Le documentaire « Une autre histoire du rap français » dévoilé sur YouTube
C’était il y a 8 mois, le film documentaire Un jour peut-être, une autre histoire du rap français sortait en VOD sur Canalplay et est désormais disponible sur YouTube. Cette production indépendante a rencontré plusieurs difficultés et c’est le rappeur Fuzati qui s’y est opposé en premier.
« Ils sont trois sur ce projet; le cinéaste Romain Quirot, le journaliste Antoine Jaunin et François Recordier, un passionné de rap. Ensemble ils ont eu l’ambition de raconter « une autre histoire du rap français », celle de TTC, des Svinkels, de Grems, de La Caution ou du Klub des Loosers. Un documentaire de 51 minutes, narré uniquement par les rappeurs avec extraits de lives, de clips et interviews de professionnels de la musique.
C’est un projet inédit qui est né il y a 3 ans. Initialement tourné pour le vendre aux chaînes de télévision, le documentaire n’a pourtant séduit aucun programmateur, comme l’écrivent les auteurs sur leur page Facebook. Finalement c’est le 25 janvier 2015 qu’il est mis en ligne sur Canalplay, le service VOD de Canal +. Deux semaines après, il est premier sur la plateforme de téléchargement. « Pour un documentaire qui a mis aussi longtemps à trouver preneur, c’est une belle revanche », expliquent ses créateurs.
Fuzati s’oppose à la sortie du documentaire
Après l’échec de la diffusion pour un média grand public c’est au rappeur français Fuzati – membre du Klub des 7 et toujours masqué – de freiner la sortie du film. La première version présentée ne lui convient pas. Il dénonce un montage ambigu et des pratiques journalistiques à la limite de l’éthique.
Les trois hommes à l’initiative du projet y voient une nouvelle attaque personnelle et publient alors un long pamphlet à l’encontre du rappeur. Adressé directement à Fuzati, la lettre dénonce comment il a, selon eux, signé « l’arrêt de mort » du projet. « Tu es le seul artiste qui nous a demandé des modifications du film suite à certains propos tenus que tu n’assumais plus. Modifications que nous avons faites pour ton bon plaisir. Pourtant, ça ne t’a pas suffi. (…) Tu as coulé le Klub des 7, tu coules aujourd’hui le seul documentaire qui s’intéressait à ton histoire. »
C’est après cette attaque publique que le rappeur a répondu sur sa page Facebook. Rappelant qu’ils ont « essayé de me filmer en scred sans mon masque », il continue sur le même ton interpersonnel que la lettre précédente. « Vous semblez plus intéressés par « les embrouilles du Klub des 7″ que par autre chose, (…) vous m’envoyez un première version du documentaire avec des montages qui dénaturent complètement mes propos, (…) faudrait peut-être pas trop s’étonner qu’à un moment j’ai envie de ne plus rien avoir à faire avec votre projet. » Fuzati termine par autoriser les réalisateurs à mettre le documentaire tel quel sur YouTube précisant qu’il doit s’agir d’une démarche gratuite. Dénonçant au passage la sortie en VOD du documentaire « sans même prendre la peine de nous contacter avant (…) pour gérer l’utilisation commerciale que vous faites de mes morceaux », et la demande de financement de leur DVD sur une plateforme participative. Les réalisateurs avaient promis de mettre « le documentaire gratuitement sur YouTube quand les frais engagés pour les droits musicaux de tous les artistes (pas que ceux de Fuzati) seront remboursés ». C’est chose faite et le film est déjà à plus de 18.000 vues en une semaine.
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Film complet à retrouver plus bas.
Un documentaire confus
À travers leur film, on comprend la démarche sincère des trois réalisateurs, et leur envie de capter des témoignages poignants des chanteurs, d’obtenir des moments uniques. D’ailleurs, on ne peut que saluer l’intervention des rappeurs, leurs mots cash et sans détours. Ce sont des paroles sans nostalgie ni rancune d’une époque qui leur a plu et qui aujourd’hui voit naître la relève. Même si certains paraissent plus déçus de ce qu’ils sont devenus, ce sont des mots qui viennent du coeur avec une célébrité passée que chacun gère à sa manière. Ce sont clairement Gérard Baste et James Delleck qui portent le film, grâce notamment à leur analyse du sujet, leur lucidité et le recul qu’ils ont aujourd’hui sur cette génération d’initiateurs d’un certain mouvement hip-hop.
Pour autant, le documentaire pêche cruellement sur la narration. Il n’y a pas un seul repère chronologique, pas une seule donnée chiffrée pour se rendre compte du phénomène ou ne serait-ce que le contextualiser. Le choix de raconter le rap à travers les témoignages des rappeurs manque de justesse. Comme dans tout témoignage, aussi sincère soit-il, il y a sa part de connaissance, de souvenir, parfois de petit mensonge caché, ou de vérité embellie. En opposant différents témoignages, les réalisateurs pensaient sans doute recouper les expériences et ainsi montrer le contexte ou peut-être même amener le spectateur à se faire sa propre idée mais c’est raté. On ne voit que des émotions mises bout à bout et un crêpage de chignon sans profondeur et guidé par le montage, entre Orelsan et Fuzati, où chacun défend ses intérêts avec ses arguments.
Difficile aussi de savoir à quel public s’adresse le film. Pour les amateurs de rap et de hip-hop, pas sûr qu’ils apprennent d’avantage que ce qu’ils savaient déjà. Simplement l’envers du décor, les backstages et la philosophie des artistes. Pour les initiés, c’est pire. Tout le début du reportage est confus, personne n’est présenté, contextualisé, un simple bandeau pour se rappeler des noms et faire le rapprochement avec tous les autres membres d’un même groupe. Pendant 30 minutes, c’est la guerre. Sans aucune date, impossible de se repérer. C’est enfin audible au Ve acte du film.
Bonne tentative de crédibiliser le documentaire avec l’intervention d’Olivier Cachin, journaliste spécialiste du rap français, qui apporte de la matière. Mais dans ce documentaire,on ne retient finalement que quelques états d’âmes…
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