La chanteuse britannique Marianne Faithfull est morte à 78 ans
La chanteuse britannique Marianne Faithfull est décédée à l’âge de 78 ans, a fait savoir jeudi soir son porte-parole.
Égérie des Rolling Stones, Marianne Faithfull, décédée, jeudi, à 78 ans, a incarné le rock n’roll, du Swinging London aux scènes punk new-yorkaises, au fil d’une longue carrière ponctuée par ses éclipses et ses renaissances.
Sa voix, un mince filet clair dans « As tears go by » (1964) devenu dans « Broken English » (1979) un torrent grave puisé aux tréfonds de la défonce, était reconnaissable entre toutes: avec cette tessiture rocailleuse, elle exerçait un sortilège sur les nostalgiques du rock mélancolique et lettré.
Née le 29 décembre 1946 à Londres d’un père espion et d’une mère austro-hongroise descendante du baron von Sacher Masoch, elle avait survécu aux surdoses, au suicide, à la rue, à l’alcool, à un cancer et même au coronavirus qui l’avait contrainte à trois semaines d’hospitalisation à Londres.
À jamais associée à Mick Jagger dont elle partage la vie et les frasques à la fin des années 1960, cette Britannique à la psychologie fragile mais au tempérament de feu va se faire un nom courtisé par toute la jet-set. A 68 ans, elle posera même pour une campagne de pub d’Yves Saint Laurent.
En 1963, le producteur des Rolling Stones la croise dans un bar où elle chante des ballades. « J’ai rencontré un ange avec des gros seins et je l’ai signée », claironne alors Andrew Oldham. La timide blonde de 17 ans enregistre la première chanson de Keith Richards et Mick Jagger que leur producteur juge trop sentimentale. Avec « As tears go by », la jeune fille en fleurs entre au Top 10 britannique et fait tourner la tête des Stones.
Suivent « Come and Stay with me », « This Little Bird », « Summer Nights »: le succès fulgurant va l’entraîner dans un tourbillon de « sexe, drogues et rock n’roll ».
Compagne de Brian Jones, elle entame en 1966 une liaison avec Mick Jagger. Lorsqu’elle emménage avec lui à 19 ans, elle quitte un mari et un fils.
Elle l’initie au ballet, à l’opéra et à la littérature. Keats, Kerouac ou encore William Burroughs dont elle va appliquer à la lettre les expériences hallucinatoires du « Festin nu ». Elle lui fait découvrir « Le maître et Marguerite » de Boulgakov qui inspira plus tard au chanteur « Sympathy for the Devil ». « Il était comme un ado amouraché », raconte Keith Richards dans sa biographie.
La même année, Marianne Faithfull écrit « Sister Morphine »: censurée lorsqu’elle la chante, la chanson sera reprise en 1971 par le groupe dans l’album « Sticky Fingers ».
Le couple rebelle et bohème partage les gros titres avec Keith Richards et Anita Pallenberg. En 1967, Marianne Faithfull est arrêtée hagarde et nue sous une couverture lors d’une descente de police chez Keith Richards.
Dans le même temps, la scène artistique se l’arrache: Jean-Luc Godard la choisit pour « Made in USA » (1966) puis Michael Winner dans « Qu’arrivera-t-il après? » (1967) avec Orson Welles. Elle joue dans « Anna », une comédie musicale avec Serge Gainsbourg et donne la réplique à Glenda Jackson dans « Les trois soeurs » de Tchekhov à Londres. En 1969, moulée dans une combinaison de cuir noir, elle affole Alain Delon dans « La Motocyclette » de Jack Cardiff avant d’incarner « Ophélie » dans une mise en scène de Tony Richardson.
Dépendante à l’héroïne, elle touche le fond au début des années 70 avec la fin de sa liaison avec Mick Jagger, la perte de la garde de son fils et une tentative de suicide en Australie. Sans domicile, elle vit deux ans dans des squats à Soho à Londres.
En 1973, lorsqu’elle entonne « I’ve got you Babe », déguisée en nonne aux côtés de David Bowie, sa voix porte les stigmates de ses dérives. Six ans plus tard, elle sort « Broken English » qu’elle présente comme l’album de sa vie. « Ce que je dois faire avant de mourir, c’est montrer ce que j’ai dans le ventre. Dire qui je suis. »
L’album relance sa carrière mais installée à New York, elle replonge dans la drogue. Après une cure de désintoxication à la fin des années 80, elle se réinvente, inspirée par le cabaret allemand des années 30. Elle revient sur scène avec « L’Opéra de quat’sous » et « Les 7 péchés capitaux » de Bertold Brecht et Kurt Weill.
Elle joue dans l’opéra rock des Pink Floyd « The Wall » et sort de nouveaux albums en collaboration avec une multitude d’artistes (PJ Harvey, Nick Cave, Elton John, Metallica ou encore Étienne Daho).
En 2016, un an après les attentats, elle chante au Bataclan à Paris où elle vit alors, « They come at night ». Le single repris dans son dernier album « Negative Capability » (2018), est salué par la critique comme une méditation sur la perte et la solitude.
« Princesse, pute, rock star: je n’ai jamais vraiment fait cas du regard des autres. Je sais seulement que je suis une artiste vivante », lançait-elle en forme de défi en 1995.