Joseph Mount (Metronomy): « Depuis que j’ai des enfants, j’ai un peu revu ma notion du temps »
Avec son nouvel album, Metronomy se perd joliment dans ses obsessions pop. C’est beau, un groupe qui tangue…
Ce qu’il y a de bien avec Joseph Mount, c’est qu’il ne fait pas semblant. Affable, bavard, la tête pensante de Metronomy -l’un des fleurons de la pop britannique de ces quinze dernières années- n’essaie pas de se faire passer, lui ou son groupe, pour plus important qu’il ne l’est. Il n’essaie même pas de (se) raconter d’histoire. Laquelle d’ailleurs? Celle d’un projet rattaché à ses débuts, un peu par erreur, à la mode nu-rave du milieu des années 2000 (remember les Klaxons? Late of the Pier?)? Ou encore celle d’un groupe qui a dû attendre son troisième album (l’intouchable The English Riviera, en 2011) pour vraiment rencontrer le grand public? La belle affaire. Non, à l’heure du storytelling triomphant, Metronomy n’a toujours aucune grande dramaturgie à vendre, aucun état d’âme personnel à confier -et c’est tant mieux, sa musique a toujours suffit.
Elle lui a ainsi permis de construire ce qui ressemble aujourd’hui à une vraie carrière. Le genre de chose qui peut éventuellement peser au moment de réfléchir à un sixième album -le tout nouveau Metronomy Forever? « Franchement non, sourit Joseph Mount. La musique est ma passion, la meilleure manière que j’ai trouvée de remplir mes journées. Mais la voir comme une responsabilité, s’inquiéter d’une « carrière » à honorer, c’est lui donner trop d’importance. » Il s’arrête, réfléchit deux secondes, et précise encore: « Je ne voudrais pas donner l’impression de m’en foutre (sourire) . Pour être clair, j’adore le processus: créer quelque chose à partir de rien, susciter des émotions avec un morceau de trois minutes, etc. Tout ça reste magique pour moi. Mais une fois que c’est lâché, c’est aux autres de l’apprécier, de se l’accaparer ou pas. Au risque d’être cliché, pour moi, le voyage reste plus important que la destination finale. »
Teenage dreams
C’est vrai que le nouveau Metronomy Forever a l’air de se préoccuper de tout, sauf de convaincre à tout prix. En fait, c’est même dans ces moments-là que l’album est le plus réussi -et pas forcément dans les tentatives de tubes catchy comme le single Salted Caramel Ice Cream.
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Au départ, le disque s’annonçait très « cadré ». Quelques contretemps ont légèrement fait évoluer le plan de travail. « Après l’album précédent Summer 08 (sorti en 2016, NDLR), qui ne devait être qu’une parenthèse, un geste très spontané et instantané, on pensait en effet enchaîner rapidement. » Qu’est-ce qui a alors entravé les plans de Joseph Mount et ses camarades -Anna Prior (batterie), Olugbenga Adelekan (basse), Oscar Cash (guitare, clavier) et Michael Lovett (guitare, clavier) ? « Oh, des raisons bêtement pratiques… » En gros, des changements de personnel au sein du label, et autres contrariétés business du même genre. Un mal pour un bien, en l’occurrence. « Je me suis rendu compte que l’album que j’avais commencé à écrire n’était pas aussi intéressant que prévu. Les atermoiements de la maison de disques m’ont permis d’y revenir, de le peaufiner davantage. »
C’est aussi le moment où Joseph Mount déménage, délaissant Paris pour la campagne du Kent. « Au départ, je pensais juste quitter la ville pour m’installer au vert. Mais ma copine m’a directement dit: « Si on quitte Paris, on quitte la France « » (rires) . Dans la « country » anglaise, les deux enfants du couple peuvent courir tant qu’ils veulent, tandis que Joseph Mount a désormais tout le loisir de s’enfermer dans le studio qu’il a monté au fond du jardin. « J’avais alors déjà composé une bonne moitié d’album. » Celle-ci est directe, va droit au but. La seconde sera plus flottante, élastique, songeuse. Avec du temps et de l’espace, l’esprit du musicien se met en effet à divaguer. « Depuis que j’ai des enfants, j’ai un peu revu ma notion du temps (sourire) . Auparavant, par exemple, quand je n’avais que cinq minutes pour attraper ma connexion de train, je stressais. J’étais certain de le louper. Aujourd’hui, je me rends compte que ce laps de temps n’est pas si bref que ça, que je peux faire plein de choses pendant ces quelques minutes… »
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Être concis, réussir à raconter une histoire en quelques mots, c’est précisément l’essence de la pop. Ce qui n’exclut jamais la complexité et les contrastes. « Bien sûr, la meilleure pop vient de cette collision entre le sucré et le salé, entre ce truc accrocheur et un fond très réel », explique celui qui a collaboré de près au dernier coup de maître de la superstar Robyn (Honey, sorti l’an dernier). « L’autre jour, je suis tombé sur cette chanson, Sweet but Psycho d’une chanteuse qui s’appelle Ava Max. Un tube énorme. Mais si vous regardez les paroles, c’est très bizarre, complètement bancal. Comment une chanson pareille peut plaire à autant de monde? Allez l’écouter, même si vous haïrez sûrement le morceau » (rires).
Plus que jamais, Metronomy cultive donc ses obsessions pop, zigzaguant entre tubes instantanés (Insecurity), polka synthétique (Walking in the Dark), rêverie électro quasi French Touch (Miracle Rooftop), ou dénuement mélancolique (Upset My Girlfriend). Il crée ainsi une bulle -la sienne- qui n’a pas besoin de commenter forcément le monde pour le refléter, à sa manière, volontiers pince-sans-rire – « ces morceaux sont malgré tout le produit de leur époque ».
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Avec un titre qui fait penser à une déclaration d’amour gravée sur un sac à dos de collégien, Metronomy Forever n’est ni dupe – « J’ai compris que « pour toujours » ne veut pas dire automatiquement « pour la vie » » -ni forcément rassuré- « j’arrive à un âge (36 ans, NDLR) où je me rapproche de plus en plus des gens qui sont en charge de pays entiers, ce qui est très flippant ». Il se contente juste de se balader sans but, mais pas sans talent, prenant un malin plaisir à se perdre pour toujours mieux se trouver.
Metronomy, Metronomy Forever, distr. Caroline. ***(*)
Le 19/10 à De Roma, Anvers.
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