Gil Mortio en mode exotica, c’est Noël au soleil
Gil Mortio embarque Jawhar, Françoiz Breut ou encore Rudy Trouvé sur un christmas album qui aime le sable et l’exotica. Ho ho ho…
Saint-Gilles. Café de l’Union, 9 heures du matin. Le père Noël arrive en scooter. Un casque sur la tête et une barbe qui rappelle moins les fêtes de fin d’année que Robinson Crusoé. Six ans après Another Christmas Album, Gil Mortio a décidé de réveiller le collectif Valley of Love et de célébrer de nouveau à sa manière toute particulière Santa, sa hotte et ses boules… « Tout le monde peut écrire un morceau de Noël. Mais je ne voulais pas de clochettes sourit le membre de Joy As A Toy. Je suis parti d’un postulat stupide que je revendique: j’ai voulu montrer que Noël, c’était pas juste la neige et les sapins, que c’était aussi la plage et les bikinis. L’hémisphère sud pendant les fêtes de fin d’année, c’est moins Noël que les cartes postales. Ce disque est en quelque sorte un hommage à l’autre côté de la planète. »
Ce Noël, Mortio, qui est un grand fan du genre, a décidé de le célébrer en mode exotica. Un style qu’il qualifie lui-même de totale imposture. « C’est un mot que tout le monde entend différemment mais ça fait partie du processus. Pour résumer, c’est une musique exotique faite par des gens qui n’ont jamais voyagé. Ce sont en gros des compositeurs à tendance hollywoodienne quelque part entre jazz et variété qui, dans les années 50, fabriquaient de la musique exotique avec les moyens du bord. Elle est jouée par des orchestres qui ont un son fantastique et elle n’a aucune intention d’être crédible musicologiquement parlant. »
Sur le touche-à-tout Another Christmas Album, Gil Mortio avait invité Karim Gharbi, Seth Faergolzia, Boris Gronemberger. Il a cette fois embauché les Faon Faon, Antoine Meersseman (BRNS), Daniel Hélin… Le hasard des rencontres, l’impression que ça peut fonctionner: « C’est surtout une question de feeling. Cette sensation, quand tu as des gens au téléphone, que tu peux discuter. Qu’ils ne sont pas engoncés dans les clichés. Ce n’est pas une compilation. C’est un disque d’auteurs multiples tous embarqués dans le même bateau. L’idée était de trouver de nouveaux chemins dans ce style qui est multicentenaire. Noël reste une pompe à fric pour beaucoup de maisons de disques. Et cet album, c’est la réponse de l’indépendant. On n’a pas la force de frappe d’Universal pour coller des affiches partout et remplir trois fois le Cirque royal. Mais je voulais être le plus loin possible d’un disque de Mariah Carey. »
Nudisme, massepain et narcotrafiquants…
Surprenant, multiculturel, ensoleillé, drôle et noir, The Other Christmas Album s’ouvre sur Melankolia, chanté par la Finlandaise Anu Junnonen. « J’ai toujours ressenti une grande attirance pour le suomi. Le finnois se prête aussi bien à l’exotica qu’à la froidure du temps polaire. Puis, c’est potentiellement la langue du père Noël. C’était juste parfait. J’ai proposé un pitch à Anu: l’histoire de Lapons qui passent leurs vacances de fin d’année au Brésil, qui sont malheureux et qui veulent rentrer chez eux. »
Mortio a composé les trois quarts des morceaux présents sur le disque. « J’envoyais des trucs presque inaudibles mais l’idée était là. Les invités ont ensuite souvent pu construire leur mélodie eux-mêmes, organiser leurs paroles. » Le Phil Spector bruxellois a décidé de se lancer dans l’aventure en mars-avril ( » ce qui est totalement suicidaire vu mon agenda bien fourni ») et a enregistré toutes les musiques en quatre jours fin août avec un groupe qui connaissait à peine les chansons. Les textes n’étaient pour la plupart pas encore écrits. Le premier qu’il a contacté, Dan Barbenel, est aussi le dernier à lui avoir envoyé sa chanson. « Sur le premier album, son morceau Valley of Love parlait d’un narcotrafiquant qui allait dans sa famille pour Noël. Je voulais qu’il raconte la suite de l’histoire. Il est désormais en prison et rêve de le fêter au Hilton de Bangkok. » Nicolas Jules a, lui, balancé une chanson filmée dans sa cuisine avec son téléphone à 4 heures du matin…
Sur The Other Christmas Album, on trouve Jawhar et Françoiz Breut en tandem, un sample de l’orchestre de Tubize enregistré dans les années 30 aux États-Unis, un Espagnol, Nacho G. Vega, qui déteste le massepain, croisé via les syndicats de musiciens, ou encore une Italienne, Ilaria Graziano, rencontrée en tournée au Canada. « Je voulais de la sensualité dans ce disque et c’est l’une des plus belles voix que j’ai entendues. Elle te donne l’impression d’être dans un film d’Antonioni. » Le morceau de Gil ( The Film), c’est un Anglais qui l’a écrit. « Quand il était gamin, il a été filmé en train de courir tout nu avec un chapeau de cowboy. ça raconte cet horrible épisode de l’enfance, ces témoignages encombrants qu’on sort des tiroirs tous les ans. »
Quant au morceau de Rudy Trouvé, il est plutôt du genre déprimant. « C’est la désillusion de Noël pour les enfants qui grandissent. Ce n’est pas de l’anglais. Ce n’est pas du flamand. C’est de l’anglais dit par un Flamand. Ce qui a bercé mon adolescence de fan de rock anversois. »
Si le livre qui accompagne le disque est fait de créations artistiques et de photos envoyées par les artistes, le clip de Melankolia a été tourné dans le parc de Forest… « Alex du label devait profiter de son séjour au Brésil pour y tourner la vidéo. Il a passé une journée entière à essayer de rejoindre la plage, mais il s’est heurté à des narcotrafiquants, des flics qui ont essayé de lui extorquer de l’argent, des bras de mer à traverser aussi, quand les plages étaient privatives. On a juste une photo de lui tout naze les pieds dans le sable. » Le 19 décembre, une bonne partie de la troupe se retrouvera au Marni pour un concert unique. « La plupart des chanteurs seront là. À part ceux qui habitent loin. Une bonne alternative à l’hologramme de Frank Sinatra qui te chante des chansons en 3D… »
Valley Of Love II, The Other Christmas Album. Distribué par Naff.
Le 19/12 au Théâtre Marni (Bruxelles).
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