Nuits Botanique: gangs de filles
Du rap underground américain (Fly Anakin), du rock’n’roll au féminin (Panic Shack, Melenas, Los Bitchos) et des disciples de Fantômas (Jonathan Bree)… Mardi, les Nuits Botanique ont varié les plaisirs.
« Hey. When you look at me like that, I don’t really like it. Hey. When you talk to me like that, I don’t really like it. » Dès les premières paroles du premier morceau de la soirée, les Galloises de Panic Shack donnent le ton. Girl Empowerment. Balance ton porc et #MeToo sont passés par là. L’Orangerie est remplie de filles dans la salle et sur scène pour une triple affiche qui aime le rock au féminin. Le groupe de Cardiff n’a pas encore d’album à son actif. Il donne son premier concert en Belgique, son premier concert de ce côté-ci de la Manche même. Mais il y a déjà du monde à 19h30 pour se prendre dans la tronche son punk élastique (un peu de Dead Boys, un peu d’Amyl and The Sniffers), son enthousiasme débordant, ses chorégraphies rigolotes et son sens de l’humour. Deux femmes aux premiers rangs se déchainent et reprennent en choeur les paroles… « Pousser aussi fort qu’on le peut pour exister dans cette sphère, va, on l’espère, inspirer davantage de filles spécialement celles qui viennent de la working class. » commentait en plein confinement la guitariste du jeune groupe Romi Lawrence. L’industrie semble s’ouvrir. Les mentalités ont l’air de changer…
Avec Melenas, c’est direction l’Espagne. Une Espagne jumelée avec le Brighton d’Electrelane. Un rock indé convaincant, un peu dream pop un peu kraut qui a le clavier entêtant et l’exotisme de la langue espagnole. Originaires de Pampelune, signées sur le label américain Trouble In Mind, les Melenas ont davantage séduit que Los Bitchos, les quatre Londoniennes réunies autour de leur passion commune pour les musiques instrumentales et la chicha péruvienne. Don’t believe the hype, gueulaient à contretemps les Arctic Monkeys au moment de leur fabuleuse explosion. Los Bitchos a tendance à leur donner raison.
Aux Nuits du Bota, où t’achètes tes tickets par soirée et par salle, tu te dis toujours que t’aurais bien été jeter une oreille ailleurs. Surtout en cette période décomplexée et décloisonnée où les fans de Thee Oh Sees écoutent du Orelsan. Jeudi, sous les coupoles encore en chantier du complexe bruxellois, les choix étaient marqués. A côté du rock au féminin, tu pouvais à la Rotonde te la jouer rap underground américain. Là aussi, c’est la première partie qui a raflé la mise. Fly Anakin marquant davantage les esprits que le duo new-yorkais Armand Hammer. Né Frank L. Walton Jr., Fly Anakin a grandi à Richmond, en Virginie. Eté biberonné au Notorious B.I.G., au Wu-Tang, à Nas et à Jay-Z. Et a commencé le rap à 13 ans sur du J Dilla et du Madlib. Le mec qui fûme des battes énormes et transforme la salle au haut plafond bruxellois en Coffee-shop amstellodamois a parfois un trou de mémoire. « C’est ce qui arrive quand on smoke trop de joints sur scène, » se moque-t-il de lui-même avant de retomber sur ses pattes. Fly Anakin n’en a pas moins un swag et un flow du tonnerre. Cofondateur du collectif Mutant Academy (Koncept Jack$on, Big Kahuna O.G., Ohbliv, Unlucky Bastards), il a collaboré avec Freddie Gibbs et sorti un disque avec Pink Siifu (FlySiifu’s) avant de balancer son premier album, Frank, sur Lex Records en mars. Un type à suivre de près.
Au Grand Salon, comprenez au Musée, l’assistance clairsemée danse sur la pop théâtrale de Jonathan Bree. Découvert au début des années 2000 avec son groupe The Brunettes, le Néo-Zélandais se la joue aujourd’hui chanteur masqué et look de grand brûlé. La tête, comme celle de ses musiciens et de ses deux danseuses, enfouie dans du lycra. Groupe sans visage, fantômes de l’opéra… Producteur de pop orchestrale, fan d’arrangements baroques sixties, Bree est un crooner de l’étrange. Un esthète du mystère. Un Neil Hannon gothique. Star d’une autre pop de chambre et chanteur de charme pour films nébuleux. Les chorégraphies sur scène s’alignent aux projections avec une synchronisation bluffante. Une soirée comme on les aime…
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