fait sentir. “J’avais fait le tour de Berlin, et puis mes potes commençaient à avoir leur premier enfant, leur premier job. J’avais besoin de quelque chose qui se cristallise, de partir d’une vie à la Peter Pan.” Retour, pour cause de finances en berne, chez les parents en BW. “C’est la pire période de ma vie, je pense avoir fait un burn out. Je me retrouvais dans une sorte de cocon après une période d’hyper excitation. ça a été un moment difficile, comme l’année dernière qui a été très dure.”
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Et puis arrive un job à la RTBF où Lucie devient chargée de production, notamment dans les webséries. Elle est d’ailleurs toujours chez maman Reyers, mais à temps partiel. Une fois abandonné définitivement le projet d’études musicales supérieures, Lucie fait une rencontre décisive, celle de Dorian Dumont, aujourd’hui pianiste de Echt!. “Il m’a donné confiance en moi, me faisant travailler du Bach comme du Brad Mehldau. Et un an plus tard, je faisais une première performance devant 20 personnes dans mon salon. C’est comme ça que les concerts sont arrivés dans ma vie.” Lucie fait des rencontres et se retrouve à jouer dans des groupes comme Fabiola, Condore et Les Juliens, spécialiste des reprises de Julien Clerc. “Tout cela a amené de la confiance en moi, une forme de légitimité, je me suis lâché la grappe.” De fait, la grappe semble bien détendue sur le premier album d’Oberbaum, publié par Freaksville Records, assez différent de l’ensemble du catalogue sérésien. Il a été réalisé avec la complicité d’Aurélien Auchain, “un vrai couteau suisse, ce mec sait tout faire; et j’adore son projet solo June Moan”.
L’affaire est bouclée au piano dans l’appartement de Lucie, et puis, dans le living des parents aménagé en studio d’enregistrement. Oberbaum se veut un baume à l’âme: “Je ne dirais pas que c’est lo-fi parce que ça ne rendrait pas hommage à la production d’Aurélien mais j’ai conçu un disque pour être joué en public, dans le plaisir, la volupté, le confort. Un processus très organique où les autres instruments arrivent après le clavier. C’est un peu sorti tout seul (sourire). Quand je compose ou joue les chansons, rien ne vient me perturber. Arrive une sorte de transcendance, celle d’une musique joyeusement mélancolique.”
Oberbaum
“The Absence of Misery”“Même si les textes n’expriment pas exactement une joie de vivre, ils ne plongent pas non plus dans la déprime.” Avec des déviations comme We Yearn, où il est question “des mecs qui ne veulent pas mettre de capotes” et aussi ce titre autobio sur le burn out qu’est Naptime. Moins qu’une ode à la sieste, l’album semble flotter entre deux mondes. S’il était un liquide, ce serait une rasade d’eau très fraîche. Une promenade? Dans un parc à l’automne. L’un des meilleurs titres de l’ensemble avec Never the Right Time et Stella s’appelle FOMO. Il traduit la crainte de rater quelque chose, “fear of missing out”, cette préoccupation de peut-être passer à côté d’une info ou d’un événement au milieu du ressac des réseaux sociaux. Dans le cas qui nous concerne, la crainte serait plutôt de manquer l’album d’Oberbaum.
Distribué par Cod&s. Le 12/02 au Botanique, bruxelles 7Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici