Critique | Musique

Michael Kiwanuka passe de la politique à la soul-folk avec élégance

3,5 / 5
Michael Kiwanuka © DR
3,5 / 5

Album - Small Changes

Artiste - Michael Kiwanuka

Genre - Pop

Label - Universal

Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Le nouveau disque de Michael Kiwanuka porte bien son titre. Small Changes, pour un album qui troque le politique pour l’intime, mais conserve son élégante patine soul-folk.

On en a encore eu la confirmation l’été dernier, à Rock Werchter. Remplissant sans aucun mal l’immense The Barn -le plus grand « chapiteau » du vénérable festival-, Michael Kiwanuka (en concert à Forest National le 01/03)est devenu une véritable star. À sa manière. Sinon timide, en tout cas réservée. Depuis le succès de son premier single, Home Again, en 2012, il n’a d’ailleurs pas changé d’attitude. Le chanteur/guitariste anglais d’origine ougandaise a beau avoir gagné de l’assurance et de la présence, il continue d’être cet artiste évitant toute frime et pose outrancière. Une anomalie dans le monde de la musique actuelle. Est-il nécessaire de le préciser?, l’homme en fait le minimum sur les réseaux sociaux. Et laisse volontiers du temps entre chaque album.

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Alors que la tendance est plutôt à occuper le terrain par tous les moyens, Kiwanuka distille. Depuis Home Again, il n’avait sorti que deux autres disques –Love & Hate (2016) et Kiwanuka (2019). Il en rajoute aujourd’hui un nouveau, au titre révélateur: Small Changes

Un héros très discret

Ce quatrième album fait suite à un énorme succès. Avec Kiwanuka, Michael a même obtenu le prestigieux Mercury Prize. De quoi mettre une nouvelle pression, et expliquer les cinq ans qu’il a fallu pour livrer un successeur? Pas sûr, tant Kiwanuka semble doué pour tenir à distance tout élément perturbateur. Avec Small Changes, il retrouve ainsi son duo de producteurs fétiche, constitué de l’Américain Danger Mouse et de l’Anglais Inflo (aux commandes du mystérieux collectif Sault). Ils assurent la patine classique qui caractérise sa musique.

Sur son précédent best-seller, elle prenait volontiers la forme d’une soul psychédélique seventies. Publié quelques mois avant la mort de George Floyd, Kiwanuka collait même étrangement aux événements -avec des titres comme Hero (« on the news again, I guess they killed another »), ou Interlude (Loving the People) samplant la voix de John Lewis, l’un des leaders, avec Martin Luther King, de la lutte des droits civiques aux États-Unis.

Sur Small Changes, cette dimension politique a quasiment disparu. À la place, les chansons prennent une tournure plus intimiste et domestique. Désormais père de deux enfants, Michael Kiwanuka scrute les anfractuosités de la vie avec un nouvel œil. Préoccupé par l’idée de réaliser un « album qui transcende toute notion de ce qui peut être cool ou pas », il médite sur des productions à la fois familières et sophistiquées -Sade rejoignant la liste des influences généralement revendiquées par l’intéressé, telles Terry Callier ou Bill Withers. Tandis que la basse élastique donne la direction, Stay by My Side rumine par exemple ses états d’âme, douché par les cordes et les chœurs. Juste derrière, The Rest of Me s’ouvre sur des accords de gratte acoustique, avant qu’un orgue Hammond ne balise le groove languide. De son côté, l’instrumental Lowdown part. 2 convoque à la fois les grands paysages soul seventies et un solo de guitare à la David Gilmour. Certes, Small Changes a parfois les défauts de ses qualités -son raffinement, sa discrétion. Mais on aurait tort de snober le pouvoir apaisant de ce nouvel al-baume au cœur.

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