Album - Daughter of a Temple
Artiste - Ganavya
Genre - Spiritual
Label - Leiter/Konkurrent
Sur le fascinant Daughter of a Temple, Ganavya croise musique classique indienne et jazz spirituel, marchant sur les pas d’Alice Coltrane. Captivant.
Depuis l’élan initial des années 60, jamais le jazz n’a semblé autant chercher à s’élever. Mettez ça sur le compte d’une époque étouffante, où le besoin de paysages musicaux dégagés ne s’est probablement jamais autant fait sentir. Ces dernières années, cela a pu donner par exemple des albums aussi marquants que Promises, rassemblant Pharoah Sanders et le musicien électronique Floating Points. Ou plus récemment les escapades quasi-ambient de l’ex-rappeur Andre 3000 (New Blue Sun), en passant par les disques de Kamasi Washington, d’Arooj Aftab ou le premier solo de Shabaka, sorti en avril.
Pilier de la nouvelle scène jazz britannique, ce dernier publiait un peu plus tôt dans l’année, sur son label Native Rebel, le disque de Ganavya. Intitulé Like the Sky I’ve Been Too Quiet, il se posait à la croisée du jazz et de la musique classique indienne. Six mois plus tard, la musicienne (en concert au festival Fifty Lab ce 15/11) sort déjà un nouveau disque, Daughter of a Temple, confirmant la dimension à la fois spirituelle et collective de sa démarche.
Gardienne du temple
Née à New York, Ganavya Doraiswamy a passé une bonne partie de sa jeunesse dans le sud de l’Inde. Issue d’une famille immergée dans la musique carnatique, elle a été formée au chant et la poésie, apprenant à jouer une multitude d’instruments -dont le jal tarang, percussions constituées de bols en céramique remplis d’eau.
À cette pratique, Ganavya a rapidement lié son amour du jazz. Diplômée du Berklee College of Music, elle a croisé la route de Wayne Shorter, Quincy Jones ou encore Esperanza Spalding. Avec Daughter of a Temple, elle s’inscrit dans les pas d’une Alice Coltrane. Affichant avec l’immense musicienne un air de ressemblance presque troublant, Ganavya partage notamment sa vision d’une musique méditative, créée dans l’instant et en groupe.
Enregistré lors d’une résidence à la Moores Opera House de Houston, Texas, le disque s’ouvre avec A Love Chant: une courte introduction chantée avec Esperanza Spalding, suivie d’une échappée au piano. « When I called you here to Houston… » entonne le chœur, rejoint par le saxophone d’Immanuel Wilkins. Plus loin, Journey in Satchidananda / Ghana Nila est un extrait d’une impro de 45 minutes, rassemblant près d’une trentaine de musiciens (et des danseurs, que l’on peut deviner en fond sonore).
À tout moment, le fil rouge reste la musique et la philosophie de celle qui se faisait également appeler Swami Turiya Sagittinanda (Alice Coltrane donc). Le premier jour, Ganavya a ainsi accueilli chacun des participants -dont Spalding, Shabaka, mais aussi le pianiste Vijay Iyer, le dramaturge Peter Sellars, etc.- en leur offrant un bracelet de prière. Et en leur lavant les pieds avec du miel, du curcuma et de l’eau chaude, avant de se lancer dans une improvisation autour d’A Love Supreme -chef-d’œuvre de John Coltrane, et disque fondateur du courant spiritual jazz. Découpée ici en quatre parties, la méditation conclut un disque traversé par les fulgurances vocales de Ganavya. Fascinant.
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