Les Gurriers, du post-punk aux couleurs de Dublin: «Je parle sur scène de ce qui m’énerve»

Dan Hoff, chanteur de Gurriers (au centre): "On peut avoir l’air en colère. Ce n’est pas le cas. En tout cas, pas envers le public." © Niamh-Barry
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Après le Gilla Band, Fontaines D.C. et The Murder Capital, Gurriers inscrit à nouveau Dublin sur la carte du meilleur post-punk. Nerveux, bruitiste, socialement conscient et politiquement engagé…

À Dublin, gurrier signifie plus ou moins magouilleur, vaurien, rustre, incapable, mal élevé. Mais le terme possède une autre acceptation plus sympathique celle-là qui remonterait au XIXe siècle et au début du XXe. À l’époque, dans les boulangeries, tous les morceaux de cake et de pain rassis qui traînent par terre reviennent en fin de journée aux gamins des rues qui errent dans le centre-ville et tentent de grappiller tout ce qu’ils peuvent à bouffer. Ces démunis les ramènent chez eux le soir pour en faire des Gur Cakes et sont surnommés les Gurriers.

« C’est une manière moins péjorative de voir notre nom, sourit le chanteur Dan Hoff. On est d’ailleurs de plutôt chouettes garçons. » Des potes, des collègues, des colocataires avec une conscience sociale et politique aiguë. « D’où elle me vient? Pas d’un parti politique en tout cas. De l’état du monde probablement plus que de toute autre chose. En grandissant, j’ai vu le désespoir et la douleur qui nous entouraient. Je me suis mis à en discuter avec des inconnus au pub mais je n’avais pas l’impression de gagner quoi que ce soit ou d’aider quiconque avec ces conversations. J’ai rejoint le collectif Justice for Palestine il y a quelques années. Et comme j’étais dans un groupe, j’ai voulu utiliser ma voix pour dire comment je voyais les choses et ce que je ressentais. Je ne suis pas un porte-parole ou un donneur de leçon. « écoutez ce que je dis. J’ai raison. » Je parle juste de ce qui m’énerve, me fâche, m’effraie et me fout en colère. Et je préfère le faire sur scène avec une guitare et un micro que dans un pub. ça me permet de mieux articuler mes pensées. »

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Les textes de Come and See, le tonitruant premier album de Gurriers, enregistré à Leeds, aux Nave Studios, avec Alex Greaves, sont clairement chargés. Les chansons parlent de fin du monde, d’immigration, de désensibilisation, d’une jeunesse dublinoise privée de ses droits fondamentaux ou encore d’un pape qui se bat avec ses croyances. « Les thèmes politiques du disque sont quelque part de niche. Comme la violence en ligne et la modération de contenu. Mais ils sont le fruit d’expériences personnelles. Des copains bossent dans le secteur et m’ont parlé de leur boulot. Puis j’ai vu comme tout le monde des vidéos extrêmement choquantes sur le Net. Notamment une à laquelle je repense dont je n’ai même pas osé causer à mes parents. D’autres morceaux évoquent des amis qui ont quitté le pays. J’ai besoin que des trucs m’arrivent pour écrire des chansons. »

Approachable s’attaque à la montée de l’extrême droite en Irlande et à Justin Barrett, activiste anti avortement, théoricien du complot et ancien leader du National Party. « Un horrible raciste qui se nourrit de la haine et la propage. Il fait même pitié pour être honnête. La chanson parle de sa vision des gens. » Pour Dan, la montée de l’extrême droite en Irlande résulte d’un manque d’éducation et illustre l’échec du gouvernement. « Un gouvernement qui n’a pas été capable d’expliquer pourquoi il y avait une crise de l’emploi et du logement. Beaucoup d’Irlandais se sont laissés aveugler par l’idée que les immigrés clandestins étaient là pour leur piquer leur boulot et leur maison. Et ils ont dirigé leur colère vers les étrangers. C’était déjà arrivé dans les années 60 en Angleterre à l’encontre des Indiens et des Pakistanais. Pendant les années 80 et 90, c’est devenu les Noirs. Et puis ensuite les musulmans. Les gens rejettent la faute sur les autres, sur l’ailleurs alors que leurs propres politiciens sont responsables. »

Boycott

Né en septembre 1994, Dan vient de fêter ses 30 ans et il en a passé la moitié dans des groupes. Il est le seul vrai Dublinois de Gurriers. Les autres viennent des quatre coins de l’Irlande. Dan a rencontré le guitariste Mark MacCormack alors qu’ils bossaient tous les deux dans un McDo… « Le plan, ça a toujours été la musique. Donc, j’ai été à l’université et j’ai étudié la production sonore. J’étais vraiment intrigué par l’ethnomusicologie et la thérapie musicale. Je suis une éponge. J’adorais découvrir de nouvelles choses. La musique de tribus indigènes… Des trucs africains, asiatiques, russes. C’était génial. Je pensais enchaîner avec l’anthropologie ou les relations internationales. J’ai préféré lancer un nouveau groupe. J’aurais pu devenir beaucoup d’autres choses mais j’ai choisi d’hurler au visage des gens avec un micro. »

Grand fan de Blur, Dan Hoff avoue avoir d’abord craqué sur Oasis. Aimer les Smiths. Et ne pas venir d’une famille particulièrement mélomane. Sa grand-mère lui a fait découvrir Johnny Cash et Roy Orbison. Son oncle Tony était fan des frères Gallagher et de Guns N’ Roses. Mais son père n’aimait que Barbra Streisand et sa mère l’a amené à la musique à cause de Robbie Williams. « Je pense d’ailleurs que j’ai voulu devenir Robbie Williams avant de me rêver en Damon Albarn. » Dan parle du Gilla Band et de Spies. « Une espèce de croisement irlandais improbable entre Grizzly Bear et Joy Division. Dans le temps, tout le monde voulait fracasser sa guitare et faire du bruit pour emmerder ses parents. »

En phase avec leurs convictions, les Gurriers ont décidé en mars de boycotter le festival South By Southwest alors qu’ils étaient déjà dans l’avion pour les États-Unis. « Comme tous les groupes irlandais (Sprints, Kneecap, Chalk…), nous avons décidé de nous désolidariser de l’événement et de ne pas y participer. Ce qui était facile en tant qu’être humains qui croient en les droits de l’homme quand on s’est rendu compte que l’armée américaine était partenaire du festival, explique Dan tout de même victime d’une crise de panique à bord. Je me suis demandé si des groupes énormes comme les Black Keys qui touchent un large public n’auraient pas dû faire de même. Il est parfois compliqué de prendre des décisions quand on n’a pas toutes les réponses à ses questions. Mais il faut essayer de voir clair. Si SXSW est clairement une opportunité à saisir pour un groupe comme le nôtre, tout n’est pas qu’une question de pognon. »

Gurriers, Come and See ****, distribué par New Filter/Pias

Le 14/10 à l’AB Club et le 01/11 au Grand Mix (Tourcoing)

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