Critique | Musique

L’album de la semaine: SBTRKT – Wonder Where We Land

SBTRKT © Charlotte Rutherford
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

ÉLECTRO | Toujours planqué derrière son masque, Aaron Jerome, alias SBTRKT, affine sa soul électronique couleur bleu nuit. Grisant.

Avant même de se cacher derrière un masque, Aaron Jerome cherchait déjà la petite bête. Pour tout nom de scène, une collision de consonnes anguleuses, que les initiés étaient censés prononcer « substract ». Ce n’était pas forcément l’accroche la plus « vendeuse » pour un nouveau venu. Mais c’était la manière la plus adéquate que le Londonien avait trouvée pour monter à bord du train dubstep/UK funky, partageant notamment son goût pour l’anonymat et le mystère underground. En 2011, il sortait ainsi un premier album de soul urbaine, classieuse mais -c’est important- jamais précieuse. Aussi chaleureuse en tout cas que son image pouvait passer pour distante et désincarnée.

Réfugié derrière ses machines, Aaron Jerome ne prenait d’ailleurs jamais le micro, préférant le laisser à une flopée de camarades, comme Sampha ou Jessie Ware (l’un et l’autre largement inconnus à l’époque). Tapez encore aujourd’hui le nom de SBTRKT sur Google images, et neuf fois sur dix vous tomberez sur une photo de… Sampha. L’intéressé se marre: « Cela me va très bien! Personnellement, je n’ai jamais voulu lier le fait de faire de la pop music au principe de célébrité. » Comme à chaque fois, l’objectif est de maintenir l’attention sur la musique. En choisissant de se dissimuler non pas sous un casque de robot (…), mais derrière un masque traditionnel africain, SBTRKT y ajoutait une couche supplémentaire: l’idée d’une dance music, vue non pas uniquement comme matière à se tortiller, mais capable également de charrier un feeling plus intemporel. A kind of old soul feeling

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C’est encore le cas de Wonder Where We Land. Le second album de SBTRKT confirme la plupart des options du premier. Disque qui à défaut d’être toujours spectaculaire ou tranchant, déroule un groove capiteux rapidement addictif. Sampha et son phrasé r’n’b granuleux restent par exemple le pivot central de l’album -au point de n’être accompagné que par un piano sur l’interlude If It Happens. Il y a bien des nouveaux venus: le rappeur américain Raury est l’un de ceux qui s’intègrent le mieux, son débit-mitraillette faussement nonchalant visant dans le mille sur Higher. Vu le succès du premier album, le casting s’est également élargi à des noms plus « en vue », comme les rockeuses de Warpaint ou Ezra Koenig, chanteur de Vampire Weekend.

Les principes de base ne changent cependant pas. « J’ai toujours travaillé directement avec chacun des intervenants. Je sais que c’est très facile aujourd’hui de s’envoyer des fichiers par e-mail. Mais je voulais que chacun des morceaux soit rattaché à un endroit et à un moment particulier. Un peu comme pouvaient l’être les albums classiques de Pink Floyd, des Beatles ou de Radiohead. » La majorité du disque a ainsi été enregistrée dans un studio aménagé sur Osea Island, île inhabitée sur l’estuaire du Blackwater, au large de l’Essex, reliée par une seule route, régulièrement inondée. Atmosphère, atmosphère, pour un album qui n’en manque pas.

  • DISTRIBUÉ PAR YOUNG TURKS.
  • EN CONCERT LE 17/11, AU VOORUIT, GAND.

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