Le concert du jour : Star Feminine Band
Les jeunes féministes béninoises ont mis fin à trois ans de silence radio et lancé dans la bonne humeur une édition de Dour XXL.
Un groupe béninois engagé, plein de bonnes ondes et gorgé de soleil signé sur un label à l’esprit punk et à tête chercheuse parisien… Il y avait quelque chose de symbolique mercredi soir dans l’ouverture par le Star Feminine Band du festival de Dour. Enfin, on se comprend. Quand les sept jeunes femmes de Natitingou (25 heures de bus depuis Cotonou) sont montées avec tout leur enthousiasme sur la scène de la Petite Maison dans la prairie à 19h tapante, ça faisait déjà deux jours que ça festoyait au camping. Premières bamboches et débauches d’une édition XXL qu’on nous promet sous le cagnard.
Ca se sent un peu d’ailleurs. Si donner le coup d’envoi à Dour est généralement un tout bon plan, festif et rassembleur (la joie de se retrouver, l’envie de se la coller), l’assistance est pour le moins clairsemée quasiment trois ans jour pour jour après le dernier concert au pied des éoliennes. On en imagine certains s’ambiancer et se murger autour de leurs tentes, allumer la chaudière ou déjà en assurer l’entretien. D’autres en train de passer sous le détecteur olfactif des chiens policiers.
En bord de scène, le Charles Ingalls béninois surveille. Il faut dire que ses ouailles sont encore toutes jeunes. Lorsque sortait leur premier album fin 2020, Anne, Bénie, Grace, Julienne, Marguerite, Sandrine et Urrice avaient entre 10 et 17 ans. Le Covid a beau être passé par là, le Star Feminine Band fait souffler un vent de fraicheur et de positivisme sur les programmations européennes. On nourrissait des craintes quand à la viabilité du projet. On redoutait le disque mort né. Sacrifié comme beaucoup l’ont été sur l’autel de la pandémie et des confinements, des étés plombés et des festivals annulés. Mais l’orchestre lancé en 2016 par le professeur de musique André Balaguemon a quelque chose en plus. Une histoire, une énergie, un message. Au Bénin, les filles musiciennes sont rares. Le Star Feminine Band est à lui tout seul une déclaration politique dans un pays où les femmes sont régulièrement victimes de mariage forcé, de déscolarisation, de grossesse précoce, d’excision et de viol. Deux des membres du groupe ont abandonné l’aventure après être tombées enceinte. Comme disait JB Guillot, le patron de Born Bad, «à 13 ans, ça fait mauvais genre…» En attendant, remarquables ambassadrices, les filles prêchent la bonne parole. En français et dans les langues locales. «Femme africaine, aide la nation. Lève toi. Donne toi une place dans la société et fais valoir tes compétences.» Le discours est positif. Engagé. Appelle à l’émancipation. Faut en plus les voir danser, s’adonner à leurs chorégraphies rigolotes, jouer avec leurs instruments percussifs un sourire jusqu’aux oreilles pour saisir totalement la philosophie du projet. Il y a pas encore foule mais ceux qui sont là ont l’air heureux. S’émerveillent devant un solo de guitare et tentent à l’occase de reproduire quelques pas endiablés. Projet africain monté par des Africains, le Star Feminine Band sortira son deuxième album le 16 septembre et le premier titre qui en est extrait tacle le mariage forcé. Selon l’UNICEF, douze millions de filles seraient mariées pendant leur enfance chaque année dans le monde…
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