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Le nouvel album des Limiñanas fait place aux invités: «Il n’y a pas de raison de laisser les collabs aux mondes du jazz et du hip-hop»
Entre leur participation au dernier Brigitte Fontaine et une flopée de B.O., les Limiñanas ont trouvé le temps d’enregistrer Faded. Un album inspiré par le sort cruel réservé aux femmes dans le cinéma, sur lequel se promènent Bertrand Belin, Rover, Bobby Gillespie et Jon Spencer.
Depuis qu’ils se sont fait embaucher par Pierre Creton pour la bande originale du Bel Eté, débouchant presque par hasard sur un morceau avec Etienne Daho, les Limiñanas n’ont cessé de composer des musiques de films et de documentaires. Qu’ils soient de gangsters (The World We Knew) ou à sketches (Heureux Gagnants), consacrés à l’actrice de Gorge profonde Linda Lovelace (The Ballad of Linda L.) ou à la Dame de fer (Thatcher’s Not Dead). Le psychédélisme des Perpignanais va bien au septième art. Et ils sont de leur propre aveu des grands fans de cinéma. «On est des gros, gros consommateurs avec Marie et mon fils. On mate des films tout le temps, explique Lionel. Ça va des nanars aux grands classiques. Le cinéma des années 1980. Celui de John Carpenter, de Steven Spielberg, de John Landis. Les comédies italiennes, les grands mythes hollywoodiens… On est des cinéphages, en fait. Pas des cinéphiles. Le cinéma est mon antidépresseur. Il me fait du bien. D’ailleurs Marie pète un plomb parce que j’ai rempli une pièce entière de la maison avec des DVD à 30 centimes. Comme un vieux con, j’ai recommencé à les classer. Je me suis même fait un coin Steven Seagal.»
Faded, le nouvel album tout beau tout frais des Limiñanas, est lui aussi lié au cinéma. C’est un hommage à ses stars déchues, à ses comédiennes oubliées. «C’est pas du tout un concept album ou un projet prétentieux. On a juste commencé à bosser sur la musique et à imaginer ce que les textes pourraient raconter. Parce qu’on les a beaucoup confiés à des invités. Sans rentrer dans les détails, c’était une période un peu sombre pour des raisons personnelles. Je réécoutais le morceau New Age du Velvet Underground. Et j’ai réalisé que toutes ces femmes du cinéma que j’adorais, elles disparaissaient tout le temps. Leur biographies s’arrêtaient subitement.»
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L’envers du décor
Lionel et Marie n’ont pas énormément parlé cinéma avec leurs guests. Mais ils les ont briefés sur l’aspect mélancolique et dark de leur disque. «Quand on lit des bouquins sur le nouvel Hollywood, Kenneth Anger et ce genre de trucs, on est surpris par l’envers du décor. Un gamin lambda qui regarde un film de Marilyn ne peut pas imaginer l’enfer qu’étaient sa vie et les studios de l’époque. L’attitude des producteurs. La cruauté aussi de l’abandon complet dont elles étaient victimes en vieillissant. Notre pote David m’a appelé en me disant: « mais putain, The Substance, c’est votre disque en film. » Il y a de ça. Le Portrait de Dorian Gray. La recherche de la jeunesse éternelle.» Lionel évite soigneusement de citer des noms. «C’est plutôt l’inverse qu’il faudrait se demander. Quelles sont celles qui ont survécu et n’ont pas été défigurées par la chirurgie? Après, ce que je raconte, c’est notre tambouille pour monter l’album. Je suis curieux de ce que ça va évoquer chez les gens.»
Outre leur pote Bertrand Belin, les Limiñanas ont embauché du lourd pour les aider à mettre Faded en boîte. «Il n’y a pas de raison de laisser les collabs aux mondes du jazz et du hip-hop. Puis, ce qu’on ne voulait pas, c’était faire un disque juste Marie et moi. Ça nous lasse. On a laissé à chacun des invités la liberté de faire ce qu’il avait envie. C’est ce qui est vraiment excitant et cool quand on distribue les rôles comme dans un casting de film. Découvrir ce que les gens vont en faire.»
Ce n’est jamais prémédité. Il y a toujours eu des invités sur nos disques. Sauf qu’avant c’était une voisine.
Lionel Limiñanas
Faded s’offre des chansons avec Rover, Jon Spencer, Anna Jean ou encore Bobby Gillespie. «Ce n’est jamais prémédité. Il y a toujours eu des invités sur nos disques. Sauf qu’avant c’était une voisine. Quand j’étais disquaire et que j’entendais une fille avec une super voix dans le couloir, j’appelais Marie. On prenait un café et on l’enregistrait.» Les Limi adorent Gillespie depuis qu’il a été le batteur de The Jesus and Mary Chain. «Je ne connais pas tout Primal Scream mais il m’a mis quelques gifles. Dans le temps, il avait dit du bien de nous dans Mojo. Des trucs drôles, à l’anglaise. Genre: « c’est facile d’être cool quand on fait chanter une fille en français »…»
Les Liminanas sont aussi de vieux fans de Jon Spencer. A l’époque où ils organisaient des concerts de garage, à la fin des années 1990, il était déjà inaccessible. «On n’avait pas le budget pour le faire jouer mais on allait le voir à Montpellier. Ici, on nous a mis en contact. On a procédé comme d’hab. On a fait un zoom. On a discuté. Ça l’intéressait. On lui a envoyé deux instrumentaux en lui demandant d’en choisir un et il a bossé les deux.»
Le studio perso des Limiñanas
Les Limiñanas ont un studio chez eux, à Cabestany. Lionel se lève à 4 ou 5 heures du matin tous les jours. «C’est pas que je trouve ça intéressant, c’est que mon système est foutu comme ça.» L’année dernière, ils ont fait trois musiques de films, le disque des Limi et le Brigitte Fontaine. «A la fin de l’été, je n’avais plus d’acouphènes., j’avais les oreilles qui craquaient à l’intérieur. J’ai dû arrêter pendant quinze jours parce que ça fumait.»
Les Perpignanais n’étaient de leur propre aveu pas les plus grands experts de Brigitte Fontaine. «On connaissait son travail, et je me souviens de la femme qui venait dans les émissions de télé et qui foutait la merde. Un peu comme Gainsbourg quand j’étais gosse. Mais on n’est pas des vrais fans. Et ça nous a sauvés. La pression aurait été trop grande. Je voulais faire un disque dont elle puisse être fière. Revenir à un truc plus radical comme à ses débuts et la confronter à l’instrumentarium de Suicide. J’ai utilisé des orgues qui génèrent des sons graves et un peu vénères que j’ai aussi foutus dans les morceaux de Faded avec Jon Spencer.»
Lionel raconte que le mari de Brigitte, Areski, passé travailler chez eux, leur a préparé un incroyable couscous et s’est bien marré devant Le Flic de Beverly Hills. Que ses collaborations avec David Menke pour le cinéma ont marqué leur nouvel album. «David m’a fait bosser avec des instruments que je n’utilisais pas spécialement auparavant. Je me suis intéressé à d’autres sons, avec des outils plus électroniques. Et tout ça s’est mélangé. On est également devenus copains avec Keith Streng, des Fleshtones. Et quand il passait à la maison, il me faisait des guitares.» La pochette est inspirée par le film d’horreur Les Yeux sans visage, de Georges Franju. L’histoire d’un père qui enlevait des femmes et leur tailladait le visage pour réparer celui de sa fille après un accident de la circulation. «Ça m’avait terrifié quand j’étais gosse.»
The Liminañans, le 11 avril à l’Aéronef, à Lille, et le 17 avril à l’AB, à Bruxelles.
ROCK
The LimiñanasFaded
Distribué par Because.
La cote de Focus: 4/5
Casting international de premier choix pour le nouvel album des Limiñanas. Les champions du psychédélisme français et au-delà ont invité des potes (Bertrand Belin, Pascal Comelade), des artistes (Jon Spencer, Bobby Gillespie) et des chansons (Louie Louie de Richard Berry, Où va la chance de Françoise Hardy, à l’origine écrite et composée par Phil Ochs) qui leur sont chers pour élaborer ce disque polyglotte qui rend hommage aux actrices de cinéma. L’irrésistible J’adore le monde fomenté avec Belin et le magnifique Catherine fabriqué avec Anna Jean, la chanteuse de Juniore, tutoient les étoiles. Le givré Space Baby avec le boss du Blues Explosion rampe dans les bas-fonds. Là où Faded, la chanson titre interprétée par Penny, semble sortir tout droit des années 1960 et du studio de Phil Spector. Un joli plateau.
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