TW Classic: le Cave se rebiffe
Werchter couronne un Nick Cave déchainé, ressuscite Radiohead (The Smile) et annonce Springsteen. C’est dans les vieux pots…
Avant même que TW Classic fusionne avec le Werchter Encore censé se dérouler ce dimanche (attention tout de même à la saturation, le portefeuille du festivalier n’est pas un puits sans fond…), triple son nombre de scènes et fasse plus que doubler son affiche, l’évènement louvaniste avait déjà méchamment de la gueule. On peut dire que le Werchter Classic XXL a tenu ses promesses. Certes les Specials (qui arrivent au son de The Revolution Will Not Be Televised) ont pris un petit coup de vieux. On n’en a pas grand chose à caler de Placebo et de Florence + The Machine. Puis le minimaliste post punk de Sleaford Mods (l’un qui danse, l’autre qui scande) et la girl next door Courtney Barnett sont un peu perdus sur la grande scène du mastodonte de l’été. D’autres toutefois ont fait des étincelles. Zwangere Guy (qui, putain putain, a rendu un petit hommage à Arno) a retourné The Barn et conquis un public forcément plus âgé que d’habitude pour une fois pas spécialement acquis à sa cause. Big up au chef du rap bruxellois, ancien cuistot de l’AB qui y enchaine désormais les sold out. Prosternation carrément pour un Nick Cave remonté. De Parquet Courts aux Viagra Boys en passant par les petits jeunes de Yard Act, on s’est souvent ces dernières semaines étonné devant l’énergie, la rage et la niaque de groupes de rock surexcités. Un peu comme si on venait de leur retirer un bâillon de la bouche et qu’ils ressentaient une irrépressible envie d’hurler. En renouant avec les joies de la scène, les musiciens ont retrouvé leur entière raison d’être et Nick Cave plus encore que les autres. Trop larmoyant, trop émotif… On a un peu perdu le grand Nick depuis le décès il y a sept ans de son fils Arthur tombé d’une falaise sous l’influence de LSD. Et l’Australien a fait face au printemps à la mort d’un autre de ses enfants (mannequin, acteur et photographe qu’il n’a rencontré qu’à ses huit ans) décédé après être sorti de prison pour avoir agressé sa mère. On aurait pu tomber sur un artiste anéanti. Le fondateur de The Birthday Party est littéralement déchainé. Accompagné de ses Bad Seeds, de son fidèle comparse Warren Ellis et d’impeccables choristes, Cave est démonté et déboule sur scène tel une tornade qui va bien avec la pluie battante. Get Ready For Love, There She Goes, My Beautiful World et O Children, tous extraits d’Abattoir Blues/The Lyre of Orpheus, servent d’entrée en matière seulement entrecoupés de From Her To Eternity. Comme toujours tiré à quatre épingle, le chanteur, écrivain et poète à la voix de baryton mouille le maillot et va au contact. S’adresse au public, touche des têtes et sert des paluches. Il a beau consacrer trois morceaux du set à son dernier album (Ghosteen) et deux à ses aventures en tandem avec Ellis, l’heure est au best of et à la célébration. Jubilee Street, Tupelo, Red Right Hand, The Mercy Seat et un déchirant Into My Arms pour entamer son rappel… Celui d’un concert habité, tendu et viscéral.
L’autre grand moment de la journée, ce fut The Smile. Le nouveau projet de Thom Yorke et de Jonny Greenwood porte bien son nom. C’est pas que le leader de Radiohead raconte des blagues entre les morceaux et que le public fait des farandoles. Mais le quinquagénaire a le sourire et ne boude pas son plaisir. Comme débarrassé du poids parfois un peu encombrant d’un groupe qui a exercé une influence déterminante sur l’histoire de la musique et a vendu 40 millions d’albums dans le monde (sans compter sa distribution alternative).
The Smile a sorti son premier album, A Light For Attracting Attention, le 13 mai et sa version physique seulement le 17 juin. Si le public ne chante évidemment pas les titres en choeur comme il playbackerait un Creep ou un Karma Police, The Smile renvoie aux plus belles heures de Radiohead. Celles, glorieuses, où le groupe anglais s’enfonçait dans toute sa radicalité. Yorke et Greenwood jonglent avec les instruments tandis que Tom Skinner, le batteur de Sons of Kemet, grand pote de Shabaka, complète à merveille le trio derrière ses fûts. La voix est toujours aussi renversante. L’excitation palpable. Et si le sourire qui a donné son nom au groupe est celui de ceux qui vous mentent en plein visage, le single You Will Never Work In Television Again est tout sauf du foutage de gueule. Une tuerie. Même sur la grand scène et sous la pluie. Il y en a qui ne perdent pas le nord. Au terme de la journée, les organisateurs annonçaient déjà la date et la tête d’affiche de l’année prochaine. Le boss Bruce Springsteen et son E Street Band se produiront à Werchter le 18 juin 2023. Les tickets seront en vente dès ce mercredi. En attendant, ce week-end, c’était incontestablement Nick Cave le patron.
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