Le concert du jeudi : BOOBA
Le Duc est venu fêter le 14 juillet sur la plaine de Dour, fidèle à son personnage de sale gamin. Un peu trop même…
Booba en 2022, ça dit quoi ? Côté face, il y a d’abord le rappeur léonin, la démarche chaloupée et menaçante. A 45 piges, le Duc de Boulogne a toujours la dégaine et le charisme. Faut le voir débarquer sur la Last Arena de Dour, casquette, veste rouge Céline, et bouteille de D.U.C. à la main. En intro, une voix de JT détaille une dystopie à la française, menée à coup de pass sanitaire. Ah oui, on est le 14 juillet. Booba est sur le sol belge, mais à un jet de pisse à peine de l’Hexagone : voilà qui est prometteur. De fait le rappeur misanthrope commence par dégainer GP – « Je lui dis « J’aime rien, j’suis parisien » », avant d’ajouter plus loin : « Je respecte pas les nouveaux, ni les anciens, je suis l’ancêtre ». Vingt ans après Temps mort, Booba est en effet toujours là. Il peut même se contenter de rapper à moitié ses morceaux, devenant en quelque sorte son propre backeur, cela marche. Et puis, il faut bien lui laisser ça, B20 est toujours incapable de se contenter d’un set best of, qui ressortirait les faits les plus saillants d’une des discographies parmi les plus importantes du rap français. Il y a bien Friday ou Scarface, mais pour l’essentiel, Booba pioche dans ses morceaux sortis ces cinq dernières années. Aussi bien en solo – Glaive, Plaza Athénée, 5G, etc. – en featuring – Médicament, La madrina, etc – qu’à travers les jeunes protégés de son label 92i. – Green Montana, à moitié dans le coltard, qui rejoint le boss pour Tout gâcher.
Les pouvoirs du mauvais génie du rap français sont donc toujours intacts. Mais pour combien de temps encore ? C’est que le personnage de Booba prend de plus en plus de place. Ce n’est pas vraiment nouveau. Pionnier d’un certain rap cru, défricheur de l’autotune en France, Booba était aussi fin prêt en 2015 pour accompagner la bascule du streaming, et intégrer l’importance des réseaux sociaux. Il s’en est servi pour parfaire son image de rappeur polémiste et polémique. Avec souvent pas mal d’humour (noir) mais aussi des dérapages de plus en plus « malaisants ». « C’est le son du complotisme », annonce-t-il, goguenard, avant de en balancer Variant. Entre les morceaux, celui a changé plus de fois de compte instagram que de paire de lunettes ne manque aussi jamais une occasion de titiller ses têtes de Turc du moment – « C’est Maître Gims, il m’a marabouteyyyye », se marre-t-il pour expliquer le problème technique avec ses oreillettes. Soupir… Les ficelles deviennent de plus en plus grosses. Et elles sont de moins en moins masquées par une pertinence artistique qui a tendance à décliner – l’an dernier, ce qui était censé être son ultime album, Ultra, en a laissé beaucoup sur leur faim. Booba a beau se réfugier derrière les chiffres, ils ne pourront pas tout le temps servir d’excuse à un personnage toujours plus envahissant, enfermé dans sa logique de confrontation constante. A Dour, B2O était plutôt de bonne humeur, descendant dans le public à plusieurs reprises, lui balançant même sa veste en fin de concert. Mais plusieurs fois, la machine a donné l’impression de tourner un peu à vide. « Je vois des drapeaux blancs, y a pas de drapeau blanc ici, y a que celui de la Piraterie », insiste-t-il à un moment. Alors que, dans l’oreillette on nous annonce qu’au même moment Gazo retourne la Boombox, Booba fait semblant de ne pas voir que le public se rétrécit de la Last Arena et répète encore : « Y a pas d’ambiguïté, soit t’es avec nous, soit t’es contre nous ». Faudrait juste qu’à la fin le Duc ne se retrouve pas tout seul…
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