La Femme sort son premier album en anglais: “Chanter en français a ses limites”

La Femme part à l’assaut de l’international. © Laurent Chouard
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Après ses aventures espagnoles et ses chansons d’amour tropicales, La Femme renoue avec le rock et sort son premier album entièrement écrit en anglais.

Fin juin. Après-midi venteuse à Bruxelles. La Femme, tête d’affiche de la Fête de la Musique, termine son soundcheck quasiment sous l’arche du Cinquantenaire. Alors que la Ville Lumière s’apprête à accueillir les Jeux Olympiques, Sacha Got et Marlon Magnée viennent de sortir le single Ciao Paris! Il annonce avec un accent frenchie assumé façon Dominique « Dogs » Laboubée le premier disque des Français entièrement (ou presque) enregistré en anglais. L’interview est alors la première qu’ils donnent à son sujet, quasi étonnés qu’on l’ait déjà écouté. Après un album en espagnol et un EP hawaïen, les Parisiens d’adoption ont décidé de partir à l’assaut des charts anglo-saxons (en concert le 12/04 à l’OM de Liège et le 13/04 au Cirque royal). « J’ai parfois l’impression qu’il faut passer par là pour être considéré dans la cour des grands, commente Sacha. Chanter en français a ses limites mais c’est aussi comme ça qu’on s’est démarqués. La langue n’est pas spécialement un obstacle, en fait. On a quand même réussi à tourner dans plein de pays en utilisant la nôtre. En revanche, si tu veux avoir le succès des Strokes et de Tame Impala, c’est sans doute plus compliqué. Au début, tout le monde dans le milieu nous disait qu’il fallait chanter en anglais pour jouer à l’étranger. On a fait l’inverse et je pense que c’est justement ça qui a marché. »

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Loin d’être des businessmen de la musique, Magnée et Got ne feront jamais la couverture de Forbes. « La vraie raison, c’est que ces morceaux sont venus naturellement. Certains sont assez vieux. Comme sur tous nos albums en fait. On écrit et puis on essaie de regrouper par cohérence. Ca fait une collection thématique. Après, il y a un peu de tout dessus. Il y en a dans tous les styles. Disons que c’est quand même assez péchu. » Le tandem a décidé de partir sur les solos de guitare et de saxophone un peu gras à l’ancienne. Mode 70-80. « Le premier morceau est un truc ternaire en mode trucker. Une grosse autoroute… » Marlon passe par là. « Pour moi, c’est Michael Jackson qui rencontre Billy Idol et New Order.« 

Selon lui, un bon hit d’aujourd’hui ne vaut pas un tube des années 60 ou 80. « Il n’y a plus d’aussi grandes stars. Je pense qu’avec Internet et toutes les distractions qui nous sont offertes, on a moins le temps de travailler notre instrument et d’être fort. Puis, tu vois les goûts et les modes évoluer. Et là on est dans des trucs moins beaux. Même les bagnoles sont moins belles. Les mélodies sont moins fortes. Moins recherchées, souvent assez sommaires. Puis la prod est chiante. On est dans un truc de machine, de gagne-pain. Après c’est une question de style et d’esthétique. Nous, on est plutôt vintage dans nos refs. C’est quoi d’ailleurs les tubes de maintenant? The Weeknd? »

Sur Rock Machine, « un peu un grand foutoir, comme d’hab », il y a de la new wave, du Madchester, du The Mamas and The Papas, l’ancien batteur de la Fat White Family Dan Lyons qui a chanté sur pas mal de morceaux et les a aidés à corriger les paroles, ou encore la chanteuse Stella Le Page croisée aux côtés de Chilly Gonzales.

Les deux cocos évoquent AC/DC (I Believe in Rock and Roll), 2001: l’Odyssée de l’espace (White Night). Et, sympas avec la concurrence, ils signent même une chanson qui explique comment faire un tube (I’m Gonna Make a Hit). « C’est un peu une blague, ponctue Sacha. Il y a un mec de maison de disques qui dit qu’il y a trop de réverb’, que c’est trop lo-fi. C’est une chanson un peu méta sur les musiciens et les gens du milieu. Puis c’est aussi moquer l’appel au hit. »

Parenthèses

Les Français n’ont pas trop communiqué sur le sujet mais pendant environ un an, Sacha a pris congé du groupe, remplacé à la guitare par Alexis Lumière des Cavaliers… « J’avais besoin de faire un petit pas de côté. De prendre un petit peu de recul, de me changer les idées. C’est dur de tenir un groupe sur la durée. Ca faisait au moins une quinzaine d’années qu’on enchaînait. Toujours les uns sur les autres. J’avais besoin d’être un peu dans mon coin. »

D’habitude, sur un projet bicéphale comme La Femme, c’est synonyme au minimum de pause mais le groupe a continué les concerts. « Et ça a marché. On a beau être deux sur l’aspect production, on n’est pas vraiment identifiés sur scène comme les leaders. Il y a plein de chanteuses. Les musiciens ont beaucoup changé. Un des grands avantages du groupe, c’est qu’il tient surtout sur les morceaux. C’est pas comme si on était les Rolling Stones et qu’on avait besoin de Mick Jagger. Puis regarde AC/DC. Il avait perdu son chanteur et il en a trouvé un autre. Les Stranglers pareil. Et c’était toujours chanmé. »

Le plus compliqué a finalement été d’annoncer la parenthèse et de la mettre en place. « J’ai cogité longtemps avant de prendre cette décision. Parce que c’était assez lourd. C’est quand même un groupe que j’ai co-fondé. Ne pas être là, c’est quand même un truc. Marlon et Nunez voulaient continuer à tourner. Ce qui se défend et ce qui est compréhensible. On a trouvé un compromis. »

Sacha, qui a aussi rencontré quelques soucis d’oreille (« En plus comme je fais du surf, je me tapais des otites« ), devait penser à lui. « C’est important dans la vie, je crois, quand on sent qu’on arrive à ses limites, qu’on tombe dans le burn-out. Tout le monde peut ressentir la pression du travail, la pression de l’entreprise. Il faut se méfier. La vie, c’est aussi prendre soin de soi, de sa santé, notamment psychologique. Quand on se voit au bord du truc, il faut savoir s’écouter. Même si les gens autour te disent que non. Même s’il y a la pression, des questions de rendement, de profit. Tous ces trucs capitalistes… Faut savoir s’arrêter. Le plus important, c’est toi, ton cerveau. On n’a qu’une vie et elle passe vite. Ca a été un choix difficile. Mais je pense que c’était nécessaire pour moi et que ça a été une bonne chose pour le groupe. Je n’avais vraiment pas envie que ça pète en plein vol.« 

Sacha est parti faire un trip en bateau. Il s’est promené en Bulgarie sur les traces de sa famille, puis en Italie. « J’avais besoin de parler d’autre chose que du groupe. C’est toujours important et inspirant pour moi créativement de me retrouver seul, de voir d’autres choses, d’autres gens. Sinon, j’ai l’impression de tourner en rond. » Parallèlement à La Femme, il travaille actuellement avec Tentative, un groupe de new wave, post-punk parisien en français. Puis aussi un certain Étienne. « Ca va être chanmé. C’est un peu un mix entre Aznavour et Marilyn Manson. »

Rock Machine***, distribué par Pias

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