Ressuscités, David Yow et sa bande ont défendu au Bota leur premier album depuis 26 ans.
Il y a des come-back inattendus. Des retours imprévus. Des reformations comme ça qu’on n’attendait plus. Placée sous le signe du rock, des guitares et des énervés, la Nuit Botanique de dimanche était aussi celle des revenants. Ceux de Mclusky après une absence de 20 ans. Ceux aussi de Jesus Lizard qui ont sorti le 13 septembre dernier avec Rack, leur premier album de ce XXIe siècle. Icônes noise, légendes vivantes des années 90, les Américains ont érigé un pont entre le punk, le blues, les musiques bruitistes et industrielles. Mais ont aussi marqué l’histoire du rock avec des performances scéniques à l’énergie démentielle et à la sauvagerie sans égale. Des concerts survoltés durant lesquels leur exhibitionniste chanteur David Yow n’hésitait pas à s’uriner dessus, se lover en position foetale et se jeter dans le public jusqu’à en revenir inconscient..
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A l’époque, la furie de ses prestations évoquait à la fois Iggy Pop, Lux Interior et Nick Cave. Durant le festival itinérant Lollapalooza, Jesus Lizard volait d’ailleurs plus souvent qu’à son tour la vedette à Sonic Youth, Hole et Beck… A la fin de la décennie, c’était même l’un des derniers groupes à ajouter du danger et de l’instabilité dans un rock indépendant gagné par le conformisme.
Né à la fin des années 80 sur les cendres de Scratch Acid, groupe bruyant et désaxé proche des Butthole Surfers, Jesus Lizard s’est toujours distingué avec un son strident et abrasif. Des paroles qui sondaient aliénation, sexe et violence.
De beaux restes
Après avoir mis la clé sous le paillasson un peu avant le grand bug promis de l’an 2000, Jesus Lizard avait repris la route en 2009 pour accompagner la réédition d’une bonne partie de son catalogue. Puis pour des petites tournées ici et là en 2017, 2018 et 2019. Tendu, rageur, Rack a donc fini de ressusciter un groupe que l’on croyait perdu pour l’industrie discographique. Et le concert de dimanche soir sur la scène extérieure des Nuits dans un espace enclavé qui ressemble à une salle de concerts avec ses balcons (une belle et efficace réussite) a prouvé que la bande à David Yow, Duane Denison (guitariste), David Wm. Sims (bassiste) et Mac McNeilly (batteur) avait encore de beaux restes.
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Certes, le temps a filé. Les années ont passé. Et Jesus Lizard sonne clairement daté. Ou du moins connoté. Mais à bientôt 65 balais (il les fêtera le 2 aout), réputé pour ses concerts en état d’ébriété avancé, David Yow a encore une sacré santé et cette propension à se jeter dans la foule le concert à peine commencé. Un hommage au regretté Steve Albini par-ci, un petit Fuck Trump par là. Jesus Lizard a fait le taf et quelque part écho à ce que Duane Denison racontait récemment à Goûte mes disques quant aux réminiscences et aux survivants des années 90. «Avec le recul, j’ai l’impression que les gens un peu plus intelligents et qui ont su prendre soin d’eux-mêmes parviennent encore à apprécier ce qu’ils font. Ils continuent à jouer de la musique avec plaisir, même si le pic de leur carrière est déjà loin derrière eux.» «L’objectif de la tournée n’est pas uniquement de faire acte de présence, poursuivait-il. De faire la fête et de recroiser de vieilles connaissances. Les gens paient pour écouter notre musique sur scène, pas pour nous voir débarquer déchirés et faire les zouaves.»
Oui, il y a moyen de vieillir dans le rock. Jesus Lizard qui fait la part belle à son nouvel album mais pas que tourne en Europe jusqu’au milieu du mois de juin et attaquera l’Australie en octobre. «Si on arrive à boucler tout ça sans que personne ne termine à l’hôpital ou en prison, ce sera déjà un exploit en soi.» Dont acte.
Nuits Botanique: les tops et flops de dimanche
TOP
The Ex
Vous en connaissez beaucoup des groupes qui ont 46 ans de carrière, se produisent dans un festival et décident de n’y jouer que leur dernier album sorti depuis un mois et demi. Le tout en plus sans que les spectateurs s’en plaignent… C’est le petit exploit qu’ont réussi dimanche soir les vétérans de The Ex. If Your Mirror Breaks sous le bras. Respect.
Mclusky
Malgré un début de concert compliqué, entre set-lit offensive (gros morceau, Lightsabre Cocksucking Blues, d’emblée) et sono mal réglée, Mclusky a réussi à secouer un public pas de toute première jeunesse. Chanteur casqué, batteur derrière plexiglass et bassiste qui montre ses muscles… Ces Pixies sous amphétamines ont toujours la niaque et surtout donné envie de retourner les voir en salle. Au Lokerse Feesten dans le Club Studio Brussel le 8 aout, ou encore au Trix, à Anvers, le 2 octobre.
Ellis D
Batteur de Fat Dog dont il a d’ailleurs assuré quelques premières parties (au Grand Mix de Tourcoing notamment), entre autres croisé aux côté de Johnny Borell et de Trip Westerns, Ellis Dickson est l’une des belles promesses du rock anglais. Avec une voix de ouf, même quand il en fait des caisses, ce grand échalas n’est pas sans rappeler David Byrne. Embauché au pied levé pour remplacer Soccer Mommy, Ellis D a terminé la soirée en beauté.
FLOP
La moyenne d’âge
Non, le rock n’est pas mort. Il a encore de belles années et un tas de bières devant lui. N’empêche que dimanche soir, au Bota, le public n’était guère de première jeunesse. Une affiche de vieux briscards qui fait tourner les bars…
Le manque de toilettes
Repenser un festival et ses aménagements, c’est aussi revoir ses facilités. Avec pour seules toilettes, les latrines en sous-sol entre le bar et l’Orangerie, il fallait par moments sérieusement prendre son mal en patience pour vidanger.
