Mustii: « Le théâtre a été comme une sorte de thérapie »
Vu comme acteur dans La Trêve notamment, Thomas Mustin est également chanteur, sous le nom de Mustii. Il vient de sortir son premier album, 21st Century Boy, électropop spectaculaire qui ne ménage pas ses effets.
Thomas Mustin habite tout près du musée Wiertz, à Ixelles. C’est peut-être un détail pour vous. Mais pour lui, ça veut dire beaucoup. Difficile en effet de ne pas dresser un parallèle entre les fresques spectaculaires d’Antoine Wiertz, peintre romantique belge du XIXe, et les chansons de Mustii, son alter ego musical: un même sens du grandiloquent, de la pompe, voire de l’excès. « De l’angoisse et du tourment aussi », sourit-il. C’est bien ce que confirme son nouveau disque. Après un EP en 2016, le jeune Bruxellois vient de sortir son tout premier album. Il est intitulé 21st Century Boy. Un clin d’oeil, forcément, au 20th Century Boy de T-Rex, l’entreprise glam-rock seventies de Marc Bolan. Et un nouvel indice sur le goût de l’intéressé pour une certaine théâtralité. Normal: c’est par là que tout a commencé…
Mustii est raccord avec sa génération: tout-terrain et sans complexe.
Avant de devenir chanteur, Thomas Mustin est en effet d’abord un acteur. On l’a vu au cinéma – notamment, aux côtés de Romain Duris et Michel Blanc, dans Un petit boulot. Mais plus encore à la télé – dans la série La Trêve ou encore dans le téléfilm Je voulais juste rentrer chez moi, dans lequel il incarne Patrick Dils, victime d’une erreur judiciaire qui l’envoya en prison pendant quinze ans. Aujourd’hui, il entend bien continuer à combiner ses deux passions. « Pour l’instant, je n’ai aucune envie de trancher: je peux assumer les deux. » En mars prochain, par exemple, il jouera Hamlet au théâtre Jean Vilar, à Louvain-La-Neuve. En fait, Mustii est raccord avec sa génération: tout-terrain et sans complexe, il ne veut rien se refuser. « Plus que par « format », je préfère fonctionner par projet. »
Bowie, ce héros
Thomas Mustin est né en 1990, et à ce titre, rangé dans la catégorie des millenials. Il grandit du côté de Bruxelles, La Hulpe, puis finit par débarquer avec sa famille à Lasne – son Deli, ses vieilles dames peroxydées. « Et là, j’ai fui! », rigole-t-il. Il a 17 ans quand il intègre l’IAD à Louvain-La-Neuve, avec l’objectif de devenir acteur. « Depuis que je suis tout petit, je veux faire ce métier. Je devais avoir 6 ou 7 ans quand mes parents m’ont inscrit à des cours de théâtre. C’est un peu bateau, mais c’est la réalité: j’étais un gamin très timide, un peu à la marge. Ils pensaient que monter sur scène allait pouvoir m’aider. Ce qui est un peu paradoxal quand on y pense (rires). Mais en l’occurrence, dans mon cas, ça a marché. Petit à petit, ça m’a aidé à m’ouvrir. Ça a été comme une sorte de thérapie. »
Et la musique alors? Elle n’arrive qu’un peu plus tard. Notamment avec une première fascination pour David Bowie. « Mon meilleur ami d’enfance et son frère étaient fans. Chaque fois que j’allais chez eux, j’entendais l’un de ses disques. » C’est comme ça qu’il finit par tomber sur l’album Outside, sorti en 1995. Il n’y a pas vraiment de mauvaise porte pour entrer dans l’univers Bowie. Mais, alors que la plupart passent par l’un de ses classiques des années 1970 ou l’un de ses tubes eighties, façon Let’s Dance, Thomas Mustin, lui, s’attaque au monument par une voie moins fréquentée. « C’est vrai, mais du coup, tout le reste coule de source. Je me rappelle d’un morceau comme The Motel, la façon dont est travaillée la voix, la manière dont elle résonne, cela m’a transcendé. Encore aujourd’hui, cela reste pour moi un pilier. » A l’époque, l’album marque le retour de Bowie à l’avant-plan. A cette occasion, le Thin White Duke retrouve aussi Brian Eno et imagine un récit dont le personnage principal, Nathan Adler, évolue dans un monde dystopique à la charnière du XXIe siècle. Mustii saura s’en souvenir…
Mais Thomas Mustin n’en est pas encore là. Il a 16 ans quand le même ami lui refile un synthé. Il ne sait pas jouer, mais commence à bricoler. Sans ambition particulière, puisque pour lui tout est clair: c’est acteur qu’il veut devenir, pas chanteur. A moins qu’il y ait moyen de combiner les deux? De profiter des concerts pour éprouver la scène? La première fois, c’est avec son groupe baptisé… Seek The Duke. « Un tremplin jeune talent, lors de la fête de l’Iris. On jouait sur un podium, tout près de la gare Centrale. Il faisait gris, il y avait deux pelés, trois tondus, et un SDF qui me jetait des trognons de pommes » (rires). A un moment, le groupe finit par s’effacer. « Ca s’est fait assez naturellement, dans le sens où il s’agissait déjà en majorité de mes compositions et de mes textes. J’ai voulu les rassembler derrière un seul personnage, une seule silhouette, cela me semblait plus cohérent. » Mustii est né. « Ça ne veut pas dire que je fais tout tout seul. Je fonctionne encore avec d’autres musiciens (NDLR: Thibaud Demey, Elvin Galland et Lau Seys). Mais moi qui écoute beaucoup de projets solo, j’ai l’impression que tout rassembler derrière une figure facilite le processus d’identification. »
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En l’occurrence, sur la pochette de 21st Century Boy, Mustii a le visage d’un blanc extrême, laiteux, à la fois androgyne et fantomatique. « C’est aussi une manière de dessiner un personnage un peu marginal, en dehors du monde, comme ces ados errants dans les films de Larry Clark. » Ou encore ceux d’Harmony Korine ou de Gus Van Sant (Elephant). Autant de références cinéma qui fourmillaient dans le cahier des charges établi pour l’album. Une sorte de moodboard où l’on retrouvait aussi « Peter Gabriel, David Sylvian, l’album Silence Is Sexy d’Einstürzende Neubauten, pour sa théâtralité, ou le Ceremonials de Florence + The Machine, dont je suis un grand fan. »
Spectaculaire, bombastic, l’électropop 21st Century Boy ne fait pas dans la demi-mesure. Mais elle assume de bout en bout son caractère frondeur et ses grands effets, choisissant le travestissement pour mieux dire la vérité. Cet entêtement pourrait même faire penser que l’on est face à un album concept, cette vieille chimère typique des années 1970. « Non, je n’irais jusque-là. Mais disons qu’il y a un fil rouge. Encore une fois, cela doit venir de mes études: je ne sais pas me passer d’une certaine narration. Pas pour intellectualiser le propos, mais pour lui donner un socle. Du coup, en effet, tout au long du disque, c’est le même personnage qui parle, évoque ses doutes, ses angoisses, ses dilemmes. Chaque morceau est un aveu d’inquiétude, comme une page de son carnet de bord personnel. Mais à cette parole intime, s’ajoute une musique qui est beaucoup plus galvanisante. » Tout l’art du contraste…
Mustii, 21st Century Boy, distr. Warner. En concert le 9 novembre au Palace, à La Louvière; le 10 novembre à la Maison de la culture de Marche-en-Famenne; le 17 novembre au Reflektor, à Liège; le 23 février 2019 à l’Ancienne Belgique, à Bruxelles.
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