Dour J4 : Parcels file la fièvre du samedi soir

A Dour, Parcels a dégainé une pop sensible, dirigée vers la piste de danse
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

A Dour, les Australiens de Parcels ont transformé la Last arena en une élégante piste de danse, avec leur électro-disco-funk léché

Samedi night fever oblige, Dour avait tout prévu pour les noceurs, au soir de son quatrième jour de festival. Avec, sur la scène principale, un programme en deux temps. Un peu avant 2h, le duo ascendant vierge a lâché les chevaux de l’apocalypse avec sa techno opératique frondeuse – faut entendre Mathilde Fernandez ordonner sur Au top : « Un shoot dans ma tête ! Un choc dans ma tête ! Et pour tout le monde pareil », tandis que Paul Seul tabasse les BPM.

Juste avant la sauvagerie trance, c’est toutefois Parcels qui a lancé le bal. En mode nettement plus smooth. Tous les goûts sont sur la piste de danse. Et avec les Australiens – originaires de Byron Bay, basés à Berlin -, Dour avait la garantie d’un groove électro-disco-funky fresh. Sans forcément de gros tubes à dégainer – même si vous avez forcément entendu passer à la radio un titre comme Tieuprightnow, mid-tempo solaire idéal pour accompagner votre Campari orange ou servir de B.O. à votre virée sur la Riviera. Faute de pouvoir proposer une collection de hits XXL, Parcels peut cependant s’appuyer sur une solide réputation live.  Entretenue notamment à Dour, lors de précédents passages fiévreux, elle a même déjà fait l’objet de deux albums live (en 2020 et 2023) – soit autant que le nombre d’albums studio que compte jusqu’ici la discographie du groupe.

Get Back!

En septembre, Parcels a d’ailleurs prévu d’y ajouter une nouvelle référence – Loved, prévu pour le 12 septembre. En attendant, le quintet est venu se chauffer avec une série de dates européennes. La recette est connue, maîtrisée, raffinée à la perfection. Certes, Parcels sonne encore par moment comme un tribute band de Daft Punk, période Random Access Memories – pour rappel, leur collaboration sur le morceau Overnight en 2017. Mais au lieu de robots, ce sont cinq humains après tout qui dirigent la manœuvre.

Cinq garçons sensibles, qui essorent leurs sentiments pastels sur des morceaux house-disco-funk longs en bouche, en disciples appliqués du grand maître, Sa Majesté Nile Rodgers. N’hésitant jamais à rajouter une couche vernis, Parcels n’est même plus très loin de virer yacht rock à moustache ou de lorgner vers les Bee Gees. Sur la ballade Leaveyourlove, inclus dans leur prochain album, ils célèbrent ainsi leur bromance en s’asseyant tous en bord de scène, pour chanter en chœur, juste accompagnés d’un clavier, se tenant par les épaules. Même scène quelques minutes plus tard, mais cette fois autour du batteur Anatole Serret, pour se lancer ensemble dans une longue jam, avec force cowbells et claves. Simple et funky.

Les Fab Five de Parcels, sous influence Get Back!

Sur scène, le décor est plutôt minimaliste – avec des lights latérales et un sol blanc éclatant, rappelant la discothèque. Ou, surtout, une scène de Get Back !, le fabuleux documentaire de Peter Jackson, consacré à l’album final des Beatles. Sur le grand écran du fond, les à-plats de couleurs rappellent d’ailleurs les ambiances du film. Ils alternent avec des prises de vue en direct des musiciens. Et surtout de leur instrument. Puisque c’est toujours bien la musique qui reste au centre des préoccupations de Parcels. Au fond, ce n’est pas plus bête que ça. Samedi soir, elle a en tout cas suffi pour filer un grand sourire à tout le monde.

MAIS AUSSI

The Streets. Plus de vingt ans après son emblématique Original Pirate Material, Mike « The Streets » Skinner a-t-il encore des choses à raconter ? Quand il débarque nonchalamment sur la Last Arena, bière plate à la main, on n’est pas rassuré. Avec son groupe de cadors – basse, batterie, guitare et l’impeccable Kevin Mark Trail au chant -, et son humour à froid, Skinner va pourtant proposer l’un des concerts les plus funs du jour. Déconneur, il est ce genre de lad qui n’attend la fin du set pour descendre déjà faire un tour dans le public, dialoguer avec lui (entre et pendant les morceaux), commander des frites en direct (et les recevoir), renverser un retour pour poser sa chope, ou organiser un crowdsurfing pour passer d’un côté à l’autre du public (et tenter de devenir célèbre sur TikTok). Il parvient même à émouvoir en racontant la première fois qu’il a traversé la Manche, à l’occasion d’un voyage en famille en Belgique, gagné par son frère. Et le rappeur droopy un peu has been de se transformer tout à coup en chroniqueur d’une époque aussi bénie que révolue, celle où il ne fallait pas encore de visa pour rejoindre Londres…

Saint Levant. Qui a dit que les messages politiques en concert risquent de gâcher la fête ? Il faut dire qu’avec Saint Levant, né à Jérusalem, élevé à Gaza, difficile d’éviter l’actualité. Sous un chapiteau ultra-bondé, où flottaient de nombreux drapeaux palestiniens, le chanteur a dénoncé le « génocide en cours », et remercié notamment le public d’ « être du bon côté de l’Histoire ». Mais sans que cela n’empêche le concert de se transformer en une grande fête, emmenée par un groupe mélangeant parfaitement vibrations pop urbaine et musiques arabes.   

Sylvie Kreusch. Cela étant dit, pas besoin forcément de se lancer toujours dans des grands discours pour faire passer des messages. A mi-concert, pendant Walk Walk, Sylvie Kreusch déploie sur scène un large parapluie, sur lequel est dessinée une pastèque. L’Anversoise n’a pas besoin d’en dire plus pour que le public capte la référence à la cause palestinienne derrière l’accessoire de scène… En général, Sylvie Kreusch n’a pas besoin d’en dire beaucoup pour emporter le public avec elle. Accompagnée d’un groupe au groove imparable, elle est cette bête de scène, véritable passionaria  sublimant le velours de sa pop indie avec une gestuelle et une énergie débordante. Au point de se dire qu’on a rarement vu chanteuse aussi habitée par ses morceaux.    

Vaague. Le saviez-vous ? Passé minuit, Antoine Pierre se transforme et change de peau. Pas besoin forcément de l’arroser : derrière ses futs, le batteur jazz mute en une « pieuvre » électro batailleuse. Seul sur scène, il tape sur ses caisses pour en générer une drum’n’bass-techno-hardcore aussi turbulente qu’imparable. Scotchant.  

Bigflo & Oli. Fallait que ça tombe sur eux. Après un quart d’heure de concert à peine, le duo de rappeurs toulousains, et son public, s’est fait copieusement arroser par le seul orage de la journée. Non pas une fois, non pas deux fois, mais bien quatre bonnes rasades d’une grosse drache épaisse. Pas de quoi cependant dissuader la grande majorité de la foule. Puisque, oui, pour ceux qui se demandaient si leur rap des familles étaient Dour-compatible, les deux frangins ont bien fait le plein. Avec une vraie mise en scène, un band de potes. Et, quoiqu’on pense de leur musique, en n’hésitant jamais à mouiller – littéralement pour le coup – le maillot.          

      

 

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content