Monologue d’été (2/4): Toute cette colère finira comme les Goths en festival sur une plage!
Ambiance estivale et chronique en short, en mode « conversation pépouze très décousue autour du cubi et des rillettes » (même si c’est la fin du monde) pour ce Crash Test S06E43. Au menu: colères sur les réseaux sociaux, Jean Yanne et grandeurs et décadences du mouvement goth!
J’en ai marre des gens fâchés, fieu. Les Sleaford Mods, les féministes, les cyclistes à Meiser. La France entière et surtout Jean-Luc Mélenchon. Gnagnagna et gnagnagna et gnagnagna… Un moment, ça suffit, la coulée continue! Bien sûr, moi aussi, je peux être teigneux. Je tiens même beaucoup plus de l’Angry Bird que du Bisounours. Mais mon modèle dans la vacherie, c’est Jean Yanne, pas Taxi Driver. La moquerie carnassière en partageant avec les copines le cubi de gros rouge et les rillettes au soleil. La Jupiler League du LOL, pas changer le monde en tirant dans le tas après avoir bien ouinouiné qu’une bonne pluie serait topito pour débarrasser la Terre de son ordure. Attention, j’aime beaucoup Jean Yanne acteur chez Chabrol mais je n’ai jamais trop suivi le reste de ses conneries. En fait, il est surtout mon héros de la semaine parce que j’ai croisé sur Instagram une citation de lui que je trouve vraiment brillante et résume selon moi très bien la grande différence entre un vrai naturel bougon mais sinon plutôt affable et la colère surjouée en roue libre comme simple positionnement marketing. À la question de savoir ce qu’il emmènerait sur une île déserte, plutôt que de répondre un piano ou les oeuvres complètes de Marguerite Yourcenar comme le font beaucoup de grosses andouilles, Jean Yanne avait en effet simplement dit « UN BATEAU »! Ce qui est la réponse la plus saine que je connaisse. Or, que répondraient à cette même question les Sleaford Mods, les féministes, les cyclistes de Meiser et Jean-Luc Mélenchon? Des trucs de gens fâchés, sans aucun doute. Sur leurs îles désertes, ils emmèneraient des livres de gens en colère. Des vagins en tricot. De quoi faire une piste cyclable. Et un bon community manager pour continuer d’alimenter leurs usines à gaz.
Tout ça me rappelle fort le Goth. Moi, je suis fan absolu de Bauhaus. C’est mon groupe d’île déserte, justement. Mais Bauhaus, on a beau dire que c’est goth, ça descend surtout du Pink Floyd époque Syd Barrett, de David Bowie, de Brian Eno et de T-Rex. C’est psyché, c’est glam, c’est parfois même reggae. Ils font du punk pour faire la fête, des ballades sociales, des trucs plus incantatoires et barrés. C’est très varié, Bauhaus. Ce qui n’est pas le cas de beaucoup de leurs suiveurs, pour qui le Goth n’est pas un état d’esprit ouvert sur le monde mais bien une niche dans laquelle se mettre à l’abri de ce même monde. Un safe-space, une bulle où il suffit de suivre des règles arbitraires et le troupeau qui les applique pour ne jamais se cogner à quoi que ce soit de nouveau, donc de perturbant. T’as déjà été dans une soirée goth? Ça fait 40 ans que la playlist est la même… Faut aller voir sur YouTube aussi, tous ces sosies d’Amélie Nothomb et de Tim Burton du mascara plein la tronche et des dentelles plein les manches se voulant plus catholiques que le Pape, plus goths que Bauhaus donc, dont ils ne reprennent systématiquement que la même poignée de chansons, évidemment les plus goths du catalogue: The Three Shadows, Hollow Hills, Bela Lugosi’s Dead… Jamais Burning from the Inside, jamais Terror Couple Kills Colonel, jamais The Passion of Lovers. En fait, la seule fois où j’ai vu quelqu’un reprendre The Passion of Lovers sur scène, c’était LCD Soundsystem. Un groupe de dance music. Au bon esprit.
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Le bon esprit, c’est primordial. Tout fanfaron a-t-il pu être, tout franchouillard ringard peut-il nous sembler aujourd’hui, Jean Yanne me semble avoir eu le bon esprit. Bougon mais drôle. Comme John Fante, l’écrivain le plus teigneux du monde, mais dont les bouquins me font autant jubiler que la musique de Bauhaus. Parce qu’ils découlent eux aussi d’un bon esprit plutôt libre, très drôle, et pas simplement du règlement d’ordre intérieur du couvent réservé aux gens perpétuellement en colère. Où c’est celui ou celle qui a l’air le plus sincèrement fâché qui récoltera le plus de petits coeurs, de pouces levés et de soutiens. Pas besoin de vocabulaire chiadé, pas besoin d’une bonne punchline. Juste se prétendre offusqué, glacé, tétanisé devant l’un ou l’autre fait divers transformé en horreur systémique mondialisée. Un cycliste se prend un rail de tram sous la pluie, y laisse deux ratiches, poste un selfie du ravage sur les réseaux sociaux et hop, voilà le moral de l’Internationale à Pédales soi-disant aussi ratiboisé que Gaza après 5 nuits de raids.
Je n’en peux vraiment plus de ces mises en scène, de ces exagérations, de ces disproportions. De toutes ces couillonnades gonflées à l’hélium juste pour marquer des points et alimenter le feu qui sert à cuire les nouilles. Le pire, c’est que les cyclistes, les féministes, les Sleaford Mods et Mélenchon me feraient marrer et feraient preuve d’un bon esprit, ils pourraient me convaincre, me séduire, vu que tout n’est pas si grotesque, ni hors propos, dans ce qu’ils nous débitent à la chaîne. Mais est-ce le but? Les gens en colère et/ou surjouant de leurs colères cherchent-ils encore à convaincre en dehors de leurs petites chapelles? Des groupes goth qui n’auront jamais une carrière aussi admirable que Bauhaus et le savent, on en connaît plein, tous ces Lautréamont de Vénus et autres Death is Colder Than Dark. Leur truc n’est pas de se démarquer, encore moins de chercher à séduire les fans de LCD Soundsystem. Leur truc, c’est de se contenter de plaire aux quelques derniers romantiques suicidaires de leurs coins en jouant à chaque concert de fin de brocante Bela Lugosi’s Dead parce que c’est la seule chose que ces zomblards attendent et surtout acceptent. Comme d’autres n’attendent juste de Mélenchon qu’il fasse ses gros yeux de hibou et humilie Macron et de Titiou Lecoq qu’elle ébauche une corrélation entre le fait que les mecs du XXIe siècle ont tendance à laisser traîner leurs chaussettes sales sous les canapés et les procès en sorcellerie durant la Contre-Réforme. Bref, il s’agit bien davantage de pleinement satisfaire son coeur de cible déterminé par son business plan que de mener à une révolution mondiale en convainquant le plus grand nombre du bien-fondé de ses positions politiques. Avec en bonus, une bonne grosse dose de branlade d’égo. Autant dire que dans 40 ans, la colère du moment en sera probablement là où Bauhaus est aujourd’hui: dans des festivals réservés aux vieux nostalgiques de leur énergie juvénile. Pas très jubilatoire, ni très bon esprit, tout ça.
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