Les Ardentes, J3: Gims, Ninho et Niska pour rapper «ces années-là»

Aux Ardentes, Gims a enchaîné les tubes.
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Samedi soir, les Ardentes ont célébré la décennie 2010 dorée avec Gims, et surtout Ninho et Niska. Compte-rendu

Où étiez-vous, en 2015 ? Les Ardentes fêtaient alors leur dixième édition. Avec une affiche conviant notamment Iggy Pop ou dEUS, mais aussi (déjà) Kendrick Lamar, Nicki Minaj et D’Angelo ! Gims, lui, sortait Sapé comme jamais. Un tube énorme, qui remportera le titre de « chanson de l’année » aux Victoires de la musique. Et deviendra l’un des symboles du grand boom du rap. Un an plus tard, en France, la SNEP intégrera en effet les chiffres du streaming dans son calcul des certifications musicales. Une manoeuvre qui bouleversera les hit-parades en profondeur. Du jour au lendemain, le rap se retrouve à squatter tous les classements. Il devient la « nouvelle pop ». Voire dans le cas de Gims, la « nouvelle variété », enchaînant un tube après l’autre.

Samedi, à Liège, sur le coup de 20h, le rappeur des familles a donc démarré par Sapé pour remonter le fil de morceaux qui ont marqué, quoiqu’on en dise, plusieurs générations. Simple, basique, mais imparable. Il faut évidemment supporter la voix de stentor du Maître chanteur, qui n’a jamais peur de frôler la caricature. Voire de se vautrer dedans, comme sur Bella (qu’il ponctue à la fin d’un « grazie mille », semant tout à coup le doute : Bella ne serait donc pas espagnole, mais italienne ? On est perdu…)

Aux Ardentes, Gims a ouvert son concert avec Sapés comme jamais

Il faut aussi ne pas trop en demander en terme de mise en scène. Venu célébrer son patrimoine, Gims aurait pu faire un effort, y mettre les formes en amenant un vrai décor, des vrais effets spéciaux, une vraie DA. Surtout s’il s’agit, comme il l’a laissé entendre, de sa dernière tournée (une date à Forest, cet automne). Mais pourquoi faire quand il vous suffit d’aligner les hits. De ceux de Sexion d’assaut, madeleine de Proust des vingtenaires (et de leurs parents), aux récents Spider ou Ciel, qui font vriller les cours d’écoles primaires. Sur son nouveau Appelle ta copine, sorti il y a quelques semaines, Gims insiste : « Encore un son qui fait danser les racistes ». Oui, même eux…

Ninho et Niska, rois du streaming

On l’oublie parfois, mais Sapé comme jamais marquait aussi l’apparition d’un autre serial tubeur de la décennie écoulée : Niska. Samedi, il succédait à Gims sur la scène principale. Pas seul. A ses côtés, Ninho, autre king du streaming – détenteur officiel du record français du nombre de singles certifiés (dont 50 de diamant au dernier comptage).

Aux Ardentes, ils venaient présenter GOAT, leur album en commun. Sorti à l’automne dernier, il devait constituer un événement, au bout d’une année 2024 qui en a un peu manqué. Au lieu de ça, il a surtout symbolisé les limites d’un rap français en gueule de bois, coincé dans une série de formules, obsédé par les chiffres. Efficace mais en pilotage automatique.

Aux Ardentes, Ninho et Niska ont rassemblé la toute grande foule

Dire que l’on attendait avec impatience la version scénique du projet serait donc mentir. D’ailleurs, samedi soir, on comprend vite que GOAT n’est qu’un point de départ, un prétexte, mais qu’il ne constitue certainement pas l’ossature du concert. Si Ninho et Niska ont fait le déplacement jusqu’à Liège, c’est d’abord pour enfiler leurs classiques. Et ils en ont un paquet. Chacun à son tour balance : Maman ne le sait pas ou La vie qu’on mène par exemple pour le premier, Réseaux et Médicament pour l’autre. Et le public, venu en masse, de reprendre en chœur, du premier rang jusqu’au fond de la plaine. Impressionnant. Pour un peu, on se serait cru revenir cinq ans en arrière – quand un festival comme les Ardentes concrétisait sur scène la révolution qui se passait jusque-là surtout dans les hit-parades, prouvant que, derrière les chiffres, il y avait bien une audience et des vraies gens. Une génération entière même.

Ici, c’est Paris

D’autant que les deux stars du soir finissent par se prendre au jeu. Démarrant chacun de son côté, ils se rapprochent au fil du concert. Il faut les voir par exemple se chauffer l’un l’autre, reprenant, acapella, un bout du freestyle Couvre-feu de 2016. Nostalgie ? Il y a sans doute un peu de ça. C’est que les choses vont vite dans le business de la musique – celui du rap en particulier. Et alors que la scène francophone semble avoir du mal à renouveler ses têtes d’affiche, voir Ninho, Niska et leurs fans replonger en arrière s’avère, étrangement, assez électrisant. Par exemple quand ils partent en vrille sur Matuidi Charo (quand le PSG n’était pas encore champion d’Europe). Mais aussi sur RR 9.1 (quand Koba Lad n’était pas encore condamné à de la prison ferme) ou 6.3 (quand Naps n’était pas accusé de viol)…      

Certes, les deux têtes d’affiche ne sont pas uniquement tournées vers le passé. Ninho et Niska démontrent aussi qu’ils sont toujours capables de toucher la cible – un titre comme Boucherie -, ou de raccrocher à la jeune génération – Canon de La Mano 1.9. Mais, samedi soir, ils ont surtout ravivé la flamme de la décennie 2010. Ces fameuses « années-là », temps béni où le rap enchaînait les triomphes, terre musicale de tous les possibles.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content