Trente ans après son apogée, la Brit pop influence toujours la scène actuelle. Voici dix titres pour mieux comprendre un mouvement qui, de Blur à Oasis, a chamboulé le paysage rock des années 90
La Brit pop a trente ans. Et continue, sinon de faire l’actualité, en tout cas de faire des vagues – de la tournée de reformation d’Oasis aux nouveaux albums de Pulp, Suede, etc. Comment résumer un courant musical – qui n’en est pas vraiment un – en seulement dix morceaux? La tâche est évidemment impossible. Voici quand même une tentative, évidemment parcellaire, dont le premier biais est de ne sélectionner qu’un seul titre par groupe. L’intérêt? Eviter une sélection qui ne se braquerait que sur les big four – Oasis, Blur, Pulp, Suede. C’est parti!
10. Lush – Ladykillers
Les étiquettes sont faites pour être… enlevées. A ses débuts, Lush a ainsi été très vite rangé dans la catégorie shoegaze. Soit un courant dans lequel les mélodies sont noyées sous des parpaings de guitares et de larsens, portées par des musiciens qui préfèrent souvent regarder leurs pompes (d’où le néologisme « shoegaze ») que de faire le show. Formé à Londres, le groupe mixte – deux filles, deux garçons – va d’ailleurs signer sur 4AD, label connu pour ses humeurs cafardeuses.
En 96, le groupe mené par Miki Berenyi sort cependant Lovelife. Arrondissant légèrement les angles, le disque lorgne plus clairement sur l’instantanéité de la Brit pop – par exemple avec des singles comme Ladykillers, et incluant même un duo avec Jarvis ‘Pulp’ Cocker. Résultat : ce troisième album sera aussi leur plus gros succès commercial (mais aussi le dernier, le groupe se séparant après le suicide de leur batteur Chris Acland).
9. Cornershop – Brimful of Asha
Réponse anglaise au triomphe du grunge américain, la Brit pop a souvent été présentée comme un courant chauvin. Voire nationaliste ? Formé en 1991, à Leicester, Cornershop tire son nom des petites épiceries de quartier, tenues par des immigrés originaires d’Asie du Sud-Est. A la tête du groupe, on trouve ainsi le chanteur Tjinder Singh, né à Wolverhampton, de parents indiens. Avec Cornershop, Singh va complexifier un récit porté jusque-là essentiellement par des groupes de musiciens blancs. Notamment avec le tube Brimful of Asha, sorti en 1997. Mieux : grâce à son remix signé Fatboy Slim, Cornershop va faire le lien avec l’autre grand courant musical anglais de l’époque, tout aussi rassembleur : le big beat.
8. Manic Street Preachers – A Design For Life
Un an après la disparition (jamais résolue) de leur guitariste Ritchey Edwards, les Manic Street Preachers sortent leur 4e album, Everything Must Go. Carton commercial, il est notamment emmené par le tube A Design For Life. Une mélodie XXL typique de la Brit pop qui, sous ses grands effets, avait du mal à cacher sa critique acerbe du capitalisme.
7. Elastica – Waking Up
Après avoir fondé Suede avec Brett Anderson, Justine Frischmann lance Elastica en 1992, avec le batteur Justin Welch. Chaotique, gangréné notamment par les problèmes d’addiction de sa leader, le groupe ne sortira que deux albums, mais dont le premier connaîtra succès fulgurant. Alors en couple avec Damon Albarn, Frischmann affiche un cool et une morgue rock qui font mouche, comme sur le single Waking Up.
6. Supergrass – Alright
Alors que le Royaume-Uni sort officiellement de la récession, trois pieds nickelés forment Supergrass, à Oxford. Deux ans plus tard, en 1995, alors que la Brit pop est à son apogée, ils sortent leur premier album, I Should Coco. Un condensé de fulgurances rock irrésistibles, collectionnant les tubes aussi loufoques qu’hyperkinétiques. Dont le principal, Alright, deviendra en quelques sorte l’hymne euphorique d’une jeunesse anglaise qui, après les années de plomb de l’ère Thatcher, retrouve un peu d’espoir.
5. The Verve – Bitter Sweet Symphony
En 97, The Verve a déjà sorti deux albums. Mais ce n’est qu’avec Urban Hymns que le groupe de Richard Ashcroft va exploser les compteurs. Avec évidemment ce classique de la Brit pop et sa vidéo iconique : Bitter Sweet Symphony. Un titre tellement anglais qu’il ose même sampler l’un des plus grands groupes de l’Empire britannique : les Rolling Stones. La suite est connue : l’ex-manager de ces derniers, Allen Klein, poursuivra et condamnera The Verve en justice. Jusqu’à un nouvel accord en 2019 (10 ans après la mort de Klein), La Symphonie douce-amère sera ainsi crédité aux seuls noms de Mick Jagger et Keith Richards, privant The Verve du moindre centime sur ce qui reste encore et toujours son plus gros tube…
4. Suede – Animal Nitrate
Si la Brit Pop consiste essentiellement en la réactivation d’archétypes musicaux made in UK, alors Suede incarne en quelque sorte sa touche glam. Le groupe est emmené par Brett Anderson, dont la voix androgyne répond parfaitement aux riffs de guitare flamboyants de Bernard Butler. Comme sur Animal Nitrate, plus gros tube de leur premier album éponyme, classique dont l’intro à la guitare aurait été inspirée par – c’est le comble – le Smells Like Teen Spirit de Nirvana…
3. Pulp – Common People
Formé au début des années 80, Pulp mettra le temps avant de trouver le succès. Il faudra attendre l’album His ‘n’ Hers en 94, et surtout Different Class, un an plus tard, pour que le groupe triomphe (en octobre prochain, le disque aura d’ailleurs droit à une réédition à l’occasion de ses 30 ans). Sublimé par la plume sarcastique de Jarvis Cocker, le disque est notamment porté par le carton du single Common People. Critique jouissive de la gentrification et de la glamourisation de la culture prolétaire – « the stupid things that you do/because you think that poor is cool », grince Cocker -, le morceau est peut-être bien le chef-d’œuvre ultime de Pulp.
2. Blur – Girls & Boys
Si la Brit pop a autant marqué les esprits, c’est sans doute aussi à cause de son storytelling autour de la bataille entre Blur et Oasis. Trente ans plus tard, à l’occasion de la tournée de reformation de ces derniers, cet été, Damon Albarn a reconnu la victoire des frères Gallagher. Avec une pointe de sarcasme quand même ? C’est que si la question de savoir qui est le plus populaire des deux groupes peut être discutée, le débat sur l’ampleur des deux discographies est, lui, vite tranché : celle de Blur a une envergure qu’Oasis n’a jamais atteinte. Notamment sur la variété des styles abordés, dépassant largement le seul créneau de la Brit pop.
En attendant, en 1994, Blur y est plongé jusqu’au cou. Après le relatif échec commercial de Modern Life Is Rubbish, le groupe sort son blockbuster Parklife. Dont le fameux Girls & Boys, scie aussi neuneu qu’imparable, sur fond de vacances lubriques passées au soleil sur le continent. Le tout illustré par une pompe eurodisco et un riff qui feront du morceau le premier vrai hit massif du groupe.
1. Oasis – Supersonic
OK, Wonderwall est le plus gros hymne de la Brit pop. Bien sûr, Don’t Look Back In Anger est le plus beau copycat ever de John Lennon. Mais s’il y a malgré tout un titre qui devrait le mieux résumer l’arrogance et le caractère bravache d’Oasis – et donc de la scène indie rock britannique des années 90 -, c’est peut-être bien Supersonic. Tout premier single officiel des frères Gallagher, il est la parfaite illustration de l’ambition du groupe. Et d’un « mouvement » musical qui a davantage recyclé qu’innové. Résumant quelque 30 ans de rock, Oasis pioche autant dans les Beatles (les harmonies, la vidéo sur le toit) que dans le rock psyché seventies, les Who ou les Sex Pistols.