Album - Why Does the Earth Give Us People to Love?
Artiste - Kara Jackson
Genre - FOLK
Label - Rough Trade
Kara Jackson déconcerte avec ses musiques dédales et ses textes poétiques. Chroniques d’amour salées.
Si on est un peu franc -essayons-, quels sont les récents artistes anglo-saxons dont on a vraiment envie d’explorer les textes? Au-delà des bornes archi-classiques Dylan/Cohen ou du Jésus friendly, Nick Cave? Qui sait, côté francophone, ce que racontent les répertoires des myriades de groupes actuels, portant le plus souvent une attitude, une éventuelle niaque, une proclamation son, une image, qui obscurcissent l’éventualité de lyrics plus ou moins inspirés? Et qui s’en préoccupe vraiment? C’est là, que Kara Jackson déboule dans le champ sémantique.
Afro-Américaine de 23 ans qui, selon les photos, pose chaussée de santiags et couverte de tatouages, ou dans une cascade de dreadlocks bleues, avec lunettes rondes intellos. Probable que la fille de Chicago se fout des genres et catégories, mais pas de ce qu’elle écrit. Il faut entendre Dickhead Blues (le “blues du connard”) pour mesurer les parfums vénéneux de l’autrice, auréolée en 2019/2020 du titre de National Youth Poet Laureate. Juste un extrait, en nectar poivré: “My dilemma is always a dickhead/Who’s drunk on the daily news/Like coyotes in culottes/Clawin’ for coffee/In open toed shoes/I’m no longer amused by losers/Who find themselves losing me”. Pour ceux dont la langue anglaise a un coup de mou, disons que Kara rappelle le free talking dylanien. Mais en version femme contemporaine, forcément, et peut-être la façon dont le plus fameux des bardes misanthropes prenait plaisir à fabriquer des lyrics en matriochkas: une phrase en cache volontiers une autre.
Harrap’s friendly
Mais la configuration 2023 de Kara n’est forcément pas celle du Bob sixties. Si pas mal de titres de l’album traitent de l’amour, il n’y a pas grand-chose ici qui évoque, littéralement une chanson d’amour. Sauf peut-être l’inhérence d’une voix large et chaude qui fait penser à celle de Joni Mitchell, du genre naturellement douée. Au final? Un premier album de faux folk prenant la tangente cosmique, avec entre autres cordes, flûte, xylophone, piano, chœurs, banjo -ce dernier joué par Kara.
Musicalement, on coche forcément le lancinant Free, la plage titulaire extrêmement développée dans ses alambics. Ou encore le zazou No Fun/Party structuré autour de ce qui ressemble à l’enregistrement d’une vraie conversation. De ce beau-bizarre qui ne cesse de changer de tempo et d’arrangements au sein d’un même titre naît le sentiment de découvrir une proposition musicale à part. Vraiment. Où les mots ouvrent de curieuses portes et méritent de plonger dans son Harrap’s ou, plus simplement, d’explorer les saillies linguistiques de Kara, à portée d’Internet.
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