Critique | Musique

Les Dublinois de Fontaines D.C. nous plongent en pleine romance

4 / 5
Fontaines D.C., ces nouveaux romantiques
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Album - Romance

Artiste - Fontaines D.C.

Genre - Pop-rock

Label - XL Recordings

Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Les Dublinois de Fontaines D.C. questionnent les sources de romance dans nos vies avec l’aide de James Ford et leur album le plus ambitieux à ce jour. Ils étaient sur la Main Stage du Pukkelpop vendredi 16 août.

Quand il évoque Romance, le quatrième album de Fontaines D.C., son chanteur Grian Chatten, fasciné par l’idée de tomber amoureux à la fin du monde, renvoie à Akira, l’anime de Katsuhiro Otomo dans lequel les braises de l’amour rougeoient malgré le tourbillon de dégradation technologique et de corruption politique qui souffle autour de ses personnages. Il convoque aussi l’image d’une boule à neige, de ces scènes pastorales plongées dans le chaos. Les Dublinois ont toujours été habités par ce sens de l’idéalisme et de la romance. Mais depuis Dogrel, leur premier album, ils n’ont cessé de s’éloigner de leur chère et tendre Irlande pour l’évoquer. « Notre deuxième disque (A Hero’s Death) parle de ce détachement et le troisième (Skinty Fia) évoque cette « irlandité » dans la diaspora. Maintenant, nous cherchons à propos d’où et de quoi d’autre être romantiques« , nous explique Conor Deegan, le bassiste du groupe.

Le rendez-vous a été compliqué à fixer. Deego, pour les intimes, est chez lui, à Londres. Il a des petits yeux mais de son propre aveu, l’été n’a pas été aussi chargé que d’habitude cette année. Juste quelques festivals. « D’un point de vue personnel, on voulait continuer à évoluer, à changer, à expérimenter, détaille-t-il. On en était arrivés à ce stade où on avait le sentiment que les rails étaient posés. Qu’on aurait pu continuer à proposer la même chose et que ça aurait été très bien comme ça pour tout le monde. Mais ce n’était pas ce qu’on voulait. Je pense qu’il faut constamment prendre des risques. On avait déjà agi de la sorte avec notre deuxième album. Il faut être ouvert au changement. Et je pense que les gens le sont tant que tu ne leur vends pas quelque chose d’ennuyeux. Le plus important est de croire en ce que tu fais.« 

Changer de chemin et bousculer la feuille de route, c’est une chose. Encore faut-il trouver sa voie et les nouvelles directions à emprunter. « Je pense que plusieurs facteurs ont joué. On voulait changer la donne pour nous. Et on s’est mis à écouter d’autres choses. Je pense à Korn, à Outkast (la bio renseigne aussi Mos Def, Shygirl, Sega Bodega et le rappeur d’Harlem ASAP Ferg…, NDLR). On voulait proposer un truc qui nous excite. Le post-punk qu’on écoutait depuis des années avait fini par nous fatiguer. La musique s’était mise à ressembler à du boulot pour être honnête. C’est toujours de la bonne musique. Mais quand tu passes ton été en festival et que tu es entouré par tous ces groupes, tu n’as pas envie de t’échapper en écoutant Idles au casque alors qu’Idles est en train de jouer dehors.« 


Les premières notes du disque et de la chanson qui lui a donné son nom ont beau évoquer Metallica (« le Black Album ou …And Justice for all alors« ), les Fontaines D.C. ne font pas plus du métal que du rap. « Je vois surtout Korn et Outkast comme des artistes intelligents. Ils ont eu le courage de prendre des décisions assez radicales en termes d’arrangements, de sons. Prends Roses, d’Outkast (il se met à chanter). Arrêter totalement la musique pendant une seconde est une perspective terrifiante pour un groupe. A fortiori pour des musiciens qui l’ont découverte en donnant des concerts. Tu veux toujours que la chanson avance. Dès qu’elle s’arrête, tu ressens comme une petite mort. Ou à tout le moins comme un moment de panique. Je pense à notre single Starbuster. Quand tout s’arrête et ralentit. Ça a été assez radical pour nous. Parce que quand tu ressens cette peur, tu dois te demander d’où elle vient.« 

L’euphorie et la tristesse

Pour mettre en boîte la bête, Fontaines D.C. a embauché James Ford, moitié de Simian Mobile Disco et producteur émérite à qui l’on doit notamment le Myths of the Near Future des Klaxons, The Age of the Understatement des Last Shadow Puppets, The Now Now de Gorillaz, plusieurs Depeche Mode et quasiment tous les Arctic Monkeys. « J’avais personnellement beaucoup aimé ce qu’il avait fait avec le groupe Crocodiles sur l’album Sleep Forever. James est un super producteur. On a bossé ensemble pendant deux jours durant l’été dernier. On a planché sur Favourite et Motorcycle Boy pour voir comment ça se passait. Et il a été aussi rapide qu’efficace. Ça n’a pas aussi vite flashé en termes de personnalité qu’avec Dan Carey. Mais il y a d’autres facteurs qui entrent en ligne de compte. On a voulu opérer un virage radical et tout changer en même temps. Le label (ils sont passés de Partisan à XL Recordings, NDLR), le producteur, l’esthétique.« 

Les Irlandais sont entrés en contact avec le bonhomme grâce aux Arctic Monkeys. Ils ont tourné aux États-Unis ensemble l’été dernier et partagent le même manager depuis quatre ou cinq ans. « Depuis 2019, je dirais. Mais on ne les connaissait pas vraiment. J’avais juste rencontré leur batteur Matt Helders dans un bar à Los Angeles lorsqu’il y habitait. C’est peut-être encore le cas maintenant. On n’a vraiment eu aucun échange avant 2022 peut-être, quand on a fait le circuit des festivals en même temps. Je pense que notre manager essayait de les convaincre de nous embarquer avec eux sur les routes depuis un bout de temps.« 

Les lignes ont bougé. Ces dernières années, Grian Chatten a sorti un remarquable album solo. Carlos O’Connell (guitare) a eu un enfant et travaillé sur le nouveau Peter Perrett des Only Ones comme Johnny Marr et Bobby Gillespie. Tom Coll a joué de la batterie avec Arlo Parks. Tandis que Conor Curley (guitare) s’est aménagé un petit studio de musique à Londres. En tournée, ils seront accompagnés par Chilli Jesson (ex-Palma Violets). Après leur passage au Pukkelpop, ils seront d’ailleurs sur la scène de Forest National le 15 novembre prochain.

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Ambitieux, tantôt calme tantôt anxieux, truffé de ballades mais équilibré (avec des clins d’œil aux Beatles, à The Cure, au shoegaze), Romance est le premier album de Fontaines D.C. sur lequel Grian aime sa propre voix. L’euphorie et la tristesse ont été deux des principaux moteurs du disque. Les Irlandais sont-ils dépressifs ou bien est-ce le monde qui est déprimant? « Il est compliqué de répondre à cette question. Je suppose que la dépression est un sentiment qui vient de l’intérieur. Mais il est lié à des choses qu’on vit, des choses dont on fait l’expérience. Je ne suis pas mon bonheur. Je ne suis pas ma tristesse. Je suis leur spectateur. C’est une chose à laquelle j’ai pas mal pensé en réfléchissant autour de ma santé mentale. Est-ce que le monde est déprimant? Oui. Mais je ne suis pas en train de te dire que je suis déprimé. Je suis heureux. Et j’y travaille. Il y a des guerres, des génocides qui ont lieu pour l’instant. Mais ça ne veut pas dire qu’on doit se laisser submerger par les émotions. Il s’agit surtout de réfléchir à ce qu’on peut faire pour infléchir ces scénarios.« 

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