La formule d’O.: un sax, une batterie et de l’audace

Joe Henwood, moitié d’O.: "Quand tu 
te pointes avec une formule
batterie-saxophone, les gens n’ont pas particulièrement d’idée 
de comment tu dois sonner. 
C’est vraiment libérateur." 
 © Holly Whitaker
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Joe Henwood et Tash Keary réinventent la musique à danser avec un saxophone baryton, une batterie et un premier album 
de toutes les audaces.

O. Dans le genre compliqué à googler, difficile de trouver mieux que la quinzième lettre de l’alphabet. S’il est ardu de se faire un nom quand on en porte un comme le leur, Joe Henwood (31 ans) et Tash Keary (29 ans) ont plutôt bien tiré leur épingle du jeu. Eux qui avaient abandonné leur premier sobriquet (Toe) pour éviter toute confusion avec un groupe de post-rock japonais. « Le succès n’en est que plus savoureux, sourit Henwood. À l’ère de Spotify, des algorithmes et de toutes ces conneries, on soumet les gens à un petit challenge. Si tu nous a aimés sur scène, essaie maintenant de nous trouver sur Internet.« 

Inventif, irrésistible et décoiffant tandem londonien formé par une batteuse de Leicester et un saxophoniste d’Oxford, O. s’est fait repérer à coups de concerts incendiaires. « Ça nous a surpris, je dois dire, de voir à quelle vitesse les gens se mettaient à bouger et à danser sur ce qu’on proposait, explique Tash. On est bien conscients que c’est bizarre, que notre musique et notre dispositif sont étranges. Mais nos influences sont si fortes que les spectateurs trouvent des éléments familiers auxquels se raccrocher. »

Henwood et Keary ont commencé extrêmement jeunes, ont écouté beaucoup de rock et joué dans des groupes de jazz. Ils se sont rencontrés à Londres autour des chansons de Katie Moberly (Hover Fly). « J’aime beaucoup le jazz, reconnaît Joe. Mais on s’est précocement tous les deux intéressés à l’expérimentation, à l’idée d’écouter de la musique électronique et de la recréer avec des instruments acoustiques. Tash a beaucoup kiffé Radiohead par exemple. Je pense que ça s’entend. »

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Fan de Phil Selway et de Karriem Riggins, Keary a accompagné la rappeuse Shunaji, secondé la chanteuse néo soul Loucin et même évolué dans le groupe disco All Day Breakfast Cafe. Henwood, qui se revendique de peu de saxophonistes mis à part Pete ­Wareham (Melt Yourself Down), a surtout longtemps joué au sein de Nubiyan Twist. Il a grandi avec Rage Against The Machine et les Deftones. Il aime danser sur la jungle britannique, le dub et le reggae et affoler son saxophone baryton avec des pédales, de la distorsion, des filtres, de la reverb… « On essaie tous les deux de repousser les limites de ce qu’on peut faire avec le son de nos instruments. Ce n’est pas qu’une question d’effet, c’est aussi une question d’approche. »

« Quand on écrit une chanson, on est toujours au bord du précipice, remarque Tash. À la limite de ce qu’on peut réaliser physiquement. C’est très amusant. Mais quand tu donnes un concert et dois jouer dix morceaux d’une musique qui repousse les limites de ton corps, ça demande quand même de sacrés efforts. »

Moshpit et headbanging

Curieux, ouvert d’esprit et avide de découvertes, O. est plus proche de la communauté rock londonienne que de sa scène jazz. Il a d’ailleurs tourné avec le Gilla Band et Black Midi, dont il a notamment assuré la première partie au Botanique pendant la pandémie devant un public assis. « Black Midi nous a appris à jouer avec la musique, à être audacieux, explique Tash. Il nous a mis en confiance de manière à ce qu’on puisse devenir aussi étranges et bizarres qu’on le désirait. En matière de son mais aussi de poids. Gilla Band reste le groupe le plus lourd avec lequel on a joué. C’est pour moi un mur du son dansant. Grâce à eux, on a réalisé qu’on pouvait glisser des moments très bruitistes dans notre musique. Qu’on ne devait pas en avoir peur. »

O. privilégie l’instrumental: « Malheureusement, aucun de nous ne sait chanter ». © Jamie MacMillan

Le tandem y a proposé une résidence artistique intitulée O.zone. « On demandait à des amis, des artistes solo, parfois des membres de groupes, de venir jouer tout seul avant nous et puis de nous rejoindre pendant notre concert pour deux ou trois morceaux. » La tromboniste Rosie ­Turton, Tal Janes ou encore Edna sont passés par là. « On développait le groupe à l’époque et on est contents après toutes ces expérimentations d’avoir pu écrire des chansons. Elles peuvent avoir l’air improvisées mais elles ne le sont pas. Puis, comme on le fait remarquer à l’arrière de notre disque, tous les sons que tu entends sont produits par un kit de batterie et un saxophone. On vient de commencer notre voyage. On veut d’abord voir jusqu’où on peut aller tous les deux. »

Des paroles? « Malheureusement, aucun de nous ne sait chanter, rebondit Tash qui a étudié la littérature anglaise à l’université. On s’est demandé si on expérimentait avec nos voix. Ça arrivera peut-être un jour. J’aime les paroles et les messages derrière les chansons. Mais il y a aussi quelque chose de vraiment excitant au fait de rester purement instrumental. »

La musique du duo est puissante. Physique. « On aime beaucoup quand il y a des moshpits et quand les spectateurs font du headbanging. Parce qu’on sent le public en connexion avec notre colère. Elle est sans doute notre principal moteur, oui, mais de manière cathartique. La musique nous en libère. »

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Enregistré en deux semaines avec le sorcier Dan Carey dans son studio du sud de Londres, à ranger quelque part entre The Comet Is Coming et Party Dozen, WeirdO’s est un disque sombre, intense, entraînant, secoué, qui donne l’impression d’être à un de leurs concerts tel qu’ils le désiraient. Tash et Joe aiment lier les titres de leurs chansons à des expériences… Cosmo est le nom du chat de Dan Carey. « Il a mangé une plante et depuis il est dans une espèce de trip permanent. Il a l’air sous acide. C’est un chat cosmique. » Quant à Micro, il s’agit d’un clin d’œil au plus cool des festivals liégeois. « Ça reste l’un de mes concerts préférés dans tous ceux qu’on a pu donner. C’était notre première expérience sur une scène installée au beau milieu des spectateurs. Mais en plus de tout ça, son ambiance très particulière et amicale nous a marqués. Les gens étaient vraiment intéressés par la musique, ouverts à de nouvelles propositions. On en était encore à nos débuts. Ça a vraiment signifié quelque chose pour nous.« 

O., WeirdO’s ****, distribué par Speedy Wunderground/Pias.

En concert e 18/07 au festival de Dour, Le 17/09 à l’Aéronef (Lille) et le 25/09 au Witloof Bar (Botanique).

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