Nicolas Michaux et ses chansons solaires: “J’essaie de faire de l’art qui ressemble à la vie”

Nicolas Michaux entre deux trains pour Bruxelles et son île danoise de Samsø. © Alexandre de Terwangne
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Quatre ans après le précieux Amour colère, Nicolas Michaux revient avec Vitalisme. Une collection de chansons pop indé solaires qui, malgré le chaos, s’entêtent à voir le verre à moitié plein.

Nicolas Michaux est un homme occupé. Disponible, toujours, mais jamais posé très longtemps au même endroit. Pas seulement parce qu’il partage toujours sa vie entre l’île danoise de Samsø et Bruxelles. Mais aussi parce qu’il cumule. Alors qu’il sort cette semaine son troisième album solo, Vitalisme, petit bijou de chansonwriting faussement désinvolte, il continue de mettre la main dans le mixage ou la production pour d’autres. Il a ainsi participé au dernier disque de la légende soul de La Nouvelle-Orléans, Irma Thomas, avant d’accompagner en tournée Adam Green, héros antifolk américain dont il a réédité le cultissime Friends of Mine à l’occasion de ses 20 ans.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Car, oui, Nicolas Michaux est aussi patron de label. Fondé en 2018, Capitane Records est une structure indépendante qui fonctionne en coopérative. Et sur laquelle on peut trouver des musiciens aussi divers et variés que Turner Cody, Sages comme des sauvages, Juicy, ou Robbing Millions… Autant dire que les journées de son porte-drapeau sont bien remplies… « Pour moi qui suis à la base plutôt quelqu’un de solitaire, voire contemplatif, je dois parfois me faire un peu violence (rires). Mais il faut croire que je m’y retrouve malgré tout. Parce qu’au bout du compte, ça reste une aventure extrêmement stimulante et… gratifiante! »

Capitane Records est ce petit pavillon indé, privilégiant le « circuit court » et une certaine biodiversité musicale. Une manière de reprendre les commandes qui tient d’ailleurs autant de l’engagement musical que politique. « Organiser un label demande de l’organisation et du temps. Un temps que tu ne mets pas directement dans la musique elle-même. Mais c’est le prix à payer pour remettre la main sur ce que tu produis, savoir pourquoi tu fais les choses et comment. Et puis, d’une certaine manière, on est aussi tous citoyens. On voit le monde dans lequel on évolue, ce qu’il faudrait changer. Donc si on peut être utile et faire avancer les choses… » Puisque, chez Nicolas Michaux, la musique n’est jamais séparée de la « vraie » vie. C’est d’ailleurs le principal point de son nouveau disque. Vitalisme, comme antidote au mécanisme/machinisme pur, célébrant l’existence dans tout ce qu’elle peut avoir de débordant, et d’irréductible à un algorithme ou une AI…

Nicolas Michaux a choisi cette photo pour la pochette de son album. © Alexandre de Terwangne

Album de combat

La première qualité de Vitalisme est son caractère imprévisible. Il a beau sonner comme le nom d’un programme philosophique ou d’un régime macrobiotique révolutionnaire, il prend au contraire un malin plaisir à ne jamais suivre une ligne trop dogmatique. « En général, je me méfie du concept, de ce que ça implique parfois de simplification, pour arriver à une idée très lisible, que tout le monde peut comprendre facilement. Jusqu’à en être réduit parfois à un argument marketing. » Après À la vie, à la mort (2016) et Amour colère (2020), Vitalisme continue de passer du français à l’anglais, de mélanger no wave (Watching the Cars) et mélodies folk (la reprise de She’s an Easy Rider, de Tucker Zimmerman, contemporain de Dylan exilé à Liège depuis près de 50 ans), blue-eyed funk (A Long Time) et chanson jouette (Voir le jour). « J’essaie de faire de l’art qui ressemble à la vie. Vitalisme, c’est ça. C’est un album à la fois bordélique, luxuriant, contradictoire, charriant aussi bien des émotions joyeuses que d’autres plus sombres. »

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Originaire de Liège, le néo-quadra est ce chanteur funambule, artisan d’une chanson indie qui chaloupe au fil de ses humeurs. Dans ses clips, Nicolas Michaux est d’ailleurs quasi toujours un mouvement. Entre Monsieur Hulot et dégaine slapstick à la Buster Keaton (Voir le jour), il traverse les paysages (Chaleur humaine), toujours un peu décalé, dans son veston impeccable.

Plus récemment, la vidéo de Peace of Mind #2 apporte toutefois une touche plus inquiétante. Le regard angoissé, Nicolas Michaux avance au milieu de la nuit, marchant sur la bande d’arrêt d’urgence d’une autoroute. Délaissant le chant pour le phrasé parlé, il explique: « J’étais l’enfant confié au neurochirurgien/Mais qui reste joyeux et que sa maman aime/J’étais celui qui sait le nom des médecins/Et grignote un croissant après son IRM. » À quel point cette mise à nu lui a-t-elle éventuellement coûté? « Disons qu’à 20 ans, ce n’est pas forcément quelque chose sur laquelle vous avez envie de revenir. Mais là, à 40, je vois les choses un peu différemment. Ca reste délicat, mais je peux l’aborder plus facilement et frontalement. Le sujet a toujours été un peu là, mais pas de manière aussi directe. J’ai même fait un morceau intitulé Cancer. Je n’ai pas eu de cancer, mais c’était plus ou moins le même genre de truc. J’ai dû me faire opérer trois fois, etc. Après, on s’en fout de mon histoire. C’est plus un prétexte pour questionner le rapport à la maladie, à l’hôpital, au corps en général. »

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Dans le même morceau, il parle également du crash amoureux -« je suis celui qui pars, sans jamais revenir ». Séparé de la mère de ses deux enfants, Nicolas Michaux s’attaque également plus loin à Le Léthé, poème tiré des Fleurs du mal de Baudelaire, et mis en musique par Léo Ferré. « C’est un disque que j’ai beaucoup écouté avec mon ex-compagne. Du coup, c’était assez naturel d’en tirer une reprise. Et puis, dans un disque qui est très proche de ce que je suis, il manquait ce genre de titre. Un morceau qui parle du cœur blessé, de la souffrance amoureuse, comme je n’aurais jamais pu le faire. » Quelque part, Vitalisme n’est pas très loin du break-up album. Un disque de rupture, mais qui ne sombrerait toutefois jamais dans l’aigreur et l’amertume. « Clairement, je ne voulais pas faire un album déprimant à la guitare acoustique. Mais plutôt un disque lumineux de combat, qui se bat pour rester en prise avec les forces de la vie. »

En toute fin, Nicolas Michaux conclut ainsi avec Au revoir, ma chérie, chantant langoureusement: « C’était bien de se connaître/Au revoir ma chérie/Demain sera peut-être un peu mieux qu’aujourd’hui »… L’espoir, malgré tout, y compris dans un monde au bord du gouffre. « Car la vie est toujours là, dans les interstices. Et j’essaie de la traquer… »

Vitalisme ***(*), de Nicolas Michaux, distribué par Capitane.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content