Leçon de techno avec Laurent Garnier
Laurent Garnier, pape de la techno française, a accordé une longue interview à nos confrères de L’Express. Il y a notamment abordé une définition du courant électronique, sa perception aujourd’hui et son innovation. Morceaux choisis.
Laurent Garnier, 48 ans, est une fameuse référence musicale. Même si sa sacro-sainte parole a déjà été relativisée, le Boulonnais peut se targuer d’être à la fois fondateur et directeur du feu label F Communications, premier gagnant des Victoires de la musique dans la catégorie Musique électronique en 1998, auteur de cinq albums studio… et bien plus encore. Discussion toute personnelle de son opinion sur la techno.
La techno, c’est quoi?
« Il est très compliqué de donner une définition. Le mot « techno » est un sac qui englobe trop de sonorités. Il faut rester prudent pour ne pas être réducteur. À ses origines, à Detroit, dans les années 1980, la techno était une musique synthétique créée avec des machines dans le but de faire danser. Le concept est plutôt basique et hédoniste. Instrumentale, elle n’a pas vocation comme le rap, par exemple, à traiter des problèmes des quartiers. Si les machines sont privilégiées, elles ne sont pas exclusives. Par exemple, le saxophone est au coeur de mon tube The Man with the Red Face. La techno est une suite logique du jazz. Comme lui, elle est une forme de liberté, d’expression et d’expérimentation, éloignée des formatages radiophoniques. Quant aux amalgames sur les drogues, j’ai renoncé à m’énerver contre ces raccourcis ridicules. La drogue a toujours été liée au monde de la nuit et de la fête. Pourquoi stigmatiser la techno? Est-ce que, pendant le Festival de Cannes, on parle de la consommation de cocaïne? Non, on parle de cinéma. »
Une perception actuelle de la tendance
« Même si elle est devenue une institution comme le rock ou le hip hop, les a priori et les méconnaissances sont encore nombreux. Une partie de la population considère toujours la techno comme une musique de drogués et d’idiots. Le terme « musique électronique » est plus employé. Il fait moins peur. Il est moins radical, politiquement correct. La scène techno a un problème: elle ne compte pas beaucoup d’acteurs connus du grand public. David Guetta représente-t-il le monde de la techno? Non, il produit de l’electronic dance music, un style pop et commercial pour les enfants. Mon fils de 10 ans en écoute avec ses copains. Pour eux, le plus grand DJ du monde, c’est Martin Garrix. Le garçon a 17 ans, et ce sont ses parents qui l’emmènent à ses concerts. »
La techno, « dernière révolution musicale du XXe siècle »?
« Quand on regarde l’histoire récente de la musique, on constate qu’une nouvelle forme surgit tous les dix ou quinze ans. Or, depuis trente ans, il ne s’est rien passé de comparable au rock dans les années 1950, à la musique psychédélique dans les années 1960, au disco dans les années 1970 ou à la techno dans les années 1980. Certes, les styles ont évolué; le rock et le hip-hop ont notamment intégré les instruments de la musique électronique. Mais pas de véritable révolution. Ce qui est plutôt triste. Un jeune de 18 ans écoute la même musique que moi à 20 ans. Autre constat: ce qu’on définit aujourd’hui comme underground dans l’électro est très proche des débuts de la techno. D’ailleurs, on réutilise les machines de l’époque ».
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