Il y a 50 ans, Pink Floyd sortait « The Dark Side of the Moon »
L’ultra-classique The Dark Side of the Moon fête son cinquantième anniversaire via un coûteux et plantureux coffret. Rappelant combien l’album original de Pink Floyd établissait à sa sortie le règne d’une stéréo triomphante.
Printemps 1973, Bruxelles. Dans un salon ombragé aux tentures orange, sur une sono de qualité, on écoute en stéréo The Dark Side of the Moon. Avec les effets qui passent de gauche à droite et inversement. Impression de tournis, de bluff, de carrousel, d’ivresse consentie. Au casque, l’expérience est encore plus farouche, intense, “martienne”. Un sidéral voyage via une collection de dix morceaux -qui tutoie les 43 minutes. Pas seulement une série uni(qu)e de moments musicaux, mais un enchaînement de deux faces vinyles de cinq titres, qui s’écoutent en continuité, avec ou sans pétard. Devenus des standards, y compris de la stéréo.
Les tiroirs-caisses de Money, le chant orgasmique de The Great Gig in the Sky, et puis ces folles horloges de Time, sorties non pas de la banque de données du label EMI -dans laquelle les Beatles puisaient leurs sons- mais dûment enregistrées par l’ingé de l’album, Alan Parsons, chez un horloger. Le disque additionne bruits, drones, conversations et liaisons soniques, qui rompent avec le prog, le post-blues ou le glam de l’époque. Aux États-Unis, la compagnie de disque du Floyd trouve l’album “non radiophonique” et demande au groupe de reformater Money pour les ondes, qui deviendra finalement un tube nord-américain.
La mode est alors aux chaînes stéréo, devenues abordables pour le grand public. Pink Floyd explore les futurs morceaux de The Dark Side of the Moon, au moins une année avant la parution sur disque, via des concerts où il teste son nouveau répertoire. Avec le culot d’envoyer en live des titres inconnus reliés par des thèmes peu amènes. Aliénation, questionnement de l’apparence et de la célébrité, guerre et mort. Préoccupations toujours d’actualité évidemment. Résultat: l’album passera quatorze années dans les charts du Billboard US et s’est vendu à ce jour au-delà des 50 millions d’exemplaires.
Ping-pong
“Il faut imaginer qu’à une époque, bien avant le numérique, il s’agissait de couper les bandes manuellement et d’insérer les sons d’horloge ou autres, dans le morceau, au millimètre près pour que ça colle sur les 16 pistes alors disponibles. On peut considérer que c’était du sampling avant que celui-ci n’existe. Aujourd’hui, avec Pro Tools, c’est devenu un jeu d’enfants. Ce n’était pas le cas à l’époque…” On est au Synsound bruxellois de Dan Lacksman, producteur et membre de Telex, forcément spécialiste du son et grand consommateur de stéréo dès sa découverte de Sgt. Pepper’s -juin 1967-, album notoire des Beatles. Dan: “Quand j’ai entendu le disque pour la première fois en stéréo, ça a été une révélation. Le Dark Side du Floyd a clairement une dimension ludique dans sa stéréo. On appelait ça l’effet ping-pong, parce que pour démontrer l’importance de la stéréo, les fabricants de hi-fi faisaient circuler un disque où l’on entendait une balle de ping-pong passer de gauche à droite et inversement” (sourire).
Au Synsound, l’idée est de comparer les différentes versions de l’album. L’originale en vinyle de 1973, la réédition en coffret multiple remastérisée de 2011 et l’actuel The Dark Side of the Moon 50th Anniversary Boxset (distribué par Warner). Par rapport au précédent box, le nouveau et coûteux objet -entre 250 et 300 euros selon les points de vente- comprend un CD et un vinyle de l’album studio remastérisé en 2023, ainsi qu’un Blu-ray et un DVD audio incluant le mixage original 5.1 et les versions stéréo remastérisées. Plus un nouveau Blu-ray incluant le mixage Atmos, ainsi que le CD et le live de l’album enregistré au Wembley Empire Pool de Londres en 1974. Dan a acheté en ligne l’album en fichiers HD, 192 kHz, 24 bits (1). “En principe, la meilleure version disponible”, précise-t-il.
Une histoire de bits
Sur les larges enceintes ultra pro du studio, via la console analogique, SSL 4000G+, on passe d’une version à l’autre par segments de quelques secondes. Dans tous les cas, la stéréo est impressionnante, virevoltante. Le chant féminin sur The Great Gig in the Sky est un peu la métaphore de l’album: un accouchement, mix unique de célébration douloureuse. La différence entre les supports se marque sans doute dans les graves et la dynamique, et puis la définition de la version HD semble -encore- plus performante. Dan: “On sent quand même que le son du CD est un peu moins large, même que celui du vinyle, qui reste une prouesse au niveau de la gravure parce que cela sonne très bien. L’album sonne de façon idéale, parce qu’il n’y a pas trop de musique (2). Si tu écoutes bien la caisse claire en HD, c’est très intéressant. Ce que l’on peut dire, c’est que dans les nouveaux fichiers, il y a un respect total de la dynamique de l’époque: le CD n’était qu’en 16 bits alors qu’ici, en HD, on est en 24 bits.”
Donc, un conseil achat final pour ceux qui ne veulent pas raquer 250-300 euros? Acquérir le Dark Side en HD pour une poignée d’euros. Reste une coquetterie liée au nouveau coffret: une version du Dark Side en Dolby Atmos: “C’est un peu un problème d’écoute, parce qu’en principe, il faut avoir des haut-parleurs en hauteur, et sur les côtés. Donc, du surround plus une autre dimension. Là, on parle d’un format de salle de cinéma… Et contrairement à ce que certains disent, il n’est pas possible d’écouter de l’Atmos au casque.” Roger Waters a-t-il pensé à tout cela, lui qui a réenregistré l’intégralité de The Dark Side of the Moon, en solo, pour une sortie au mois de mai?
(1) Format de fichier audio. La norme du CD est de 44,1 kHz et 16 bits.
(2) Plus il y a de musique sur une face vinyle, moins large et donc moins puissant est le sillon du disque.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici