La musique de Dawn Richard et Spencer Zahn: “Du calme dans un monde rempli de bruit”
Album - Quiet in a World Full of Noise
Artiste - Dawn Richard & Spencer Zahn
Genre - Ambient
Label - Merge
Sur leur deuxième collaboration, Dawn Richard et Spencer Zahn atteignent des sommets d’émotion, soignant leurs traumas avec une musique en apesanteur, au croisement de la soul et de l’ambient.
Rarement un disque ne se sera tenu à ce point à son programme. Il est annoncé dès son titre. Pour leur deuxième collaboration, Dawn Richard -aventurière r’n’b multisonique– et Spencer Zahn -pianiste néoclassique sans œillère– livrent un album somptueusement méditatif. Une douzaine de morceaux éthérés, s’étirant au ralenti, chaque élément venant se poser délicatement sur les autres, tel des flocons sur un sol enneigé. Aux confins de la soul et de l’ambient, Quiet in a World Full of Noise est en effet une bulle de « calme dans un monde rempli de bruit ». Non pas une fuite du réel, mais bien un pas de côté, un acte quasi séditieux. A fortiori dans une époque tapageuse qui semble toujours plus proche du chaos.
Dawn Richard est « bien » placée pour le savoir. En septembre dernier, elle déposait plainte contre son ancien producteur Sean Combs, alias P. Diddy, pour, entre autres violences, agressions sexuelles, et proxénétisme. Elle rejoignait ainsi l’action de Cassie Ventura, l’ancienne compagne du mogul rap, et de plus d’une centaine d’autres femmes.
C’est en 2005 que Dawn Richard est remarquée lors de son audition pour le télécrochet américain Making the Band, organisé sous la houlette de P. Diddy. Dans la foulée, elle se retrouve signée sur le label Bad Boy de Sean Combs. Elle devient alors l’une des cinq membres du girls group Danity Kane. Après trois albums (dont un n°1 au Billboard), le quintet se délite. Et Dawn Richard de prendre enfin son envol, affirmant, disque après disque, une indépendance artistique toujours plus radicale.
Après l’orage
En 2022, un an après Second Line, son sixième album perso, elle sortait ainsi un premier projet de collaboration avec Spencer Zahn. Deux ans plus tard, le binôme se retrouve pour explorer un territoire musical encore plus dépouillé. Il prend forme avec les esquisses au piano de Zahn. Des improvisations que le musicien avait posées après une rupture amoureuse particulièrement douloureuse. Dawn Richard est venue y poser sa voix, elle-même lestée de ses propres traumas. Sur Life in Numbers, elle ne chante même presque plus, énumérant, au bord du murmure, ses angoisses -son père atteint d’un cancer- et blessures -son cousin Cisco, tué par balle.
Hormis les interventions des cordes du Budapest Film Orchestra, la trame musicale reste le plus souvent minimaliste. Avec le piano de Spencer Zahn flottant dans l’air, plus très loin de la rêverie jazz-ambient. Le tout formant un écrin épuré pour les tourments de Dawn Richard. À l’instar du morceau-titre, sur lequel elle prend le temps de détacher chaque syllabe de sa plainte soul -« I’ve been broken so many times »-, la voix trouvant l’équilibre parfait entre expressivité et retenue.
Avec ses paysages décharnés, Quiet in a World Full of Noise aurait pu facilement glisser dans la mélancolie un peu trop sombre. Au lieu de ça, il laisse malgré tout passer la lumière. Celle qui suit l’orage, et fait scintiller le sol rincé, redonnant espoir. Dawn Richard concluant même en toute fin: « It takes a lot to smile these days / But I’m gonna try »….
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