Lenny Kravitz à Werchter: une machine à tubes incroyablement bien huilée

Lenny Kravitz à Rock Werchter 2024 © Rob Walbers
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Il était de retour à Werchter, jeudi, après dix ans d’absence. A 60 piges, Lenny Kravitz reste dans une forme olympique. Let love rule…

Lenny Kravitz, c’est un peu le Dorian Gray afro américain. Peut-être même le Benjamin Button du rock. Il y a des gens comme ça sur lesquels le temps semble n’avoir aucune prise. Sur lesquels le poids des années ne parvient guère à peser. Oubliez les pilules miracles, le Botox et la retraite anticipée. Enormes lunettes de soleil sur le nez, même si la nuit est déjà tombée, cuir moulant et dreads au vent… A 60 balais (il les a fêtés le 26 mai dernier), Leonard Albert Kravitz est aussi fringant qu’un jeune premier.

Héritier de Jimi Hendrix et de Sly Stone, de Prince et de Michael Jackson, Lenny Kravitz a toujours eu la classe et le charisme. Le groove et le sex appeal. Légende vivante, Lenny a bossé avec les Stones, Al Green, Stevie Wonder et Curtis Mayfield. Bowie, Aerosmith, Katy Perry et Jay-Z. Il a coécrit Justify My Love de Madonna avec la principale intéressée et la poètesse Ingrid Chavez et figure sur le premier album posthume de Michael Jackson. Mais il est aussi souvent là où on ne l’attend pas. Lenny peut tout faire sans que ça entache sa coolitude. Il a chanté en duo avec une candidate en finale de la version française de The Voice en 2012. Ecrit des chansons pour Julie Zenatti. Donné de la voix sur un disque de Loane et signé en 2018 un partenariat avec la marque de champagne Dom Pérignon.

«Je suis profondément double. À la fois noir et blanc. Juif et chrétien, expliquait-il à la sortie de son autobiographie. Je crois que cela a vraiment influencé l’homme que je suis devenu et mon expression artistique, qui est au fond l’amour. Mon métissage a façonné ma curiosité sur le monde.»

Le père de Lenny, Sy Kravitz, était un New-Yorkais blanc d’origine juive russe (ukrainienne pour être précis), producteur TV et promoteur de concerts de jazz (Duke Ellington, Sarah Vaughan, Count Basie, Ella Fitzgerald ou Miles Davis…). Tandis que sa mère, aperçue dans une tonne de feuilletons comme Arabesques, La Croisière s’amuse et Punky Brewster, était une actrice de télévision noire américaine dont la famille était originaire des Bahamas, où il a maintenant son propre studio. Lenny y a passé trois ans après que la pandémie éclate. Un isolement synonyme de création et de profonde réflexion. Il y a composé plusieurs albums. Mais c’est Blue Electric Light, paru le 24 mai dernier, qui lui a semblé le plus immédiat à partager.

35 ans après son premier album Let Love Rule, Blue Electric Light a quelque chose du retour source. Homme aux multiples talents, Kravitz aurait voulu dès le début de sa carrière sortir un disque sur lequel il aurait joué de tous les instruments mais il n’avait pas eu l’occasion de mettre son projet à exécution. «C’est en quelque sorte, dit-il, l’album que je n’ai pas su enregistrer et sortir à la fin de mes secondaires… » En attendant, Lenny est à Werchter en mode festival. Rassembleur. Fédérateur. Et rien de tel pour se mettre une plaine dans la poche et lui bouter le feu que de commencer son concert avec Are You Gonna Go My Way. Kravitz a toujours eu une connexion particulière avec la faune locale. «À mes débuts, les Américains ne savaient pas quoi faire de moi, racontait-il il y a quelques années au magasine Rolling Stone. Je ne rentrais pas dans une case, mon premier album ne ressemblait à rien de ce qu’un artiste noir devait proposer. On s’est donc décidé à aller voir en Europe, à Londres, à Amsterdam, à Hambourg…»

Ce jeudi, à Werchter, après avoir assisté aux cérémonies de l’Ommegang sur la grand place de Bruxelles avec son pote Bruce Springsteen, Lenny est en mode best of. Il ne proposera d’ailleurs que trois titres de son nouveau né. Les singles Paralyzed, Human et TK421 qui fait référence à Star Wars et au film Boogie Nights. Parle de rendre la vie meilleure, plus vibrante et d’affronter ses peurs.

Increvable, indémodable, ode vivante au sexe et à l’amour, Kravitz fait du bien dans une actualité politique effrayante. Il a d’ailleurs repoussé la sortie de son disque pour écrire la bande originale d’un film sur Bayard Rustin, un militant des droits civiques. «Rustin était un homme extraordinaire. Noir et gay. Ce qui était énorme à son époque, confiait-il sur RTL2. J’ai donc voulu lui rendre hommage pour des personnes qui comme ma mère ne sont plus ici.»

I Belong To You, Believe, It Ain’t Over Till It’s Over Kravitz est un juke-box vivant. Une machine à tubes incroyablement bien huilée. Entouré d’un band incroyable, de son fidèle et génial guitariste Craig Ross, de sa formidable batteuse mais aussi de cuivres et de choeurs, le bonhomme a enchaîné les hits pendant pas loin de deux heures. Au tournant de ce siècle, Lenny a remporté le Grammy Award de la meilleure performance vocale rock masculine quatre années de suite (une performance inégalée) et cette voix, à son image (même ses abdos n’ont pas bougé), n’a pas pris une ride. American Woman, Fly Away… Ce set et son visuel sont calibrés pour les stades et les plaines. Et Let Love Rule en est la parfaite conclusion. Always on the run…

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content