Leonard Cohen, poète mélancolique, symbole d’une jeunesse dorée
Le musicien canadien Leonard Cohen, décédé à l’âge de 82 ans, a marqué de son empreinte mélancolique une génération post-soixante huitarde bercée par sa voix grave posée sur des balades souvent noires mais romantiques à souhait.
Plusieurs générations ont ensuite fredonné et dansé langoureusement sur ses titres les plus célèbres. « Suzanne » ou « So Long Marianne » illustrent, en 1967, un premier recueil de chansons marquées par le mal être ou le dépit amoureux.
Son album suivant, deux ans après, est à la fois marqué d’influence country avec « Bird on the Wire » (l’un de ses plus grands succès et repris par de nombreux artistes comme Johnny Cash ou Joe Cocker), mais aussi de titres plus sombres. « The Partisan », adaptation de « La Complainte du Partisan » ou « Seems so long ago, Nancy » reflètent cette noirceur.
Né le 21 septembre 1934 dans une famille juive aisée de Montréal, Leonard Cohen se consacre dès ses années étudiantes à la poésie. Il publie quelques recueils de poèmes, se risque au style romancier, tout en étant installé à Londres et sur l’île d’Hydra en Grèce.
Sa poésie restant trop confidentielle et loin de lui procurer l’argent nécessaire, Cohen va mettre en musique son talent d’écriture et, une fois à New York, démarre avec succès sa carrière d’auteur-compositeur au milieu des années 60.
Ses premiers albums se succèdent à un rythme régulier, sans réelle évolution du style avec les paroles égrenées d’une voix profonde, parfois dans un murmure, et une orchestration assistée de synthétiseurs et accompagnée régulièrement de choeurs féminins.
Dans ses chansons, Leonard Cohen balade sa déprime comme son spiritualisme et, plus tardivement, des idées de justice sociale.
Dans son album « Various Positions », moins abouti, Cohen signe en 1984 le titre « Hallelujah » au prix de trois ans d’efforts et près d’une centaine d’esquisses.
Le compositeur, désespéré, a même été retrouvé en caleçon dans sa chambre d’hôtel à se frapper la tête sur le plancher, mentionne le journaliste musical Alan Light dans un livre consacré à ce titre phare de l’oeuvre de Cohen.
« Hallelujah » trouve finalement son succès commercial près de deux décennies plus tard avec la version de Jeff Buckley, mort avant de voir l’immense vague d’engouement autour de ce titre au coeur des années 2000, et repris sur les bandes originales de films ou de séries télévisées.
C’est avec l’opus « I’m your man » que Cohen tente, en 1988, de rompre avec la mélancolie persistante grâce à des sons et des arrangements plus modernes. Il dédie l’album à la photographe de mode française Dominique Isserman, sa compagne à l’époque.
Peu après, le spiritualisme l’emporte et Leonard Cohen disparaît de la scène et de la production musicale. Sa religion juive est imprimée dans ses paroles, religion à laquelle il est resté attaché tout en se réfugiant dans le bouddhisme comme d’autres artistes des années 70, poussant même son mysticisme à devenir moine en 1996 et se réfugier dans un monastère californien.
C’est aussi pendant ses années d’oubli qu’il est victime d’un aigrefin en la personne de son impresario qui, profitant de sa relative absence, détourne la quasi-totalité de sa fortune. Elle sera condamnée à lui restituer quelques millions de dollars au milieu des années 2000, période qui correspond à la renaissance de l’artiste soudain apprécié par une nouvelle génération.
Honoré d’un Grammy pour l’ensemble de sa carrière en 2010 et bardé de nombreux prix ou décorations, Cohen est resté créatif avec un 12e album en 2012, salué par la critique et le public en restant plusieurs semaines parmi les meilleures ventes.
Succès aussi pour son 13e album « Problèmes populaires » sorti le jour de ses 80 ans avec un ton soudainement plus optimiste au crépuscule de sa vie: « Tu me fais chanter/Même si tout semble sombre/Tu me fais chanter/l’Alleluia comme un hymne« .
La mort hante cependant son 14e et dernier album, sorti le 21 octobre, quelques mois après le décès en juillet de sa muse Marianne Ihlen, amoureuse rendue célèbre par le titre « So Long Marianne » (1967).
De sa voix plus rauque et sombre que jamais, il se dit prêt au dernier voyage: « Hineni, hineni, My Lord » (Me voici mon Dieu, en hébreu).
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici