Il n’y a pas que Taylor Swift dans la vie. Focus sur les autres sorties du moment, de la French pop perverse de Miki à l’indie rock de Geese, en passant par le nouveau Belin ou la rencontre entre Four Tet et William Tyler
1. Miki – Industry Plant
Mikaela Duplay, aka Miki, ne manque pas de second degré. Pour son premier album officiel, la jeune femme a décidé d’arborer fièrement le stigmate dont une partie des réseaux sociaux a décidé de l’affubler depuis qu’elle est apparue sur les radars du buzz: «industry plant». Une pure création de l’industrie musicale, Miki? Tout ça parce qu’elle est signée sur le nouveau label de ceux qui ont découvert Clara Luciani, Eddy de Pretto, etc.? Et qu’elle collabore avec Tristan Salvati (oui, le producteur préféré d’Angèle)? A moins, évidemment, qu’il ne faille plutôt y voir un fort relent de misogynie –quoi, une chanteuse qui ne serait pas une simple marionnette de maisons de disques?
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Soit. Au fond, peu importe que Miki soit bien accompagnée, sa personnalité ne trompe pas: cash, trash et dotée d’un solide sens de l’humour (noir) et de l’autodérision –«On me dit souvent que j’ai une tête de chat/C’est peut-être pour ça que j’suis allergique à moi» (Cartoon Sex). On en avait déjà eu un bon aperçu sur Graou, son premier EP sorti au printemps. En reprenant une bonne moitié (quatre morceaux sur sept, dont le fameux Echec et mat), Industry plant accentue encore un peu plus le trait vachard, parfois jusqu’au malaise –voir le single Roger Rabbit («Sous son déguisement/Une peau putride/Qui pue l’intestin/ Parce qu’il a mangé tous les enfants du coin») ou Bnf («Encore un rêve où je me suicidais»). Le tout sur des productions électroniques (les accents club de Hajima), truffées de détails absurdes. Et porté par une langue bâtarde qui pik, qui pik, bourrée de fulgurances aussi perverses qu’attachantes, fonctionnant sur le principe du «double effet kiss cool». Comme sur Switch Switch, où Miki détaille au scalpel la relation maternelle compliquée. Et chante: «Tu nous persécutes» mais prononce «perse-cute» («mignon» donc, en anglais). Réjouissant. ● L.H.
Distribué par Structure. Le 4 décembre au Reflektor, à Liège, le 6 décembre à la Ferme du Biéreau, à Louvain-la-Neuve, et le 10 décembre au Botanique, à Bruxelles.
La cote de Focus : 4/5
2. Geese – Getting Killed
Alors que Clap Your Hands Say Yeah tourne de par le monde et s’est arrêté sur la cote belge, aux Leffingeleuren, mi septembre pour célébrer les 20 ans de son premier album, disque emblématique de l’indie rock new-yorkais du début de ce siècle, un autre groupe de Brooklyn est en train de secouer la Grosse Pomme et d’émoustiller les chroniqueurs de Pitchfork. Comme le premier Clap Your Hands, le troisième Geese a décroché la cote de 9,0 sur 10 et une critique dithyrambique du site américain.
Emmené par le singer/songwriter Cameron Winter dont la voix rappelle celle d’Alec Ounsworth et réduit à un quatuor depuis que le guitariste Foster Hudson a quitté le groupe pour se focaliser sur ses études académiques, Geese connait bien l’histoire musicale de la ville. Perpétue à la fois l’héritage de Television, des Feelies et de The National (pensez aussi Bright Eyes, Tom Waits). Un disque habité et fiévreux avec du violon, du trombone, les samples d’une chorale ukrainienne et les cris de JPEGMafia dedans, produit par Kenneth Blume (alias Kenny Beats) et plébiscité par Cillian «Tommy Shelby» Murphy.● J.B.
Distribué par Partisan/Pias. Le 8/03, au Botanique, à Bruxelles.
La cote de Focus : 4/5
3. Bertrand Belin – Watt
Sur Tambour vision (2022), Bertrand Belin avait en partie délaissé la guitare pour s’amuser avec les synthés et les boîtes à rythmes, pour jouer avec Bowie, les Talking Heads et la pop synthétique. Watt poursuit l’exploration, mais plus acoustique que son prédécesseur, il est davantage dans l’équilibre et la balance.
«Prières païennes pour ses congénères» chantées de cette voix grave et envoûtante qui rappelle toujours Bashung mais de plus en plus… Belin, ses nouveaux morceaux se promènent entre chien et loup, pop, rock et chanson. Ils s’offrent quelques inflexions jazz (sur Tel qu’en moi-même, notamment), la mélancolie au piano d’une Lana Del Rey ou d’un BABX (Certains jours, Amour ordinaire) et les services de Rodolphe Burger (Watt). Un disque aux arrangements soignés qui se révèle pleinement dans l’insistance. Watt else…● J.B.
Distribué par Cinq7/Wagram/Pias
La cote de Focus : 4/5
4. Kieran Hebden & William Tyler
D’un côté, Kieran Hebden, producteur électronique anglais superstar, mieux connu sous le nom de Four Tet. De l’autre, William Tyler, guitariste country américain au fingerpicking « cosmique ». Entre les deux, a priori, le risque de connexion était mince. Après une série de collaborations épisodiques, ils se sont pourtant retrouvés en studio à Los Angeles pour enregistrer un album entier en duo. Avec pour terrain d’entente commun : une même passion pour l’americana-folk des années 80, héritée de leurs paternels.
Entre paysages ambient dépouillés et notes de guitares country cristallines, 41 Longfield Street Late ‘80s s’ouvre ainsi par une réinterpretation de 11 minutes du If I Had A Boat de Lyle Lovett, s’électrise plus loin sur When It Rains et s’achève sur les accords majestueux, répétés à l’infini, de Secret City. Captivant.
Distribué par Eat Your Own Ears.
La cote de Focus : 3/5