Moji x Sboy sortent enfin leur premier album: «Pourquoi on n’a pas explosé plus tôt? C’est simple: on vient de Liège»

Moji x Sboy ont sorti leur premier album, Quitte ou double © D.R.
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Depuis un moment sur les radars du rap, Moji x Sboy sortent enfin leur premier album, Quitte ou double, entre ego trip, spleen soul et trap clinquante. Rencontre avec les plus ricains des Liégeois.

En février dernier, Moji x Sboy annonçaient la couleur avec un premier single. Son titre? Saint-Laurent. On peut y voir une double référence: à la fois à l’un des quartiers de leur ville de cœur, Liège; et, évidemment, à leur amour de la mode. Dans le clip du morceau en question, que des beaux tissus et des tenues street chic. Et, ce n’est pas un détail, un maillot des Diables Rouges. Les connaisseurs auront reconnu la version bleu ciel, match à l’extérieur, Euro 2016. Cette année-là, les Hazard, Kompany, KDB et consorts brillaient (mais butaient contre le pays de Galles, en quart). Cette année-là, surtout, émergeait une autre «génération dorée», celle de rappeurs/rappeuses qui vont faire de la Belgique l’un des principaux centres nerveux de la scène francophone: de Damso à Hamza en passant par Shay, ­Caballero & JeanJass,  Roméo Elvis, etc.      

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A leur manière, Moji x Sboy prolongent l’histoire. Tout juste sorti, leur album Quitte ou double a la dégaine américaine et la rime francophone, la tension trap et le flow nonchalant. Entre mélancolies élégantes, presque soul par moment (Métro parisien, California, 3 AM sur BX) et productions plus serrées (Donald Trump, Muffin!), Moji x Sboy s’y montrent raccord avec un certain lexique rap bling-bling. Sans le révolutionner le moins du monde, mais en n’étant pas complètement dupes –«J’achète directement place Vendôme/Ça m’aide à combler ma tristesse», rappe Moji sur Nirvana.  Les deux rappeurs dégoupillent d’ailleurs régulièrement leurs excès de lovers crâneurs par un trait fendard –«J’enlève les chaussettes de l’archiduchesse», s’amuse Sboy sur Saint-Laurent–, devançant même les critiques –«On manifeste, laisse-nous parler de Rolex», le même Sboy sur Rolex. «On essaie de fonctionner un peu à la manière de certains artistes nord-américains, comme Drake, par exemple, qui peut être très premier degré sur un son d’amour et jouer sur le second quand il est dans un mode plus ego trip.»

Moji x Sboy, validés par Booba

Balisée, la formule fait en tout cas des émules. Sur les plateformes de streaming et sur les réseaux. Récemment, c’est Booba qui a partagé un son du binôme. Moji: «C’est le genre de validation qui fait évidemment toujours plaisir. Même si on ne l’idolâtre pas, Booba reste Booba. Recevoir ce type de retour permet de se dire qu’on ne fait pas ça depuis autant de temps pour rien.» En effet, Quitte ou double a beau être un premier album, cela fait un moment que les noms de Moji x Sboy titillent les oreilles des amateurs. Depuis au moins 2019…

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Rappel des faits. Liés depuis l’école maternelle, Moji (Keziah Bondo Tshiani, taille NBA) et Sboy (Stephan Bulut, tresses courtes à la XXXTentacion) sont biberonnés au rap –Despo Rutti, Kery James et ­Youssoupha via les grands frères  ou, plus directement, Sexion d’assaut et 1995 dans la playlist des deux gamins nés à la bascule des années 1990-2000.

Quand on a vu débarquer tous ces mecs qui cassaient les codes, on s’est dit: pourquoi pas nous?

A l’adolescence, leurs oreilles se tendent cependant un peu plus vers l’autre côté de l’Atlantique. Sboy: «Vers 2015-2017, on a commencé à suivre de plus près toute la scène SoundCloud qui émergeait aux Etats-Unis (NDLR : microgenre bousculant les codes traditionnels du rap, avec un son plus digital et crade, et une attitude plus «punk»). Pour la première fois, on voyait des mecs qui nous ressemblaient un peu plus et qui arrivaient avec une musique différente. Avant, il y avait quand même fort ce truc où, pour faire du rap, il fallait venir de « cité » et jouer au dur. Nous, on n’est pas riches, mais on n’a jamais été des voyous non plus. On se voyait mal partir là-dedans. Donc quand, tout à coup, on voit débarquer tous ces mecs, avec les mêmes dégaines, qui s’habillent de manière un peu chelou et qui cassent les codes, on s’est dit: pourquoi pas nous?»

En 2019, les choses se précisent. Après quelques essais, les titres Ma Go et Regarde-moi commencent à tourner. Dans la foulée, le duo signe un premier contrat, enchaîne une première tournée. Moji: «A la base, on n’avait aucun plan. Perso, j’ai fait l’école hôtelière, je voulais ouvrir mon restaurant. J’étais vraiment tiraillé. Je me suis donné un an pour voir où tout cela allait.» Sboy a, lui, laissé de côté ses rêves de foot et combiné à la place la musique avec des études d’ingénieur civil informatique, achevées l’an dernier.

Plafond de verre

Dans l’intervalle, le duo s’accroche, insiste, chacun envoyant à l’autre ses idées de morceaux, travaillées dans leur home studio respectif. Moji x Sboy sortent ainsi une mixtape un peu plus dense, Temps d’aime, en 2021, affinent ensuite leur son à coup d’EP – Elle pleure en hiver en 2022, Automne en 2023. «Mais sans grande stratégie marketing, ni coups d’éclat, ou grosses interviews, etc.», dixit Sboy. Une manière d’imposer en douceur leur présence, mais en ne donnant jamais vraiment l’impression d’exploser médiatiquement. «Ce n’est pas qu’une impression. On le ressent aussi. C’est dû à quoi? On vient de Liège.  On ne dit pas que c’est une ville maudite. Il y a même toute une scène» –comme l’a montré la récente expo Héritages. «Mais il reste un plafond de verre, que peu ont finalement réussi à percer.» On pense à des noms comme Fresh, gagnant de La Nouvelle Ecole, Boub’z, Bakari ou Ledé. Et puis, évidemment, les pionniers de Starflam dans les années 1990, premier album de platine du rap belge. Moji: «Mon oncle en faisait partie. C’est Baloji! Petit, je me rendais sur ses clips, j’ai aussi fait des sons en studio avec lui, où il avait besoin de nos voix, etc. Forcément, ça m’a marqué.»

C’est aujourd’hui au tour de Moji x Sboy de monter au créneau, avec un premier album «à l’esthétique musicale léchée, et avec un attrait pour le texte, mais qui n’est ni pompeux, ni rap « conscient »», dixit Sboy. Un rap qui ne cache pas ses «influences américaines» –les clips de Nirvana et ­California tournés dans le désert du Nevada–, tout en revendiquant sa belgitude. Depuis un an, les signaux se sont en tout cas multipliés –de la retape de Booba à l’invitation à la cérémonie des Flammes en passant par celle d’On The Radar Radio. Moji: «On veut d’abord sortir de la bonne musique. Mais l’idée aujourd’hui, c’est quand même de passer aussi un cap. On sent en tout cas que les choses bougent.» Quitte ou double, qu’ils disaient… ●

Moji & Sboy, Quitte ou double, distribué par Wagram. Le 6 février à la Madeleine, à Bruxelles

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