L’esprit de CORE: ce qu’on a pensé du nouveau festival créé par Werchter et Tomorrowland

Denzel Curry
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Inauguré ce week-end, au parc d’Osseghem, à Bruxelles, le festival CORE a réussi sans problème son décollage. Compte-rendu.

Après deux ans de disette, l’été des festivals se précise. Pour le coup, il s’est même ouvert un mois plus tôt que d’habitude, avec la toute première édition du CORE, qui s’est déroulée ce week-end au parc d’Osseghem, sur le plateau du Heysel. On a beaucoup parlé ces dernières semaines de l’explosion du nombre d’événements, censée combler la (supposée) fringale des amateurs. Et plus encore de la concurrence que cette multiplication allait engendrer dans le secteur… Nouvel arrivé, le CORE était notamment dans le viseur. Allait-il réussir à tirer son épingle du jeu dans un calendrier boursouflé? Force est de constater qu’il n’a pas raté son entrée dans l’arène. En attirant selon ses organisateurs plus de 40.000 spectateurs pendant deux jours, il a bel et bien réussi son pari.

Officiellement, le CORE se présente comme un festival « boutique ». Une appellation marketing que l’on n’a jamais trop comprise, si ce n’est pour le caractère un peu « original » et « exclusif » qu’est censé revêtir l’événement. Loin des grands rassemblements de masse, le festival « boutique » privilégierait une approche plus « décalée », où la musique ne serait plus qu’un des éléments du festival – pardon de l’« expérience »… Au départ, ce genre de proposition alternative était plutôt le fait de petites structures indépendantes. En l’occurrence, le CORE en est loin: il est en effet le fruit d’une alliance entre deux mastodontes, Tomorrowland et Rock Werchter, avec la volonté de proposer des musiques plutôt indie, le plus souvent électroniques.

Yeule

Aussi novice soit-il, le CORE n’a donc pas dû trop se creuser la tête pour constituer son affiche – ni pour remplacer à la dernière minute deux de ses headliners – Stormzy et Celeste – par des groupes au moins aussi intéressants – Denzel Curry et Jungle. Samedi, les deux ont d’ailleurs parfaitement joué leur rôle: le rappeur américain en mettant le public dans sa poche dès les premières minutes, vrai showman à la niaque irrésistible, ouvrant un premier moshpit après seulement 10 minutes; les seconds en chauffant idéalement ses fans pour leur concert prévu ce mardi à Forest National.

Jungle

Les deux se produisaient sur la scène principale (baptisée Ardo). Particulièrement impressionnante, elle avait des airs de boite encastrée dans un immense mur d’écrans de plus de 50 m de long. Et les artistes de se retrouver comme plongés dans les visuels: bluffant. Juste à côté, la scène Endoma était le seul espace couvert. Avec là aussi, un soin apporté à la mise en image. C’est sur ces deux spots que l’on a pu retrouver la partie la plus « pop » de l’affiche, les DJ se partageant les trois restants, dont l’un posé au sommet d’une structure noire arty de 8m de haut (Nabo), et un autre (AltVerda) installé au milieu du théâtre de verdure, transformé en club en plein air, parsemé de totems-miroirs.

NAS

Pour autant, on était loin des extravagances scénographiques habituelles de Tomorrowland. Le CORE a même plutôt fait dans la sobriété. Au parc d’Osseghem, les tables en bois et métal étaient dispersées dans la nature, sous de simples lampions. Même les quelques activations des sponsors étaient particulièrement sommaires (voire carrément discrètes) – on ne s’en plaindra pas. Pour son baptême du feu, le CORE a fait dans l’élégance branchée. Verres recyclables (le minimum), paiements cashless (et ses files à rallonge), visuels mélangeant nature et haute technologie, et même un concours permettant de gagner des NFT du festival: vous êtes bien en 2022…

Shygirl

Et la musique dans tout ça? On a évoqué rapidement Jungle et Denzel Curry. Toujours sur la grande scène, le duo français The Blaze a prouvé que ses vidéos (et un joli jeu d’écrans mobiles) restaient l’outil clé pour apprécier son électro chamallow. Comme dans toute « boutique », il y a évidemment bien un peu de « brol » qui traîne ici et là. Dans l’empressement du secteur à relancer le live, on a parfois eu l’impression ces dernières semaines de voir jouer des artistes pas toujours prêts, débarquant solo, leur musique coincée dans un ordi. Que ce soit la hype Shygirl (et son DJ), qui a déjà quelques gros morceaux, mais pas vraiment de show; Mariah The Scientist, adorable certes, mais bien trop seule pour ouvrir la scène Endoma; ou encore Yeule, au même endroit, sylvidre hyperpop lançant elle-même ses bandes, délaissant trop rarement le playback. Côté DJ, c’est évidemment moins problématique. Même quand il s’agit d’occuper la main stage comme l’a fait Jamie XX pour clôturer le festival, délivrant un set particulièrement enlevé. Du côté de la scène Orlo, ciblée plutôt house, le coup de cœur du jour est allé à la Péruvienne Sofia Kourtesis, avec un mix hyper soulful et chaleureux A côté, au théâtre de verdure, Dan Snaith a été imparable sous son alias Daphni. Exactement comme avec son groupe Caribou quelques minutes plus tôt, sous l’Endoma. Pour le coup, le seul « chapiteau » du festival était bourré à craquer – laissant pas mal de monde dehors. Alignant les tubes, attendus mais balancés avec une énergie imparable, le concert a été l’un des moments forts de cette édition. La première du CORE festival. Et sans doute pas la dernière.

Jamie XX

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