Face A, Slowthai découpe, détaille et ventile façon puzzle. Face B, Tyron préfère s’épancher et se livrer, les blessures à vif.
Est-ce la secousse causée par le Brexit? Cela faisait en tout cas un petit moment que la scène musicale britannique n’avait pas été autant à la fête. De sa scène jazz bouillonnante -Moses Boyd, Nubya Garcia, Shabaka Hutchings, etc.-, au retour d’un rock à la fois furieux et inventif -Idles, Black Midi, Squid… Même les rappeurs américains lorgnent la UK drill. Dans ce contexte, Slowthai (lire aussi notre interview) est directement apparu comme l’une des principales têtes de gondole de cette nouvelle « British invasion ». Avec la gueule de l’emploi: dégaine de hooligan, attitude de bouledogue teigneux, goût de la provoc’. Mais aussi un charisme et une gouaille susceptible de plaire au-delà des terres d’Albion. En 2019, on retrouvait tout cela sur son premier album, Nothing Great About Britain. Un joli succès qui l’amènera encore à collaborer avec les Américains Tyler, The Creator et Brockhampton, ou à prester sur le premier single du dernier Gorillaz en date, Momentary Bliss.
Deux ans plus tard, Tyron -le véritable prénom de Frampton (Northampton, 1994)- reste aussi tranchant. Le succès aurait pu un peu émousser l’intensité de la démarche. Mais Slowthai ne feint pas, gardant le même engagement. Avec ce deuxième album, il apporte cependant aussi de nouvelles couleurs, plus personnelles.
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« Je sais que j’évolue dans un marché qui est orienté sur les singles. Mais je m’en fous. J’ai envie de proposer de véritables albums, qui ne reposent pas sur un seul hit un peu gogol« , explique Slowthai. Tyron est donc conçu comme un tout, avec deux parties clairement distinctes, de sept tracks chacune. À l’image du morceau d’ouverture, l’étouffant SMOKE, les titres de la première s’écrivent en Caps lock et jouent l’attaque. De l’ambiance claustrophobe de VEX aux ruminations expéditives de WOT, Slowthai grince et rince l’auditeur avec son flow vinaigré. Face B, le rappeur prend davantage le temps de se poser et de dévoiler des côtés plus intimes.
Ce n’est pas la première fois que l’énergumène baisse la garde -le clip de Ladies dans lequel il reprenait la célèbre pose de Lennon, se collant nu à Yoko Ono. Sur la seconde moitié de Tyron, il en fait cependant son fil rouge, sans que cela ne sonne jamais forcé. Chronique de la déprime (i tried), confession sur son hyperactivité (« my complexity, be the death of me » sur ADHD) ou désillusion amoureuse sur feel away -avec James Blake et Mount Kimbie, samplant Mariah Carey. Slowthai élargit sa palette sans que les premiers fans ne puissent jamais se sentir floués.
L’intéressé explique que la pandémie et l’isolement qu’elle a engendré, ont pu le pousser à davantage s’ouvrir. On peut imaginer que l’incident des derniers NME awards a aussi joué -venu chercher son prix de « héros de l’année », Slowthai avait titillé la comédienne Katherine Ryan, usant d’un humour douteux, sexiste même selon certains, l’amenant à s’excuser dès le lendemain sur Twitter. Un bad buzz « anecdotique« , relativise aujourd’hui Slowthai (dédouané d’ailleurs par Ryan). Peu importe au final. Le fait est que Tyron lui permet de facto de nuancer, sans rien perdre de son urgence.
Slowthai, « Tyron », distribué par Universal. ****
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