Nicola Testa: « Pour ma génération, la vraie rébellion se déroulait dans les clubs »

Nicola Testa © Laetitia Bica
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Avec son premier album, le Belge Nicola Testa noie ses mélancolies dans une pop synthétique flamboyante. Un certain éloge de la fragilité.

Il ne faut jamais rater une occasion de faire une première bonne impression. Dès le départ, Nicola Testa installe le décor. Des émotions en technicolor, un roulement eighties. Puis tout à coup un beat martial, des coulées de synthé maximalistes, et un refrain choral qui sonne comme un ordre de marche. Rainbow est pop, outrageusement pop. Forcément dance. Quelque chose comme la rencontre entre Soft Cell, The Beloved et… Arcade Fire. Un véritable hymne de stade qui verrait les supporters chanter, non pas We Are The Champions, mais We are vulnerable. Voilà qui devient intéressant…

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On rencontre Nicola Testa dans le patio radio RTBF -il vient de jouer le titre en direct sur Pure FM. La barbe impeccablement taillée, il est aussi élégant qu’affable. Seule coquetterie: son âge. Celui qui chante « living a magical eternal youth » fait mine de chipoter –« c’est vraiment intéressant de savoir? »-avant de lâcher: « Bon, je suis né au début des années 80. » Pour finir par glisser entre ses dents: « J’ai 34 ans. » Rien de honteux, mais peut-être un peu tard pour sortir un premier album? C’est sans doute ce qui arrive quand on est emporté par sa propre curiosité, ses envies de tout à la fois: musique, théâtre, danse… Par où commencer?

Reprenons. Nicola Testa grandit du côté de Braine l’Alleud -comme les futurs Girls In Hawaii, qu’il croise notamment dans les couloirs du collège Cardinal Mercier. Ado, l’école est une punition. « Je m’ennuyais un peu, ce n’était pas très exaltant. » Pour compenser, il y a déjà la musique. Et les premiers groupes. « Vers 14, 15 ans, on reprenait du Nirvana, ce genre de choses. » A l’époque, comme Cobain, le grunge est toutefois déjà mort, sa « subversion » récupérée par les marques de fringues. « Pour ma génération, la vraie rébellion se déroulait dans les clubs. Il y avait là une créativité, un dynamisme, qu’on ne retrouvait pas ailleurs. C’était un microcosme dans lequel tout était autorisé. » Vers 16 ans, Nicola Testa sort donc régulièrement, notamment au Fuse, se prend la révolution électronique en pleine tronche. Il y a la musique, les lumières, la danse, la liberté surtout.

A 18 ans, une fois passé le jury central, c’est pourtant dans des études de théâtre qu’il se lance. Il rentre à l’IAD, se fait virer après un an (« on était une petite bande, on croyait tout savoir »), avant d’atterrir à la Kleine academie à Bruxelles. A la sortie, les planches l’attendent. Mais c’est vers la musique qu’il bifurque. « J’avais envie de créer mes propres trucs, de ne pas dépendre du désir d’un metteur en scène. »

Il compose ses premières maquettes -envoyées au concours PureDemo-, puis un premier EP, Wanderland en 2011. Déjà se retrouvent les influences dance (Depeche Mode, Pet Shop Boys…), mais aussi acoustiques. « C’est ce qui me plaît chez des gens comme Brian Eno, Peter Gabriel, Kate Bush, et en général dans la pop expérimentale du début des années 80: ce mélange entre les instruments et les machines. » Restait alors à concrétiser l’essai sur le format plus long d’un véritable album…

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Couleur noir arc-en-ciel

Pour le réaliser, Nicola Testa réussit à convaincre le Français Antoine Gaillet, repéré au générique des disques de M83, Julien Doré, Barbara Carlotti, Herman Dune… « Nicola, c’est mon chouchou, raconte le producteur. Il est très proche de mon coeur artistique, qui est autant fait des albums de Robert Wyatt que de trucs électro très modernes. » Entre les deux, le courant passe en effet visiblement très bien. Les journées en studio se prolongent généralement jusque 23h –« je l’ai épuisé », rigole Antoine Gaillet. « Nicola a une grande qualité: même s’il a une idée précise en tête -et c’est comme ça avec tous les grands artistes avec lesquels j’ai bossé, les choses sont toujours assez évidentes, simples-, il ne se ferme jamais non plus à ce qui se peut se passer en studio: les accidents, les imprévus. Il est hyper ouvert aux pérégrinations de la création. »

A 300 km de là, l’intéressé confirme. « Au tout début, quand tu écris, tu es très fort dans le morceau. Mais par la suite, il faut prendre un certain recul. Se mettre à penser en termes de chanson, pour qu’elle puisse exister sans toi. Quitte à ce qu’elle prenne une autre direction que celle que l’on avait en tête au départ. Il faut être à l’écoute des chansons, les considérer comme des alliées. Ce qui veut dire tenir compte des dérapages, et parfois les intégrer. Je ne veux rien me refuser. » Y compris des claviers parfois « bordeline », les sons cheesy, voire outranciers, « mais qui fonctionnent dans la chanson », insiste Antoine Gaillet: « Un peu comme chez votre compatriote Stromae, d’ailleurs. »

Ce n’est pas le seul rapprochement. Quitte à ressortir l’argument désormais un peu tarte à la crème d’une génération d’entertainer control freak: avec No More Rainbows, Nicola Testa imagine en effet la pop comme un package complet, à la fois musical, visuel, graphique, théâtral… Une vision des choses que Testa partage avec quelqu’un comme Stromae, mais aussi Christine & The Queens (il a fait sa première partie). Amusant aussi de voir comme ces trois artistes abordent pareillement la question des genres: toujours par la bande, moins dans la revendication frontale que dans un certain « militantisme affectif ».

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Car c’est bien cela qu’évoque No More Rainbows, premier album qui, avec sa proposition, à certains égards radicale, affirme haut et fort sa… fragilité. Il est ainsi question de deuils à faire, d’illusions à abandonner et de la vulnérabilité de toutes choses. « C’est notre condition d’être humain, insiste Nicola Testa, que d’assumer ça, et de le magnifier. » Même si ce n’est pas toujours simple, comme le suggère en toute fin de disque le titre éponyme. « C’est vrai », concède Nicola Testa, regard vaguement mélancolique: « Est-ce qu’il n’y a quand même pas un endroit où les couleurs restent?… »

NICOLA TESTA, NO MORE RAINBOWS, DISTRIBUÉ PAR VOICES VOICES/PIAS. ***

En concert e.a. le 17/04 au Botanique (complet), le 19/07 aux Francos de Spa, le 29/08 au Bucolique à Ferrières…

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